mercredi 6 février 2008

Aïe, caliente ! - Sur l'action intégrale colombienne et la communication

François Durant de Réflexion stratégique nous est revenu de Colombie (et reprend par ailleurs ses posts) et m’ envoyait récemment un mail accompagné de deux questions, suite à l'interview de l'amiral Marin, chef de l'action intégrale conjointe du commandement général des forces armées colombiennes, publiée dans le N° 33 de DSI.

Avec son accord, je me permet donc d’y répondre en ligne ; nous entamons ainsi un cycle de « ping-pong » en ligne. Pour ce soir, je me limiterai à la première question.

La culture du secret semble être particulièrement forte au sein des Forces Armées régulières colombiennes, c'est du moins mon sentiment. Le partagez vous et cette communication parcimonieuse ne vous semble-t-elle pas préjudiciable à l'obtention du but final recherché ?

Je précise d’emblée que si j’ai lu assez bien sur la situation colombienne, je n’en suis pas un fin connaisseur. Mais, effectivement, les Colombiens communiquent peu. Lorsque j’avais interviewé l’amiral Marin sur les dommages collatéraux, il cherchait à éviter la question, manoeuvrant sur la question des dégâts aux infrastructures. C’est évidemment de bonne guerre.

Au-delà, la culture COIN « traditionnelle » (je m'en expliquerai lors de la réponse à la seconde question) incite à peu communiquer autrement que via des procédés PSYOPS « classiques », au service direct de la contre-insurrection. Sans doute l’impératif de sûreté est-il pris trop au pied de la lettre.

En cela, l’embryon de communication colombienne soutient l’EFR. Dans le même temps, l’environnement de la communication me semble aussi important que sa nature et son caractère. A cet égard, le fait que le gouvernement Uribe soit si pas autoritaire, à tout le moins « fort », me semble aussi avoir un impact.

Je l’ai vu en suivant les débats sur la résilience : un haut niveau de communication implique souvent des débats au sein de la société civile qui, pour adhérer à l’action d’un gouvernement, doit aussi le remettre en question.

De ce point de vue, je ne suis pas tout à fait d’accord avec Michel Yakovleff, lorsqu’il indique que « moins une société est informée, plus elle est résistante » dans son excellent traité. Sur le fond, il a raison pour ce qui concerne les Etats ayant des régimes politiques autoritaires (là où, effectivement, nous avons plus de chance de nous trouver).

Mais dans des régimes démocratiques, l’information joue justement un rôle crucial, parce que si vous ne la donnez pas, la société civile et des journalistes pas toujours bien informés se chargeront de la donner et/ou de la créer dans un sens pas nécessairement congruent à l’EFR.

Une démocratie ne peut pas empêcher les gens de parler – alors que c’est un des traits des régimes autoritaires Or, Uribe est à la charnière des deux.. Sa communication pourrait donc devenir un marqueur de ses progrès démocratiques.

Dans le même temps, il pourrait instrumentaliser plus qu’il ne le fait l’enlèvement d’I. Betancourt ou de députés. Ce levier de guerre idéologique face à une guérilla où l’idéologie est théoriquement motrice est a priori excellent – y compris d’ailleurs dans la lutte contre les milices d’extrême droite. Reste à savoir pourquoi il n’est pas utilisé…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai commis une petite réflexion à la suite de votre réponse (http://lewebpedagogique.com/coin/2008/02/06/communication-et-contre-insurrection/)
Cordialement
Stéphane TAILLAT