Un "vent favorable" m'a apporté une information utile et intéressante : l'armée de l'Air, pour la première fois en 75 ans, va se doter d'un concept opérationnel. Il y décrit, dans un premier temps, ce qu'est la puissance aérienne, dans un second quels sont les apports de l'armée de l'Air à la sécurité nationale et, enfin, ouvre des perspectives à plus long terme. Le document sera prochaînement disponible sur le net.
Sa parution constitue une vraie petite révolution. Contrairement à d'autres forces aériennes, l'AdA a historiquement eu peu tendance à théoriser ses missions et ses fonctions, ce qui fait dire à certains qu'elle n'a pas ainsi été en mesure de défendre ses positions lorsque la Commission du LBDSN s'est attaqué à la question du format des forces.
En fait, l'AdA patauge quelque peu, d'un point de vue conceptuel. Rares sont les auteurs à avoir travaillé sur le sujet en France, d'un point de vue stratégique (Les chevaliers de l'Air, de P. Venesson, est excellent du point de vue de la socio-histoire). On peut citer le colonel Chamagne (L'art de la guerre aérienne, cf DSI 11), J-J. Patry (L'ombre déchirée, cf. DSI 31)) ou votre serviteur (L'Airpower au 21ème siècle, toutefois plus orienté sur la stratégie US). Pourtant, il a existé une véritable école de stratégie aérienne en France (cf. l'article de J. de Lespinois, DSI 27) et des gens comme Vauthier méritaient le détour.
Mais l'interlude fut bref : trop autonomiste, trop penchée sur la pensée de Douhet, elle ne parviendra pas à en sortir. Il n'existera pas une critique (au sens kantien) de Douhet dans l'AdA comme il existera une critique de Mahan dans la Marine, via Castex. En conséquence, l'AdA sera essentiellement une aviation de coopération dont la "pointe avancée" en terme de prestige sera la chasse (b...l).
Mais revenons à nos moutons : la parution de ce concept est-il le prolégomène d'un nouveau dynamisme conceptuel ? C'est à espérer. La stratégie aérienne - au-delà des très flasques EBO auxquelle elle est beaucoup trop souvent réduite - a non seulement beaucoup à offrir mais aussi beaucoup à re-conceptualiser. Là comme ailleurs, les forces aériennes européennes ont souvent fait dans le suivisme à l'égard des Américains sans guère prendre en compte des spécificités européennes qui ont des impacts majeurs sur les planifications comme sur les opérations. On croise donc les doigts pour que l'AdA nous inonde de concepts et qu'elle puisse faire face (bruits de compresseurs, évidemment) !
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4 commentaires:
C'est effectivement à suivre.
Il m'a semblé que l'on était trop à la traine d'un modèle basé sur le tout "air Power" à l'américaine. Ce qui amenait une utilisation systématique de celui-ci même quand il en arrivait en limite d'usage : je pense au CAS exercé à partir du CdG, impliquant plus de 3000 km de vols pour les SEM , 3 à 4 ravitaillements pour aller délivrer une Bombe. Alors qu'à contrario un soutien plus rapproché (d'artillerie) aurait été plus utile ou plus aisé à mettre en oeuvre.
Enfin comme vous le souligniez la chasse a été mise en avant, peut-être aux dépens de la composante de bombardement et du transport stratégique, notamment avec peu de réflexion sur l'utilisation d'autres choses que des chasseurs bombardiers : à ce tître l'adaptation récente de l'ATL2 marque une avancée considérable.
Mais il n'y a pas clairement eu de suite aux pistes ayant suggéré par exemple l'utilisation d'Airbus ou d'A400M adaptés à l'emport de Scalp et permettant de pallier à l'absence de bombardier lourds (il y a eu un mémoire récemment au collège de défense (www.college.interarmees.defense.gouv.fr/IMG/pdf/DABADIE_LCL_B_article_Tribune_V3.pdf )
Et pour revenir à la toute utilisation des chasseurs-bombardiers, l'on arrive à leur utilisation sur Porte Avions même comme nounou ce qui est quasiment un non sens.
BPCs
Une bonne nouvelle en effet, même si j'attendrai pour ma part d'en voir le contenu avant de célébrer comme il se doit l'arrivée de ce texte de doctrine...
Sur la doctrine et l'Armée de l'Air, vous ne mentionnez pas le rapport de d'Etienne de Durand et Bastien Irondelle, Stratégie aérienne comparée (http://www.c2sd.sga.defense.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_aerienne_comparee.pdf ), qui traite notamment du cas français et qui avait suscité pas mal de débats au sein de l'AA lors de sa parution.
GdL
De Durand et Irondelle se centraient surtout sur ce que Mr. Henrotin appelle de la "socio-histoire". Texte intéressant, au demeurant !
cette référence ci-dessus est très intéressante et le ton polémique a du faire effectivement du bruit.
J'ai été frappé par l'emploi à plusieurs reprises du terme "théologique" lors de l'accession à une utilisation stratégique de l'air power.
S'agit-il d'un terme "technique" de doctrine ou bien assiste-t-on à un moment à une irruption de l'irrationnel faisant alors appel à un mode de croyance quasiment théologique en la valeur de l'arme que l'on supporte (par rapport aux autres possibles : Snle, PA, bombardier lourds ).
Je pose cette question ayant pu être surpris, dans un tout autre domaine (les modèles possibles de la structure de l'univers) sujet éminemment mathématique, où la scientifique disait que l'hypothèse adverse n'était pas sympathique à envisager : le romantisme n'a de toute évidence rien à voir dans ces modèles physiques et peut-être pas plus qu'une conception théologique dans les concepts de bombardement...
BPCs
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