dimanche 18 mai 2008

"Nous allons vers l'armée italienne"

Voilà ce que vient de me dire un général 3 étoiles français, ce matin.

De facto la parution de plusieurs éléments sur le Livre Blanc (qu'il semble avoir eu en main) laissera plus que sceptique :

- des réductions en pagaille, alors que toutes nos autres armées augmentent le nombre de leur effectif ;

- paradoxalement, la volonté de gagner une place centrale dans le processus d'influence de l'OTAN alors même que le nombre de soldats (re-)devient une variable importante dans l'établissement de cette même influence ;

- des choix technologiques hasardeux alors que les budgets sont évidemment contraints ;

- ultimement, la réduction de notre capacité d'action sur les crises et conflits.

Quelles en sont les raisons ?

- l'obsession sécuritaire, qui conduit à affecter 10 000 hommes à Vigipirate alors que police et Gendarmerie en allignent 240 000. Ces 10 000 sont une paille pour la protection du territoire, ils ne le sont pas pour l'AdT, qui reste le principal effecteur politique dans les opérations ;

- l'incapacité à comprendre le monde contemporain et à retirer des débats stratégiques contemporains des leçons utiles à la structure des forces comme à la définition de leurs missions. La vraie défense du territoire ne s'opère pas en son sein mais loin, très loin. L'Allemagne me semble aussi menaçante que l'Estonie ou le Lesotho. Les vrais problèmes qui risquent de nous impacter un jour ne sont pas ici mais ailleurs. De ce point de vue, nous sommes vraissemblablement dans une situation comparable à celle des années 30, alors que les débats étaient vifs mais qu'aucune leçon ne sera tirée, les forces restant accrochées à des modèles qui seront anéantis sur le terrain ;

- la confusion entre stratégie industrielle et stratégie des moyens. Il paraît évident que maîtriser certains domaines technologiques en toute souveraineté est plus qu'utile. Mais faut-il tous les maîtriser ? Manifestement et au prix qu'ils font payer à un budget encore une fois contraint, non. L'exemple suédois est éclairant : à force de neutralité et de pression de l'industrie de défense, certains programmes devront être annulés et... les forces largement réduites ;

- des demis-choix (en matière de positionnement des unités, par exemple), trop influencés par une politique intérieure dont nos adversaires potentiels n'ont pas grand chose à faire ;

- sans doute, l'ancrage excessif dans des modèles dépassés continuant à nous hypnotiser : comme la puissance, l'indépendance est une question d'attitude, non de moyens que l'on parvient, de toute façon à se procurer. L'admiration pour Colbert ou de Gaulle est tout à fait légitime. Mais elle est historiquement très spécifique. Doit-elle imposer des postures qui, in fine, vont parvenir à réduire cette indépendance ?

8 commentaires:

DaDouH a dit…

Tout ceçi est bien triste et montre le total désinteressement des question de défense de notre pays (que ce soit au niveau politique ou qu'au niveau de l'opinion publique, si il y a une différence d'ailleurs...)

La réflexion de notre pays est:
"la guerre c'est mal parce que la guerre ça tue!"

Une fois qu'on a intégré cette splendide réflexion, tout s'éclaire.^^ (et si en plus vous intégrer le fait que la devise de notre pays est "carpe diem", alors vous aurez la clé de tout notre système sociétal)

Voilà pourquoi un minuscule renfort de 700 hommes suscite la polémique. (cela dit j'estime qu'il faut une réflexion sur l'objectif à atteindre)
Voilà pourquoi notre pays ne s'engage que dans des missions de maintien de la paix (pour l'opinion, c'est plus glorieux et moins risqué)

Notre pays à peur (comme tout l'occident d'ailleurs) mais nous régissons en autruche. Nous fuyons le problème, en espérant que l'ennemi nous oubliera ou nous ménagera.
"nous ne sommes pas allé en Irak, nous n'aurons pas d'attentats..."
Notre pays vit dans une bulle et si un jour elle éclate...

Dans le dernier DSI, vous discutez à propos de la résilience.
Et bien j'espère que nous ne serons pas confronté à ce genre de situation, car ça sera pas beau à voir.
L'Histoire se répète, c'est consternant.

Anonyme a dit…

"La vraie défense du territoire ne s'opère pas en son sein mais loin, très loin."

Faudrait lui demander ce que la France fairait si la Belgique se désintegrait. Intervention militaire ou pas? (Pointant vers Bruxelles).

