samedi 8 décembre 2007

Quelle guerre probable ?

Vincent DESPORTES. La guerre probable. Penser autrement. Economica, Coll. « Stratégies et doctrines ». Paris, 2007, 202 p.

Auteur combinant expérience, culture et liberté de l’esprit, Vincent Desportes propose au lecteur une synthèse remarquable des questionnements stratégiques faisant débat en proposant sa vision de la « guerre probable ».

Prenant acte des tendances de l’art de la guerre, l’auteur montre des conflits longs, éminemment complexes où le politique n’aura jamais été aussi présent, où la stabilisation sera la phase réellement décisive et qui, sans être « a-technologiques » ne se résoudront pas par le seul usage de notre supériorité matérielle.

En effet, traversant l’ouvrage, le principe du « contournement » montre avec sagesse que même un adversaire technologiquement avancé ne pourra plus nous confronter de façon idiote – c’est à dire frontale et en jouant avec nos propres règles – et que l’action « hors limite » va devenir la norme. Dans un tel contexte, V. Desportes montre que l’attention portée à la technologie est sans doute excessive, résolvant des problèmes déjà résolus.

L’auteur n’est pour autant certainement pas anti-technologique et prévient même : l’adversaire asymétrique pourra utiliser de plus en plus des technologies avancés, tandis que nos réseaux sont vulnérables, nous mettant à portée de victoire d’une puissance qui serait loin d’avoir l’étendue de nos moyens.

Mettant en garde contre la surprise stratégique – ajoutera-t-on, celle qui a fait perdre les guerres de 1870 et 1940 -, sa réflexion, étayée et brillement argumentée prend directement appui dans l’actualité stratégique et laisse des passages qui donneront bien du grain à moudre aux partisans d’une guerre par trop formatée par la technologie : enjoignant de ne pas confondre l’outil et la pratique, il invite le lecteur à une remise en question qui sera nécessairement dure mais qui ne pourra être que salvatrice.

De ce point de vue, l’ouvrage sera sans doute source de polémiques voire de mauvais procès. Ce qui tombe même plutôt bien : hors réflexion, point d’innovation. Et même s’il a ses petits défauts – une déconsidération parfois excessive de la puissance aérienne – cet ouvrage est tel que celui qui ne l’aura pas lu sera immanquablement en retard d’une guerre.

vendredi 7 décembre 2007

Russie : le retour des patrouilles en Méditerranée

La Russie nourrit, historiquement, une tentation méditerranéenne, cherchant à pousser son influence vers les « mers chaudes ». Avec la montée en puissance des ambitions russes – dysphasique comparativement à celle de ses moyens – la marine retrouve ainsi des eaux qu’elle avait abandonnées, que ce soit par la modernisation de la base navale de Tartous (Syrie)que l'on avait évoqué dans DSI mais aussi par la reprise de ses patrouilles dans l’Atlantique et en Méditerranée, annoncée par le ministre russe de la défense, Anatoly Serdyukov.

Concrètement, si le niveau de préparation des forces navales russes ne permet pas d’envisager à court terme – ni même dans le moyen terme – la reprise de patrouilles permanentes, le mouvement n’en est pas moins significatif sur le plan politique :

- D’une part, parce qu’il permet de signifier clairement à l’OTAN que l’Europe peut être maritimement encerclée de toute part, rompant symboliquement le lien avec le continent américain. Dans le même temps, cette rupture signifie également le désenclavement de la flotte d’une mer Noire devenu, au fil des ans, un « lac de l’OTAN ».

- D’autre part, la déclaration a une valeur plus immédiate dans le contexte politique russe. Intervenant quasi-immédiatement après des élections russes ayant sacralisé la manoeuvre de V. Poutine – ne pas quitter le pouvoir suprême en (re-)devenant Premier ministre – la déclaration se situe en droite ligne de la politique, volontiers paranoïde, de renaissance de la puissance poursuivie par Moscou.

mercredi 5 décembre 2007

Chercheurs, à vos plumes !

Le prix de stratégie maritime « Amiral Daveluy », récompense chaque année des travaux riches d’enseignements pour le présent et pour l’avenir, dans le domaine de la pensée navale, de l’histoire et de la stratégie maritime française ou européenne.

