Il y a quelques années, j'avais développé avec des amis politologues - Nick, Yann, Den et Lucas se reconnaîtront - la théorie du non-Etat. En gros, le principe est que passé un certain stade de technocratisation de l'Etat, la rationalité animant ce dernier vise la pérénisation des statuts des communautés le composant, l'Etat lui-même étant devenu une modalité de régulation de la vie entre ces communautés.
J'avais eu l'occasion d'en toucher quelques mots à des collègues, cette fois en Bosnie (vous savez, la zone géopolitiquement déterminée où l'empilement de niveaux de pouvoirs a fini par absorber en salaires de fonctionnaires 65% de son budget - tiens, le même chiffre que l'armée belge !).
Le problème avec un non-Etat est que la relation entre "Etat" et "nation", pourtant centrale pour la viabilité du contrat social, tout comme elle hante l'esprit des politologues depuis le traité de Westphalie est non précisée, les communautés évoluant sans guère communiquer. Toute forme de "sens de l'Etat" est donc à proscrire.
Et le futur Premier ministre belge vient peut-être d'appuyer par l'exemple une théorie que je n'avais pas vraiment eu l'occasion d'approfondir. On lui a demandé de chanter la Brabançonne et a entamé (mal, en plus), la Marseillaise (jetez un oeil à la vidéo). Notez que les ministres francophones n'avaient guère plus de culture. Notez aussi que bien peu ont été capables de dire que le 21 juillet rend compte de la prestation de serment de Léopold Ier. Brillant.
Certes, on me dira que la Brabançonne, personne ne connaît. Mais vous imaginez un ministre danois ou hollandais - connaissez-vous ces hymnes ? - se planter dans son hymne (notez que je ne parle même pas d'un ministre français, qui finirait illico-presto compter de chemises au fin fond d'un village de 20 habitants dans le Massif central) ? Imaginez-vous un seul ministre portugais, lituanien, grec, togolais ou ouzbek ne pas connaître l'événement historique qui a fait qu'on a placé sa fête nationale à telle date et pas à telle autre ?
Une nouvelle étape décisive, donc, dans la vie conceptuelle de la théorie du non-Etat (l'ironie est là pour aider à surpasser un certain nombre de déceptions) et une belle preuve d'une vision ultra-technocratique des choses. Pas nécessairement une étape décisive pour le vivre-ensemble...
dimanche 22 juillet 2007
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