Anonyme a dit…

Hum, on risque bientot ne d'avoir pas assez de gas pour pour faire le scénario écrit dans ''Le siège de Bruxelles'' de Jacques Neirynck :(

Anonyme a dit…

Je crois que votre commentaire sur la compréhension proche du degré zéro de nos dirigeants des réalités politico-militaires touche du doigt le phénomène le plus problématique actuellelement. "L'incapacité à comprendre le monde contemporain..." Non seulement nos dirigeants n'ont pas, et ce depuis logntemps, de culture stratégique mais encore ils dédaignent celle-ci parce qu'elle est beaucoup moins racoleuse sur le plan électoral. Je crois que nous sommes arrivés à une période en France (Mais vos commentaires sur la Belgique vont à peu près dans le même sens il me semble) où c'est le discours démagogique qui l'emporte sur le discour rationnel et sur la réflexion.
Le monde est vu au travers de plusieurs prismes déformants:
-tout d'abord, et de manière fondamentale, règne l'idée que c'est l'économie qui fait fonctionner le monde et que la politique doit s'adapter à cette logique de mondialisation (Clausewitz serait le bienvenu pour rappeler que la guerre mais aussi toutes les autres activités de la nation sont la continuation de la politique par d'autres moyens...)Or comme le disait un auteur des années 30 "Politique d'abord"(C. Maurras).
- ensuite que la technologie est synonyme de puissance et de pouvoir. Il n'est pas besoin de beaucoup développer ce point, les exemples Afghan et Irakien étant là pour nous prouver le contraire.
- Les conclusions des conflits violent mais encore des opérations de maintien de la paix nous disent
toutes que les guerres et les "opérations autres que la guerre" (qui sont des guerres modernes tout de même)se gagnent toutes au sol et qu'il faut donc des troupes au sol, de l'infanterie lourdement armée et pas seulement des unités proterre,...
-enfin, on ne gagne plus les guerres ou les crise comme on se plait à les appeler aujourd'hui. Cela ferait trop impérialiste, voire prétentieux de dire que l'on vient pour combattre un adversaire ou même un ennemi. Il s'agit bien plutôt de trouver à tout prix un compromis pour restaurer la paix sans que l'on sache bien ce que ce mot recouvre de pièges, d'idéalisme et de mépris pour tout ce qui est Autre.
-... Nous pourrions dire bien des choses en sommes de ses gens qui nous gouvernent. Nous pourrions leur dire bien des choses aussi si nous pouvions discuter avec eux et espérer voir nos avis pris en compte. Mais pour cela il faut avoir des lettres et eux n'ont que les trois qui forment le mot sot (pardonnez moi cette boutade facile mais l'écoeurement et la lassitude de voir ce déni d'intelligence me poussent à des considérations peu amènes sur certains.

Anonyme a dit…

Nous allons effectivement vers l'armée Italienne avec le nucléaire en plus quand meme.

"Manifestement et au prix qu'ils font payer à un budget encore une fois contraint, non"
Bien au contraire si!
L'autonomie industrielle et politique ne devrait meme pas se discuter .
Nous avons 330 000 personnels dont un tiers ne sert a rien du point de vue militaire , et je répète rien selon les propres aveux des responsables internes honnêtes.
Cout de 100 000 d'entre eux?
4 M d'€ soit autant que le budget de fabrications d'armements conventionnels ou la R&D.C'est a dire de quoi augmenter de 50% l'un et l'autre par exemple.
Par ailleurs les industriels francais ne sont pas chers.

Comparer à la Suède de 4,4 Md'€ de budget alors que nous avons 36 Md'€ me parait mal venu.

Qu'est ce qui est le plus important alors que nous n'avons aucune menace aux frontières?
Maintenir 100 000 ronds de cuir ou sauver nos savoir-faires qui une fois disparus ne pourront etre reconstitués et sont ausssi critiques pour notre industrie civile pour le long terme, et notre commerce extérieur?
Acheter des armes à l'étranger sans les dernières CCME et avec des verrous logiciels nous en interdisant l'utilisation libre comme le F35 ou l'AMRAAM?

L'armée est censée etre au service de la liberté de la France et non pas ne veiller qu'à une apparence de puissance et ne devenir qu'une force supplétive au service des USA ou d'autres.
la diplomatie de défense nécessite également d'avoir une panoplie d'armes complete a proposer pour des pays ne souhaitant pas dépendre des USA ou de la Russie.

L'autonomie et la liberté, c'est l'armement et non pas de vieilles ganaches dont nous n'avons que faire.

Il faut dégraisser sans pitié le MINDEF et les armées.
Sauver les (bons)opérationnels au maximum, oui, mais le reste en surnombre doit partir.

A propos, l'armée Anglaise réduit ses effectifs.
Ce qui compte dans l'OTAN c'est d'etre capable d'utiliser ses armes librement et non d'etre obligé d'acter la volonté politique US sous peine d'embargo.
La vraie influence c'est d'etre libre d'y aller ou de rester chez soi et pouvoir y mettre des conditions.

