jeudi 24 juin 2010

blog-u-tations

Vous l'aurez remarqué, ce blog tourne un peu au ralenti ces derniers temps. La faut au temps, justemment, celui qui manque parce qu'on a bossé sur pas mal de choses (allez, petit scoop, un deuxième "mook" est en préparation et... bibi s'est replongé avec délectation dans l'une des ses matières de prédilections) et que tenir la barre minimale des deux à trois heures de lecture professionnelle par jour nécessite parfois de rogner quelque peu sur l'entretien du blog.

Dans le même temps, ce brave blog (qui vient de fêter ses trois ans, tout de même) à rempli l'une de ses fonctions : essayer de tenir au courant les lecteurs de DSI des dernières parutions et chercher à faire passer quelques brèves d'information. Entre temps, www.dsi-presse.com est arrivé (il compte tout de même près de 300 pages, ce qui n'est pas mal pour moins d'un mois d'existence) et je vous incite à aller y farfouiller. Toutes nos critiques de lectures sont dessus, ce qui tombe à point pour les vacances (vous pensez qu'un blog remplace une saine lecture ? Vous avez le sens de l'humour et votre netbook est menacé d'ensablement ;o)

Ce blog redevient donc un carnet de notes, de réflexions, d'avis tout à fait personnels et qui sont à peu près tout sauf académique (on peut se gausser de l'académisme mais une méthodologie solide est la meilleure chose qui puisse arriver à un chercheur), bref, un véritable blog. Pour les brèves et les news, dsi-presse est là pour ça, pour des réflexions un peu plus "freestyle", vous êtes toujours les bienvenus.

NB : j'insiste mais... tout commentaire anonyme est impitoyablement tchétchénisé, selon l'expression de Carl...

Deux remarques sur "l'affaire McChrystal"

C'était la grande nouvelle de la soirée d'hier, B. Obama a débarqué McChrystal du commandement des opérations en Afghanistan, suite à la parution d'un article dans Rolling Stone - article que l'on peut par ailleurs lire ici et qui ne manque pas de m'inspirer 2-3 commentaitres.

Premièrement, sur le contrôle civil des militaires. Il est certes très spécifique aux Etats-Unis (pas mal d'ouvrages ont exploré la question) mais, au-delà, c'est bien la question de la liberté du militaire dont il est question. Les remarques de MC sur sa rencontre avec un ministre sont clairement inappropriées (que le premier militaire n'ayant jamais pesté contre le politique me jette son chargeur) et son dédain de Paris lui est personnel. Finalement, nous avons tous nos villes préférées. Sans vouloir lui trouver d'excuse, le type est sous pression, à "de la gueule" et c'est précisément ce qu'on lui demande.

D'un autre côté, si un militaire est soumis aux décisions politiques, sa liberté de penser (quoiqu'il puisse penser, même si cela pose un problème au politique) est quelque chose de déterminant : c'est aussi pour cela qu'on le paie et pas pour jouer au gars qui ira dans le sens du politique s'il sait que ce dernier se trompe. Cette dernière tendance a toujours existé dans les armées et touche également les armées européennes. Mais c'est ainsi que l'on perd les guerres, en particulier lorsque le politique est de moins en moins conscient des potentialités comme des limites de l'instrument militaire. A ce stade, trouver de nouveaux type de relations politico-militaires, où le premier considère réellement le deuxième comme un conseiller, va être déterminant pour l'avenir même des armées.

Pour suivre le journaliste, blâmer MC pour avoir choqué des alliés en Afghanistan ne devrait pas retomber sur le dos du général... mais bien sur celui des alliés : le type est là pour obtenir du succès et la collection de caveats des alliés n'est pas sans poser problème. Lui imputer par ailleurs le retrait néerlandais et la démission du président allemand, c'est encore autre chose - le journaliste n'a manifestement pas bien étudié la question.

Deuxième remarque sur la COIN, cette fois. La question fait débat aussi en France où elle serait opposée à la guerre régulière. Première sous-observation, la guerre régulière n'est que marginalement (même de nos jours - regardez avec quoi la guerre de Géorgie a été gagnée) une guerre de haute technologie. Faire de ces deux catégories des synonymes démontre que l'on connait mal ses classiques.

Deuxième sous-observation, "LA COIN", sous-entendue comme une doctrine unique, n'existe pas. De Lyautey à Gallula ou à Calwell, personne n'a de recette miracle et, surtout, ses interprétations sont très variées. Jetez un oeil à DSI : ces 4 dernières années, des auteurs reviennent fréquemment sur la question et leurs interprétations sont parfois très différentes. En poussant plus loin, on pourrait même poser que "LA COIN" n'a de sens que dans un cours de première année de sciences po' ou... si l'on veut disqualifier la gamme de concepts qu'elle recèle.

On peut aussi se poser la question de savoir par quoi remplacer "LA COIN" : raser des villes et des villages ? Prendre l'ensemble de l'Afghanistan à coups de brigades blindées, comme on l'aurait fait lors d'une contre-attaque contre telle ou telle brigade soviétique pénétrant en Allemagne ? Refuser un ordre du politique demandant une intervention au motif que l'on n'est pas adapté ? Refuser de s'adapter, à cet égard, c'est aussi la mort d'armées qui, historiquement, ne sont pas là pour mener des opérations que certains considèrent comme étant "idéales" (aucune, d'ailleurs, ne l'est) : la guerre, c'est sale et darwinien. Le plus adapté l'emporte.

Maintenant, comparons cela à ce qu'en dit Rolling Stone : "From the start, McChrystal was determined to place his personal stamp on Afghanistan, to use it as a laboratory for a controversial military strategy known as counterinsurgency. COIN, as the theory is known, is the new gospel of the Pentagon brass, a doctrine that attempts to square the military's preference for high-tech violence with the demands of fighting protracted wars in failed states. COIN calls for sending huge numbers of ground troops to not only destroy the enemy, but to live among the civilian population and slowly rebuild, or build from scratch, another nation's government".

Ah bon ?