Crée par le chef d’état-major de la Marine, il vise à encourager et promouvoir des travaux de recherche et de réflexion à caractère historique, politique, juridique, technique ou autres, propres à faire progresser les connaissances dans ce domaine. Il s’adresse aux étudiants et chercheurs français et européens.

Le prix peut comporter jusqu’à trois récompenses :- thèse de doctorat ou travail équivalent (5 000 euros) ;- mémoire de fin d’études supérieures (2 000 euros)- mention spéciale pour thèse ou mémoire (2 000 euros).La date limite de réception des travaux est fixée au 29 février 2008. La date d’attribution des prix est fixée au mois de juin 2008.

Documents demandés : deux copies des travaux en langue française, dont une sur support numérique. Une synthèse, sur support numérique, de 25 000 à 40 000 caractères pour une thèse, de 15 000 à 25 000 caractères pour un mémoire, susceptible de faire l’objet d’une édition au sein de la publication du Centre d’enseignement supérieur de la marine : le Bulletin d’étude de la Marine.

Contact : Enseigne de vaisseau Thibault RichardCentre d’enseignement supérieur de la MarineBP 08 – 00300 Armées
Tèl : 01 44 42 56 72 – Fax : 01 44 42 82 06

Noël approche : quelques idées de lectures (4)

Hervé Coutau-Bégarie. L’océan globalisé. Géopolitique des mers au XXIe siècle. Economica, Coll. « Bibliothèque stratégique ». Paris, 2007, 316p.

En plus d’être l’un des meilleurs théoriciens de la stratégie, Hervé Coutau-Bégarie est sans aucun doute le navaliste français contemporain le plus productif et le plus brillant. Après une Evolution de la pensée navale en 8 tomes qu’il a dirigé, il nous le prouve une fois de plus en publiant ce premier ouvrage d’une série qui devrait en compter trois et qui cherche à dresser la carte de la puissance navale contemporaine.

La tâche, on le comprendra, est utile, nécessaire et urgente, tant la stratégie navale n’a guère bénéficié ces dernières années du regain de théorisation qu’aura connu la stratégie terrestre ou la stratégie aérienne. Aussi, après un cadrage de la question sous un angle maritime – incluant donc la question du transport, des ressources et de la construction navale – l’auteur examine la « nouvelle stratégie maritime, proposant une grille de classification des marines de même que des réflexions sur l’évolution des missions ou encore des moyens.

Dans une seconde partie, il examine des « matériaux pour une géostratégie des mers au XXIe siècle » qui lui font examiner l’application à la marine US de la Transformation ; la notion de sauvegarde maritime ; un état de l’art très complet sur la question du porte-avions ; le pilier naval de la défense européenne et, enfin, l’industrie navale militaire européenne (de façon d’ailleurs très complète).

La tâche que s’est assigné Hervé Coutau-Bégarie est, on le comprendra, immense. Mais il l’accomplit parfaitement et dans un style d’écriture à la fois nuancé et clair. Au passage, il démontre toute la nécessité d’une théorisation, trop souvent négligée, de la stratégie navale : à bien des égards, beaucoup trop peu à été dit sur cette question et le mérite de l’auteur, à cet égard, est d’ouvrir des voies de réflexions plus que jamais nécessaires.

Des F-16 en opération antimissiles

Qu’est-ce qui est nettement moins cher qu’un laser aéroporté sur B-747, qui vole déjà, est déjà amorti et peut détruire des missiles balistiques engagés dans leur boost phase, soit les 2-3 minutes suivant leur décollage ?

Des F-16.

Les Etats-Unis ont testé un nouveau concept, le Net-Centric Airborne Defense Element (NCDE), en engageant 2 missiles AIM-9X Sidewinder contre une fusée de recherche Orion sur le site de White Sands.

A terme, des AIM-120 modifiés pourront également être utilisés, de sorte qu'un F-16 se situant dans un rayon de 160 km d'une zone de lancement sera capable d'engager une cible. Notons que fusée Orion a des caractéristiques de masse, de taille et d'impulsion au décollage similaires aux LCR et aux SRBM.

mardi 4 décembre 2007

So, you say yout want F-35 in your air forces ?

