jeudi 14 août 2008
Géorgie : les enjeux
Tanguy Struye et Alain De Neve ont fait paraître ce matin une op-ed dans La Libre Belgique sur le conflit géorgien : à lire ici. Notons l'importance qui y est donnée à l'influence stratégique en mer noire.
Beau mouvement
La guerre est décidément la continuation de la politique par d'autres moyens. Dans le cas géorgien, alors que la situation n'est toujours pas claire, les Etats-Unis ont opéré un mouvement qui me semble absolument remarquable, au travers de la dernière déclaration de G.W. Bush.
En indiquant que les forces US allaient envoyer une aide humanitaire en Géorgie (sachant qu'il avait vigoureusement condamné la réponse russe sans mettre en évidence le rôle géorgien), il veut contraindre la Russie à l'arrêt des opérations.
L'équation est simple : des C-17 dans les airs et des militaires US au sol, c'est faire courrir le risque de pertes collétarales américaines et de solides complications militaro-diplomatiques en perspective. Le tout, en n'évoquant nullement la perspective d'un engagement US en Géorgie. Au final, le meilleur soutien imaginable dans l'équation stratégique actuelle.
En indiquant que les forces US allaient envoyer une aide humanitaire en Géorgie (sachant qu'il avait vigoureusement condamné la réponse russe sans mettre en évidence le rôle géorgien), il veut contraindre la Russie à l'arrêt des opérations.
L'équation est simple : des C-17 dans les airs et des militaires US au sol, c'est faire courrir le risque de pertes collétarales américaines et de solides complications militaro-diplomatiques en perspective. Le tout, en n'évoquant nullement la perspective d'un engagement US en Géorgie. Au final, le meilleur soutien imaginable dans l'équation stratégique actuelle.
mercredi 13 août 2008
Le chiffre du jour
85 milliards de dollars. C'est le coût de l'emploi de contractors en Irak, de 2003 à 2007, selon un rapport du Congressionnal Budget Office américain :
- From 2003 through 2007, and converting the funding into 2008 dollars, U.S. agencies awarded $85 billion in contracts for work to be principally performed in the Iraq theater, accounting for almost 20 percent of funding for operations in Iraq. Including funding for 2008 itself, the U.S. has likely awarded $100 billion or more for contractors in the Iraq theater.
- More than 70 percent of those obligations were for contracts performed in Iraq itself.
- Most contract obligations were for logistics support, construction, petroleum products, or food.
- Although personnel counts are rough approximations, CBO estimates that at least 190,000 contractor personnel, including subcontractors, work on U.S.-funded contracts in the Iraq theater. About 20 percent are U.S. citizens.
- The United States has used contractors during previous military operations, although not to the current extent. According to rough historical data, the ratio of about one contractor employee for every member of the U.S. armed forces in the Iraq theater is at least 2.5 times higher than the ratio during any other major U.S. conflict, although it is roughly comparable with the ratio during operations in the Balkans in the 1990s.
L'ensemble du rapport est à lire ici.
- From 2003 through 2007, and converting the funding into 2008 dollars, U.S. agencies awarded $85 billion in contracts for work to be principally performed in the Iraq theater, accounting for almost 20 percent of funding for operations in Iraq. Including funding for 2008 itself, the U.S. has likely awarded $100 billion or more for contractors in the Iraq theater.
- More than 70 percent of those obligations were for contracts performed in Iraq itself.
- Most contract obligations were for logistics support, construction, petroleum products, or food.
- Although personnel counts are rough approximations, CBO estimates that at least 190,000 contractor personnel, including subcontractors, work on U.S.-funded contracts in the Iraq theater. About 20 percent are U.S. citizens.
- The United States has used contractors during previous military operations, although not to the current extent. According to rough historical data, the ratio of about one contractor employee for every member of the U.S. armed forces in the Iraq theater is at least 2.5 times higher than the ratio during any other major U.S. conflict, although it is roughly comparable with the ratio during operations in the Balkans in the 1990s.
L'ensemble du rapport est à lire ici.
Roll-out du P-8 MMA
Ce n'est pas si fréquent de voir des appareils militaires effectuer leur roll-out et, malgré l'aspect civil de celui en photo (copyright, Boeing), il est bel et bien militaire. Le P-8 Poseidon doit remplacer les P-3C Orion de patrouille maritime de l'US Navy (108 exemplaires seraient commandés) et devrait être acheté par l'Australie. Aux dernières nouvelles l'Inde est également intéressée.
