mardi 19 mai 2009

Génération afghane, génération perdue ?

Je réagis ici à un post de JD Merchet, qui examine l'émergence des "Afghansty", nouvelle génération de combattants formés et acculturés aux opérations afghanes... qui pose, en creux, la question de leur adaptation aux opérations classiques.

Première remarque, il faut prendre garde d'opposer "guerre froide" et "guerres actuelles" : ce sont là deux choses non comparables. Les Etats-Unis l'ont payé au prix fort, à trop considérer que les opérations classique/conventionnelles étaient plus exigeantes que les irrégulières, ils sont complètement passé à côté des spécificités du conflit. Au final, ils ont produit des statistiques impressionnantes de tonnages de bombes larguées et d'adversaires tués - ce que fait également l'OTAN. Elles étaient totalement non-pertinentes dans le contexte, révélant une conception linéaire certes plus appropriée. Relire l'ouvrage de Summers (On Strategy) vaccine durablement contre ces biais très technologisants.

Deuxième remarque, cela ne veut pas dire qu'il faille déconsidérer la "haute intensité", que du contraire. D'ailleurs, la "haute intensité" est un terme que je n'aime pas - l'on parle d'ailleurs actuellement et assez justement de HICOIN (High Intensity Counter-Insurrection). Il faut tout simplement savoir faire les deux, sans tomber dans le travers de certaines propositions (la mise en place de forces spécifiquement "conventionnelles" et "non-conventionnelles"). Mais faire les deux est difficile, me direz vous. C'est évident.

Mais la donne a changé : l'opposition entre combats réguliers et irréguliers n'est pas si radicale qu'il n'y paraît. Il y a certes des différences doctrinales importantes mais la grammaire fondamentale des opérations est la même, tout comme les "fondamentaux" des combattants. L'Afghanistan, de ce point de vue, force à réapprendre la progression en colonne, l'éclairage, la protection des flancs, la logistique et tous les gestes élémentaires.

Nous évoluons également dans un environnement professionnalisé. Plus question de conscrits russes, français ou américains qui attendent que se termine leur "tour of duty" et qui demandent dans une large mesure à dégager du théâtre. Ce qui change assez considérablement la donne de la premièrte richesse des armées à savoir leurs hommes - qui restent, jusqu'à preuve du contraire leurs capteurs et leurs effecteurs - pour parler en langage "conventionnel technologisé" - les plus évolués et les plus intelligents.

Dernière remarque aussi sur le futur des opérations : dans l'hypothèse d'une guerre conventionnelle, croire qu'on va rejouer la "guerre froide" ou la "Seconde Guerre mondiale" me semble très dangereux. Les lecteurs de DSI le savent bien, nos adversaires potentiels étudient, lisent encore plus et développent des concepts qui, une fois le jour de l'affrontement venu et bien évidemment, ne chercheront pas à les amener à jouer notre jeu. Personne ne fait la guerre pour la perdre.

Ce qui pose en retour bien des questions auxquelles l'on ne peut répondre sur un blog. Par contre, j'ai bien ma petite idée - à lire en pavé d'ici, j'espère, la fin de l'année.

DSI n°49 en preview - le Bourget à l'horizon

En attendant le Hors-Série n°6 "spécial Bourget" que concocte Jean-Louis, un petit aperçu du DSI de juin (dispo dès le 2 juin) et qui sera forcément un peu plus "aéro" que les autres.

Sur le vif

Ancienne puissance coloniale, la France reste très présente en Afrique, ce qui nourrit toute une littérature dénonçant la « Françafrique » et les relations politiques entre les anciennes colonies et Paris. Derrière la polémique, la coopération entre la France et plusieurs États de l’Afrique de l’Ouest est bien réelle et particulièrement poussée au plan militaire – soit celui de « la politique faite action ». Véronique SARTINI fait le point sur cette coopération mais aussi sur la présence française dans la région. Au cours de son enquête, elle a interrogé Olivier PAULUS, le général commandant les Forces Françaises du Cap-Vert (FFCV) et Claude RÉGLAT, général commandant les Forces Françaises au Gabon (FFV).