La presse néerlandaise fait actuellement grand bruit autour des déboires subis par le développement du F-35, entraînant, dans la foulée, un nouveau débat au parlement. Selon les révélations du journaliste (et CEO de Bever Software) Johan Boeder, il apparaît, en fait, qu’au cours du 19ème vol de l’appareil, le 3 mai 2007, ce dernier a effectué un virage à 360° dû à une mauvaise conception de son système électrique et à des problèmes majeurs au niveau de ses actuateurs. L’appareil a alors effectué un atterrissage d’urgence à 350 km/h, certaines surface de contrôle étant inutilisables. Au final, les actuateurs devront être revus de fond en comble.

Depuis mai 2007, plus aucune date n’a été donnée pour le 20ème vol de l’appareil. Pire pour la suite du programme, le système de production électrique du F-35C (la version navale) ne serait en mesure de produire que 65 % de la puissance requise. Du coup, la configuration du réacteur F-135 devra être revue, de sorte qu’il ne sera pas prêt avant fin 2009. Dans la même veine, un essai au sol d’un F-135 a abouti à l’explosion d’une partie du moteur pour cause de surchauffe.

Et la série noire de continuer : un officier d’une force aérienne européenne travaillant comme officier de liaison a indiqué que les retards dans le développement des logiciels permettant l’utilisation des armements sera tel que l’appareil ne pourra, au mieux, ne disposer de sa capacité multirôle qu’après 2015.

Au final, entre les surcoûts et les délais, Lockheed annonce que son financement pour le projet sera épuisé fin 2008, la firme proposant, afin de « rester dans les clous » budgétaires, de construire deux prototypes de moins que prévu et d’éliminer 800 des 5 000 heures de vol prévues par le programme. Soit une proposition qui n’est pas prête de rassurer des forces aériennes dont toute la puissance dans les 40 prochaines années devrait entièrement dépendre du nouvel appareil.

lundi 3 décembre 2007

La Belgique réarme le Liban

Dans la foulée des opérations menées à Nahr el Bared contre le Fatah al Islam, l’armée libanaise s’est engagée dans un processus de réarmement en bonne et due forme.

Elle a ainsi accepté la proposition belge de vente de 40 chars Leopard-1A5BE et de 32 véhicules de combat d’infanterie YPR-765, pour un montant symbolique de 10 millions de dollars.

La transaction est toutefois suspendue à la formation d’un nouveau gouvernement fédéral en Belgique.

DSI 32 est paru !

Défense & Sécurité Internationale, n°32, décembre 2007

Editorial
Agenda et nominations
Les contrats du mois
Veilles contre-terroristes

Nos veilles stratégiques :

Flash : AW-139 ; A-109 ; pavot en Afghanistan ; téléphone rouge sino-américain ; dernier satellite DSP ; budget du renseignement US
Guerre électronique : c’est en Suisse que ça se passe
Brésil : hausse de 50 % du budget de défense
Colombie : les narcos poursuivent leurs efforts sous-marins
Etats-Unis : nouvelles ventes de F-15 en perspective ; prévoir les insurrections ; le Prompt Global Strike boosté ; défense antisatellite : qu’est-ce qui est le plus efficace ? ; MRAP : commandes monstres ; percées de Thales ; faire dans le léger ; nouvelle stratégie maritime ; vers l’annulation du CVN-78 Ford ? ; après l’annulation du LCS-4, quelle stratégie littorale ? ; avec un baril à 100 dollars, le CG(X) pourrait être nucléaire ; de nouveaux F-22 ? Blackwater poursuit le développement de ses activités
Europe : le bouclier ABM, fait pour protéger l’Europe selon la MDA
Allemagne : réforme des services de renseignement ; un 3ème SAR-LUPE en orbite ; on livre à domicile
Belgique : imbroglio politico-militaire
Croatie : un don de F-16 d’occasion ?
EADS : retards pour l’A400M
Espagne : programme majeur de remplacement des véhicules de combat
Estonie : bientôt à la pointe de la cyber-défense ?
France : retrait du programme AGS
Grande-Bretagne : des vaisseaux-mère pour 2020 ?
Pays-Bas : lancement du programme d’OPV
Roumanie : bientôt des Typhoon ?
Russie : de nouveaux membres dans le Klub
Afghanistan : très fortes pertes civiles
Arabie Saoudite : rupture dans la politique d’armement
Le Caucase sous tension
Chine/Japon : La course aux étoiles migre à l’Est
Chine : le SSBN classe Jin ; des 737 à usage militaire
Corée du Sud : Séoul veut un appareil de la 5ème génération… ; …tandis que le SAM-X sera opérationnel en 2010 ; des lasers antimissiles pour 2010 ?
Inde : accord avec la Russie sur le PAK-FA ; l’état du potentiel chimique inquiète ; surcoût pour le futur porte-avions
Irak : une violence en recul structurel ? ; l’armée du Mahdi combattait « camée »
Israël : développement des défenses ABM ; l’urbanisation du M-113 ; commande massive de munitions ; méfiez-vous du rouge
Iran : des projets peu clairs
Kazakhstan : développement de la marine
Liban : le Hezbollah en manœuvre… sans armes ni uniformes
Singapour : nouveaux F-15SG
Taiwan : une bombe au graphite ; Taiwan se prépare à une Chine aéronavale
Thaïlande : montée en puissance de la force aérienne
Afrique du Sud : le centre de recherche nucléaire de Pelindaba attaqué
Maroc : pas de Rafale mais une FREMM
Darfour : l’Europe à la rescousse
Somalie : les Ethiopiens peinent à contenir les islamistes