Si le programme a fait peu de vagues, avançant assez rapidement, c'est aussi que les réelles difficultés vont commencer. Il a fallu intégrer une soute à armement et des pylônes d'emport de charge ailaires à l'architecture du Boeing 737-800 et il faudra encore intégrer son système de missions. Intégration des systèmes et tests vont donc se poursuivre. Rendez-vous en 2013 pour l'Initial Operationnal Capability.
Si le programme a fait peu de vagues, avançant assez rapidement, c'est aussi que les réelles difficultés vont commencer. Il a fallu intégrer une soute à armement et des pylônes d'emport de charge ailaires à l'architecture du Boeing 737-800 et il faudra encore intégrer son système de missions. Intégration des systèmes et tests vont donc se poursuivre. Rendez-vous en 2013 pour l'Initial Operationnal Capability.
mardi 12 août 2008
Si, si, DSI est bien en Géorgie
Mon patron est actuellement à Tbilissi (à couvert et en bonne santé). Il en a profité pour donner quelques interviews sur la situation à l'heure actuelle. A voir notamment ici.
lundi 11 août 2008
Géorgie : une guerre pour rien...
La tentative de « rétablissement de l’ordre constitutionnel » menée à partir dans la nuit du 7 au 8 août par la Géorgie au sein de la province séparatiste d’Ossétie du Sud (elle a déclaré son indépendance, non reconnue par la communauté internationale, en 1992) sera sans doute considérée à l’avenir comme un exemple typique d’aventurisme militaire. Au termes de tensions récurrentes ayant dernièrement vu la destruction d’au moins deux drones géorgiens, Tbilissi a mené un blitzkrieg en direction de la capitale ossète, Tskhinvali. Moscou, qui maintenait des troupes (officiellement qualifiées de « maintien de la paix » et assez lourdement équipées) dans la république séparatiste depuis 1992 et le traité de paix de Dagomys, contre-attaquera cependant rapidement, de sorte que les troupes géorgiennes seront contraintes au retrait, dès le 10 août. Dans le même temps, un nouveau front était ouvert, cette fois en Abkhazie, autre république pro-russe à l’indépendance auto-proclamée. Les opérations confirment plusieurs tendances.
Premièrement, la préparation relativement importante des forces géorgiennes comme russes. Alors que les premiers tirs sont entendus dans l’après-midi du 7 août – après l’annulation d’une réunion bipartite entre l’Ossétie du Sud et la Géorgie – l’invasion de l’Ossétie commence le 8 août à 1h30, après un cessez-le-feu qui aura duré de 19h à 22h. La capitale ossète est atteinte par les premiers éléments géorgiens vers 7h du matin, le 8 août. Les forces de Tbilissi ont mené une campagne classique, fondée sur l’utilisation combinée de chars et d’artillerie. Elles disposaient également d’un appui ISR au moyen de drones. Comparativement, les troupes russes réagiront assez rapidement, menant dès la matinée du 8 août des raids sur la frontière géorgienne, utilisant des Su-24. Elles utiliseront également des systèmes antichars. elles interviendront, aussi, en soutien des forces abkhazes, particulièrement dans la vallée de Kodori.
Deuxièmement, l’aviation sera particulièrement mobilisée par la Russie, dans le cadre d’une stratégie duale, visant à la fois les positions géorgiennes en Ossétie, en coordination avec l’artillerie (il semble, à cet égard, que les leçons de leurs calamiteux engagements en Tchétchénie aient été retenues). A ce volet tactique s’adjoint un volet stratégique, les forces russes menant des raids sur les villes géorgiennes, visant des casernes et des bases aériennes (de même que l’aéroport de Tbilissi et son radar) mais faisant au passage de nombreuses victimes collatérales. Il n’est pas certain que ces dernières n’aient pas été voulues. Les évolutions de la doctrine russe, ces dernières années, laissent toujours place à la pression psychologique induite par des frappes touchant les populations civiles. Ainsi, le 11 août, les villes de Poti, Tbilissi et Gori (dont 80 % des habitants ont fui la ville) sont la cible de raids massifs de la part de l’aviation russe, plusieurs raids étant montés. La Russie, en tout état de cause, s’est assurée de la domination du ciel.