Stratégie

Colonel commandant le 2e Régiment Etranger d’Infanterie – dont une partie des éléments part en Afghanistan ce mois – Benoît DURIEUX fait partie de cette génération de « soldats académiques » couplant une grande expérience de terrain et une connaissance approfondie de la stratégie. De quoi sans aucun doute faire la démonstration in vivo de l’utilité de la réflexion.

L’obtention de la puissance maritime reste une énigme : les débats sont loin d’avoir donné lieu à une seule définition communément admise. Mais, derrière ce débat aux allures académiques se cache la politique maritime que va déployer la France, sa déclinaison navale militaire et sa coordination avec la stratégie maritime civile. Mais avant d’en arriver là, le capitaine de corvette Philippe LE GAC, stagiaire au CID, pose une question très pertinente : quelle ambition pour la France ?

Dans DSI n°47, le général Jean-Patrick GAVIARD explorait un certain nombre d’enjeux liés aux opérations de stabilisation. Mais, pour Carl von C., sa vision est restrictive et nécessite une réponse. Notre mystérieux chroniqueur poursuit le débat.

Armées

La force aérienne israélienne s’est construite autour de véritables mythes. Extrêmement expérimentée, c’est elle qui compte le plus grand nombre d’as depuis les 50 dernières années. Le contexte régional – extrêmement spécifique – mis à part, quels sont les ressorts de cette efficacité ? Emmanuel VIVENOT revient sur les incarnations de sa politique de projection que sont les F-15I et F-16I. Joseph HENROTIN et Philippe LANGLOIT analysent quant à eux son évolution doctrinale mais aussi les remises en question qui l’animent : la puissance ne découlerait-elle pas, aussi, du doute ? Enfin, les capacités présentes et futures de la Heyl Ha’Avir sont présentées dans notre traditionnel tableau de bord.

Unités

L’armée de l’Air aussi dispose de forces spéciales opérant depuis le sol : leurs capacités sont même cruciales, en permettant d’effectuer des désignations de cible… et d’aller beaucoup plus loin que les unités de l’armée de Terre engagées dans des missions TAC-P (Tactical Air Control – Party). Pour la première fois et en exclusivité, la presse a pu entrer dans les bureaux du CPA 10. Véronique SARTINI y a rencontré des hommes passionnés par leur mission et fait le point sur les missions et l’évolution d’une unité très spéciale.

Technologie

Le transport aérien stratégique est un domaine qui, sous les apparences pataudes des C-5, C-17 et autres An-124, connaît des évolutions considérables. Sans lui, la rapidité de projection des armées est compromise. Aussi, DSI a-t-il décidé de faire le point. Stéphane FERRARD présente ainsi les évolutions touchant le C-5 Galaxy. Joseph HENROTIN revient sur les succès commerciaux du C-17 et sur sa jeunesse tourmentée. Jean-Jacques MERCIER, quant à lui, fait un petit bond en arrière dans l’histoire et présente la conception soviétique de la question. Enfin, Jean-Louis PROMÉ évalue les perspectives de l’An-124 Condor.

lundi 18 mai 2009

La citation du jour

En conclusion de Aux sources du terrorisme d'Hélène L'Heuillet (Fayard 2009) : "l’idée que « le terrorisme » serait « l’arme des faibles » est déjà non-démocratique et commet l’erreur de transposer dans la réalité ce qui n’est que rhétorique politique".

L'ouvrage, fruit des travaux d'une maître de conférence en philosophie qui est également psychanalyste, est a conseiller, en particulier dans l'exploration qu'elle fait de la relation à la peur. Excellente déconstruction des mécanismes de puissance inhérents à un terrorisme qu'elle considère per se comme un mode de guerre.

Si la critique de son ouvrage paraîtra dans le DSI de juin, on peut franchement considérer que ces travaux (d'ailleurs assez marqués par ceux de stratégistes comme R. Pape ou F. Géré) sont d'une grande utilité.