La chronique de Carl von C. : « Sortir d’Irak, c’est un peu comme sortir en boîte »

Sécurité

Faut-il envahir le Myanmar ?
Par Francis Nantha, rédacteur en chef d’Asian Defence & Diplomacy, Kuala Lumpur

« Les petits plaisirs du communisme »
Entretien avec Bettina Röhl, portraitiste de la République Fédérale d’Allemagne

Stratégie

De la guerre... au milieu des populations
Entretien avec Sir Rupert Smith, général d’armée (Ret.) de l’armée britannique. Rupert Smith a dirigé la division britannique durant Desert Storm (1991), la FORPRONU en 1995, le théâtre irlandais de 1996 à 1999 et a été Deputy Supreme Allied Commander of Forces in Europe (D-SACEUR).

David Galula : la pacification en Algérie 1956-1958
Par Bruce Hoffman, vice-directeur de la RAND Corporation

Roger Trinquier, portrait du « Centurion »
Par Bernard B. Fall, correspondant de guerre, docteur en sciences politiques et professeur de relations internationales.

Armées

Un porc-épic en mer de Chine. Les forces terrestres taiwanaises à l’aube du 21e siècle
Par Joseph Henrotin, chargé de recherche au CAPRI

Tableau de bord : les forces terrestres taiwanaises
Par Philippe Langloit, Chargé de recherche au CAPRI

Unités

History in the making : la France au Comité militaire de l’OTAN
Par Véronique Sartini, journaliste

Les 4 grandes directions d’études du Comité militaire de l’Alliance atlantique

La participation française au budget de l’OTAN

La participation française actuelle aux opérations de l’OTAN (chiffres au 10/09/07)
La représentation des officiers français au sein de l’alliance :

Technologie & armement

Destroyers : le premier instrument de la stratégie navale contemporaine ?
Par Joseph Henrotin, chargé de recherche au CAPRI

Les destroyers Arleigh Burke : de la « Blue Water » à la « Brown Water »
Par Stéphane Ferrard, journaliste spécialiste des questions de défense

Le Forbin enfin à l’horizon. La marine française ouvre le parapluie !
Par Jean-Louis Promé, journaliste spécialiste des questions de défense

Fiches techniques

Destroyer LCF classe De Zeven Provincien / Tromp, Van Heemskerck et Kortenaer : en avance sur leur temps
General Atomics R/MQ-1A/C Predator/Sky Warrior / Une histoire opérationnelle bien remplie
Obusier automoteur BAE Land Systems AS-90 / Faut-il encore construire des automoteurs d’artillerie chenillés ?

Critiques de lectures

L’océan globalisé. Géopolitique des mers au XXIe siècle d’Hervé Coutau-Bégarie
Suicide Bombers in Iraq. The Strategy and Ideology of Martyrdom de Mohamed Hafez
Des principes de la guerre par le Maréchal Foch
Achever Clausewitz par René Girard
Atlas de l’islam radical présenté par Xavier Raufer
Parameters. Vol. XXXVII, n°3, Autumn 2007

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