Troisièmement, le blocus naval reste une modalité de combat. La Russie a assez rapidement dépêché au moins un navire sur les côtes géorgiennes, cherchant à interdire le ravitaillement de la république par la voie maritime. Ce faisant, il semble qu’une vedette géorgienne ait été coulée. Quatrièmement, l’opération relève de la cinématique classique des conflits réguliers : la contre-attaque russe s’accompagne de l’aménagement de corridors humanitaires par les Géorgiens, destinés à l’évacuation des populations civiles. Les Russes cherchent également à maximiser la pression sur la Géorgie en ouvrant un second front – cherchant par là même à définitivement ancrer dans leurs sphère d’influence l’Abkhazie – tout en manoeuvrant sur le terrain psychologique, légitimant leurs opérations par des frappes qui auraient été menées par les Géorgiens contre des casernes abritant des soldats russes.
Cinquièmement, le conflit démontre l’importance de l’estimation des conséquences stratégiques dans la décision de lancer une action militaire. Se sentant, à tort, soutenu par les Occidentaux, il semble que le président géorgien ait clairement sous-estimé la réaction russe. Cette dernière passera aussi par le bombardement de casernes où se trouvent stationnés des instructeurs américains – envoyant ainsi et au passage à Washington un message clair, sans aucun doute entendu depuis longtemps, le soutien occidental n’étant guère que rhétorique. Dès lors, la puissance de feu supérieure des forces russes leur a permis de reprendre rapidement le contrôle de la capitale ossète, les Géorgiens n’ayant guère pu sécuriser leurs positions, malgré des investissements ayant connu une forte croissance ces dernières années. Le président géorgien n’a alors guère eu l’option, dès le 9 août, que de demander à plusieurs reprises un cessez-le-feu. A partir de ce moment, les options russes sont plus qu’ouvertes : ayant bousculé un dispositif géorgien incapable de se ressaisir, la Russie peut aussi bien jouer la carte du statu quo ante, celle de l’intégration à la Fédération de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie voire encore… rien moins que la prise de la Géorgie.
Sixièmement, cette micro-guerre bouscule largement les équilibres géopolitiques. Ainsi, comme le remarque O. Kempf, l’axe Washington-Ankara-Tbilissi-Bakou, dont on avait fait grand cas ces dernières années (notamment au regard de la construction de l’oléoduc BTC, sans doute coupé à plusieurs endroits du fait des récentes opérations), semble s’effondrer. Dans le même temps, l’axe Moscou-Erevan-Téhéran ne fait que se renforcer : le Caucase, si l’on peut s’exprimer ainsi, redevient russe. Ensuite, Moscou tient sans doute aussi sa revanche sur le Kosovo : partisane de la théorie de l’intégrité des frontières, Moscou a subi l’intervention de 1999 puis l’indépendance de 2008 de l’ancienne province serbe comme un affront. Mais à accepter que des provinces fassent définitivement sécession – et en récupérant l’Ossétie du Sud comme l’Abkhazie – la Russie ouvre aussi une porte dangereuse pour elle. La guerre de Tchétchénie, menée au nom de l’intégrité des frontières, aura été une guerre pour rien… et certains indépendantistes pourraient être tentés par l’aventure autonomiste.
Premièrement, la préparation relativement importante des forces géorgiennes comme russes. Alors que les premiers tirs sont entendus dans l’après-midi du 7 août – après l’annulation d’une réunion bipartite entre l’Ossétie du Sud et la Géorgie – l’invasion de l’Ossétie commence le 8 août à 1h30, après un cessez-le-feu qui aura duré de 19h à 22h. La capitale ossète est atteinte par les premiers éléments géorgiens vers 7h du matin, le 8 août. Les forces de Tbilissi ont mené une campagne classique, fondée sur l’utilisation combinée de chars et d’artillerie. Elles disposaient également d’un appui ISR au moyen de drones. Comparativement, les troupes russes réagiront assez rapidement, menant dès la matinée du 8 août des raids sur la frontière géorgienne, utilisant des Su-24. Elles utiliseront également des systèmes antichars. elles interviendront, aussi, en soutien des forces abkhazes, particulièrement dans la vallée de Kodori.
