lundi 11 juillet 2011

AB(N)L ?

J'étais passé outre, pression du temps faisant, mais Davdberg posait cette questiondans un commentaire :

"pas de commentaires sur l'idée d'une armée Benelux (N-VA, prof Luc De Vos et Manu Jacob)"

Et bien mon commentaire sera court :

- premièrement, ça ne peux pas politiquement passer : tout cela s'intègre dans une vision des "Lage Landen" qui fera bouillir autant les Luxembourgeois que les Francophones belges ;

- deuxièmement, militairement, deux hommes malades n'ont jamais fait un homme en bonne santé...

In fine, je suis donc sceptique...

Intervention en Libye : mon point de vue

Cette interview a été publiée dans "Le Soir", le 31 mai 2011.

Libye Les opérations militaires couvertes par les Nations unies seraient achevées
Vers une autre guerre, « absolue »

ENTRETIEN

Bien que la résolution 1973 des Nations unies autorise une intervention militaire en Libye pour protéger les civils et non pour obtenir un renversement du régime en place, le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen a réclamé ce lundi rien moins que le départ du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi : « Le règne de la terreur de Kadhafi touche à sa fin. Il est de plus en plus isolé chez lui et à l'étranger (…). Il est temps pour Kadhafi de s'en aller. » Ces propos situent clairement la campagne libyenne dans un cadre qui, en Belgique en tout cas, n'a pas été approuvé par le Parlement national. L'analyse de l'expert militaire Joseph Henrotin.

Lorsque le Premier britannique Cameron dit qu'on « entre dans une nouvelle phase », lorsque le président français Sarkozy plaide pour une « intensification » des opérations, on est en train de changer de guerre, non ?

Pour moi, les opérations de la résolution 1973 sont terminées depuis plusieurs jours déjà : la population civile est protégée, à l'exception de quelques zones.

Protéger la population – une opération militaire à but limité – était une bonne idée : on ne s'engageait pas dans un conflit à objectif absolu, ce qui aurait été une erreur. Or cette erreur-là, nous sommes en train de la commettre depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Si on continue aujourd'hui, de facto, à protéger la population en mettant Kadhafi sous pression, on n'en change pas moins fondamentalement d'objectif.

Il a été dit vendredi au QG de l'Otan que la mission était taillée pour trois mois et que, dans la dernière moitié de juin, il faudrait réévaluer l'opération. Puisque les objectifs de la résolution 1973 sont déjà atteints, est-ce qu'une évaluation fin juin n'est pas trop tardive ?

Si nous avons un objectif absolu comme « dégager Kadhafi » (un objectif qui a été affirmé très tôt mais qui n'a pas été officialisé), trois mois représentent les « cent jours », cette espèce de barrière enseignée dans les académies militaires et qui permet de savoir si une opération est efficace ou non. Néanmoins, moi je pense qu'à partir du moment où un objectif n'est pas clairement fixé, on ne peut pas l'atteindre et on ne peut être efficace. Car on ne se donne pas les moyens d'être efficaces.

Admettons que le politique se décide à être clair, et se dise : « OK, on fait tomber Kadhafi », qu'est-ce que cela signifie militairement ? Des troupes au sol ?

Non, pas nécessairement. Ce qu'il faut c'est davantage d'encadrement des insurgés, qui sont des sous-doués militaires.

Il a toujours été dit qu'il n'y aurait pas d'hommes au sol, et le militaire ne l'a jamais conseillé, que ce soit à Paris ou à Bruxelles. Le seul problème est que la capacité des insurgés à prendre le pouvoir à Tripoli a toujours été surestimée par le niveau politique, pas par les militaires. C'est une des grandes leçons de cette guerre : à être trop poli vis-à-vis du politique, le militaire finit par se laisser embobiner dans des opérations sur lesquelles il a lui-même des doutes.

Ce qu'il faut, c'est davantage de sorties d'avions. Et là le politique est un peu pris à son propre piège : il a accru la pression sur les armées en termes d'engagements extérieurs, mais dans le même temps les moyens nécessaires n'ont jamais été donnés aux armées. Donc maintenant, plusieurs forces aériennes engagées sur le théâtre raclent les fonds de tiroir pour obtenir un avion en plus, pour faire en sorte que la moyenne hebdomadaire des sorties s'accroisse, etc.

Je ne comprends pas : si le nouvel objectif est d'atteindre Kadhafi, pourquoi multiplier les sorties d'avion ? Ce n'est pas avec des avions à 33.000 pieds qu'on va avoir Kadhafi, lequel se cache à Tripoli dans les hôpitaux civils.

Si. Le seul problème est de le localiser précisément, avec du renseignement. Or pour ce renseignement, nous devons compter sur les Américains. Beaucoup de gens disent que des agents de renseignement soit français, soit britanniques, soit italiens sont déjà sur place, ce qui ne m'étonnerait pas outre mesure.

Mais une nouvelle fois, il faut savoir ce qu'on veut faire : est-ce que l'objectif est de dégager Kadhafi ? Ou est-ce qu'on reste dans cette ambiguïté du discours ? C'est un jeu extrêmement dangereux : le jour où on perdra un pilote, l'opinion publique – essentiellement les médias – s'interrogera sur la raison de savoir pourquoi on l'a perdu.

A l'école de guerre à Paris, j'ouvre et ferme mon cours par cela : si vous n'avez pas d'objectif, vous n'êtes pas prêt à l'atteindre…

Donc, première leçon : il faudrait reconnaître publiquement que l'objectif 1973 a déjà été atteint…

Oui. Clairement oui.