La moitié de nos armées sont devenue l'ennemi de la France et de sa liberté faute de comprendre que l'interet du pays n'est pas dans le nombre de combattants et surtout d'administratifs mais dans la liberté de les utiliser.
Certains n'ont plus rien à faire au MINDEF.
L'interet et l'honneur de la France est de savoir fabriquer les Rafales, Aster, Scalp, Leclerc ou SNA et non pas d'entretenir des légions de galonnés et d'adjudants ventripotents et incompétents.
Si la France n'arrive pas a déployer un régiment de 700 h (sur un effectif de 1000 bourré d'administratifs inutiles et d'assistantes sociales) la ou l'Australie y arrive, c'est que le probleme n'est pas dans le nombre d'hommes mais bien dans leur fonction.
Je préfere encore avoir une armée de taille Australienne (4 fois moins chere et nombreuse) mais équipé de matériels que nous controlons et produits par nous.


(comme d'habitude des ronds de cuir du MINDEF qui ne servent a rien et ont la sécurité d'emploi et de revenus n'ont aucun état d'âme a proposer de virer des ingénieurs et ouvriers du privé porteurs de précieux savoir faire accumulés pendant des décennies et que même la Chine n'arrive pas à constituer).
Désolé de mon coup de gueule justifié.

Anonyme a dit…

Pour répondre à l'intervenant précédent, les Britanniques augmentent bel et bien le nombre de leurs combattants, au même titre que les Américains ou les Canadiens.

Quant à la technologie, elle n'apporte pas la solution aux conflits, elle ne semble être là que pour l'esbrouffe. Refaire la guerre froide ne sert à rien, seules certaines sont réellement utiles, les maîtriser toutes, c'est de la folie.

Et s'il faut faire de la diplomatie industrielle, que le MinAE paye...

Anonyme a dit…

Les Britanniques baissent leur effectifs comme vous pouvez le constater dans le rapport annuel du Mod:
Page 12
The programmes to transform and restructure the Armed Forces meant that during 2006-07 military trained strength fell by 3% from just over 183,000 to just under 178,000.
http://www.mod.uk/NR/rdonlyres/42C010BE-9935-4C00-B62B-B8DAF3487A03/0/preface.pdf

Je sais combien la technologie ou les armes coutent et je vous affirme que l'on peut maitriser toutes les technologies crtiques et continuer a construire seul ou en coopération tous les systèmes d'armes critiques pour notre défense.Et donc rester libre vis a vis des USA sans devoir leur quémander des matériels.

La technologie ne résouds pas tous, certes mais revenir à des B17 ou Mirage 3 ne nous laissera guère de chance face a un adversaire décent.

Je oonstate simplement que dans le budget actuel la proportion consacrée aux fabrications d'équipement est presque moitié moindre que celle qu'elle devrait etre, qu'il manque 1 Md'€ annuel à la R&D et que pour le nombre d'opérationnel actuel à projeter on a près de 100 000 personnel de trop.
On devrait etre une puissance encore impressionante avec 36 Md'euros de budget (4 fois Israel aide US comprise) et on est pitoyable et incapable de se projeter en nombre et rapidement .

Pour mettre en ligne 30 000 fantassins (nombre d'aujourd'hui y compris le support dans les régiments), 20 000 hommes des rgts Leclercs, artillerie et génie nécessaire, 12 000 marins embarqués et 15 000 h pour supporter 500 avions de combat et hélicoptères, 5000 personnes de la DGSE, soit au total un peu plus de 80 000 h opérationnels, on a pas besoin de 330 000 personnels.
C'est un record d'inefficacité qui nous fait passer de statut de puissance au rang effectivement de l'Italie, guère efficace pourtant dans sa dépense elle aussi.
Dépenser 11% en parité du pouvoir d'achat US et se retrouver avec 3% de la puissance, non, ce n'est pas bien.
Le mépris de l'efficience économique nous conduit dans le gouffre ou nous sommes et la France dans les poubelles de l'histoire.
Ca ne m'amuse pas de payer l'impot pour en arriver là.

Anonyme a dit…

Vous savez, l'indépendance, la souveraineté, tout ça... Ca dépend plus de l'emploi quotidien, au jour le jour, de nos armées, pas de la stratégie actuellement poursuivie et qui consiste à en mettre plein les fouilles des industriels pour des systèmes "de souveraineté" qui ne seront jamais utilisés en tant que tels.

Quelques exemples :

- le VBCI : est-il si "sensible" pour notre souveraineté ? Non. Le Tigre ? Non. Nos armes guidées ? Pour partie, non (les missiles de croisière, oui) : nos BGL sont d'ailleurs des GBU US... Les systèmes de protection active des blindés ? Non. Les navires (je ne parle pas de leur électronique) ? Non. Faites le compte : bienheureux ceux qui achètent sur étagère...

- Galileo : un vrai système de souveraineté - un vrai de vrai. Et là, on se plie aux demandes de Rumsfeld (en son temps) et on intègre la Chine. Vous trouvez ça cohérent ?