Deuxièmement, l’aviation sera particulièrement mobilisée par la Russie, dans le cadre d’une stratégie duale, visant à la fois les positions géorgiennes en Ossétie, en coordination avec l’artillerie (il semble, à cet égard, que les leçons de leurs calamiteux engagements en Tchétchénie aient été retenues). A ce volet tactique s’adjoint un volet stratégique, les forces russes menant des raids sur les villes géorgiennes, visant des casernes et des bases aériennes (de même que l’aéroport de Tbilissi et son radar) mais faisant au passage de nombreuses victimes collatérales. Il n’est pas certain que ces dernières n’aient pas été voulues. Les évolutions de la doctrine russe, ces dernières années, laissent toujours place à la pression psychologique induite par des frappes touchant les populations civiles. Ainsi, le 11 août, les villes de Poti, Tbilissi et Gori (dont 80 % des habitants ont fui la ville) sont la cible de raids massifs de la part de l’aviation russe, plusieurs raids étant montés. La Russie, en tout état de cause, s’est assurée de la domination du ciel.
Troisièmement, le blocus naval reste une modalité de combat. La Russie a assez rapidement dépêché au moins un navire sur les côtes géorgiennes, cherchant à interdire le ravitaillement de la république par la voie maritime. Ce faisant, il semble qu’une vedette géorgienne ait été coulée. Quatrièmement, l’opération relève de la cinématique classique des conflits réguliers : la contre-attaque russe s’accompagne de l’aménagement de corridors humanitaires par les Géorgiens, destinés à l’évacuation des populations civiles. Les Russes cherchent également à maximiser la pression sur la Géorgie en ouvrant un second front – cherchant par là même à définitivement ancrer dans leurs sphère d’influence l’Abkhazie – tout en manoeuvrant sur le terrain psychologique, légitimant leurs opérations par des frappes qui auraient été menées par les Géorgiens contre des casernes abritant des soldats russes.
Cinquièmement, le conflit démontre l’importance de l’estimation des conséquences stratégiques dans la décision de lancer une action militaire. Se sentant, à tort, soutenu par les Occidentaux, il semble que le président géorgien ait clairement sous-estimé la réaction russe. Cette dernière passera aussi par le bombardement de casernes où se trouvent stationnés des instructeurs américains – envoyant ainsi et au passage à Washington un message clair, sans aucun doute entendu depuis longtemps, le soutien occidental n’étant guère que rhétorique. Dès lors, la puissance de feu supérieure des forces russes leur a permis de reprendre rapidement le contrôle de la capitale ossète, les Géorgiens n’ayant guère pu sécuriser leurs positions, malgré des investissements ayant connu une forte croissance ces dernières années. Le président géorgien n’a alors guère eu l’option, dès le 9 août, que de demander à plusieurs reprises un cessez-le-feu. A partir de ce moment, les options russes sont plus qu’ouvertes : ayant bousculé un dispositif géorgien incapable de se ressaisir, la Russie peut aussi bien jouer la carte du statu quo ante, celle de l’intégration à la Fédération de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie voire encore… rien moins que la prise de la Géorgie.
Sixièmement, cette micro-guerre bouscule largement les équilibres géopolitiques. Ainsi, comme le remarque O. Kempf, l’axe Washington-Ankara-Tbilissi-Bakou, dont on avait fait grand cas ces dernières années (notamment au regard de la construction de l’oléoduc BTC, sans doute coupé à plusieurs endroits du fait des récentes opérations), semble s’effondrer. Dans le même temps, l’axe Moscou-Erevan-Téhéran ne fait que se renforcer : le Caucase, si l’on peut s’exprimer ainsi, redevient russe. Ensuite, Moscou tient sans doute aussi sa revanche sur le Kosovo : partisane de la théorie de l’intégrité des frontières, Moscou a subi l’intervention de 1999 puis l’indépendance de 2008 de l’ancienne province serbe comme un affront. Mais à accepter que des provinces fassent définitivement sécession – et en récupérant l’Ossétie du Sud comme l’Abkhazie – la Russie ouvre aussi une porte dangereuse pour elle. La guerre de Tchétchénie, menée au nom de l’intégrité des frontières, aura été une guerre pour rien… et certains indépendantistes pourraient être tentés par l’aventure autonomiste.
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