Je viens de lire un article du Figaro d'hier, de la plume de Louis Gautier (qui avait écrit un très bon livre, Face à la guerre), François Lamy et Paul Quilès ; article qui leur permet de rendre compte de leur position en regard du prochain Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité. L'article est intéressant à plusieurs titres.
Premièrement, il met en évidence l'importance de l'action sur les causes des troubles internationaux. C'est bien évidemment absolument nécessaire. Mais la fonction stratégique "prévention" est spécifiquement dévolue à cette question, en particulier dès lors qu'une nouvelle fonction "renseignement" s'y adjoint (on devrait plutôt dire : la complète). Par ailleurs et surtout, c'est une tâche de nature essentiellement diplomatique (les frappes préventives ou préemptives évoquées renvoyant plutôt à la fonction de coercition), même si l'action militaire - en particulier depuis le FT-01 - tend de plus en plus à appliquer la prévention, plus spécifiquement au plan tactique.
Deuxièmement, le "remède militaire" poserait souvent plus de problèmes qu'il n'en résoudrait. Ce à quoi l'on pourrait répondre que la manoeuvre militaire est beaucoup trop souvent - et pas qu'en France, c'est un trait commun à l'Europe continentale - découplée de la manoeuvre diplomatique. En cela, les lignes d'opérations utilisables par le politique sont insuffisament mises en cohérence... et, effectivement, pose alors la question de son utilité. L'élément fédérateur indispensable face à ce décalage renvoie alors à la dissuasion - non seulement nucléaire mais, surtout en l'occurrence, conventionnelle. Le show of force a encore des vertus trop souvent sous-estimées.
Troisièmement, sans doute les auteurs simplifient-ils le rôle de la résilience, dont ils parlent, au sein de la fonction de protection. Elle n'en constitue, en réalité, qu'un des éléments, au demeurant souvent observé comme spontané (ce qui, dans ce cas, évacue l'hypothèse d'une militarisation abusive). La fonction protection, qu'ils envisagent là sous son seul jour de politique intérieure (encore faudrait-il y adjoindre tout ce qui va toucher aux services de pompiers et aux opérations de sécurisation), est en réalité plus complexe. Elle s'épanche surtout dans le domaine de la protection des troupes face à des menaces de plus en plus complexes, y compris en COIN, qui s'étalent du RPG-29 ou de l'AT-14 jusqu'au kamikaze.
Aussi et in fine, on peut se demander si les interrogations des auteurs ne sont pas le signe d'une confusion des rôles, au demeurant lancée elle-même par l'intitulé du LBSD : en couplant sans doute abusivement "défense" et "sécurité", on place la diplomatie de côté. Or, cette dernière n'est elle-même pas la seule intervenante dans les processus de règlement des crises : les facteurs économiques, juridiques et culturels entrent également en ligne de compte.
Mais créer un Livre blanc sur l'incertitude qui nous entoure, c'est sans doute aussi créer un gigantesque gloubi-boulga conceptuel. Autant dire que les propositions portant sur la création d'un Conseil national de sécurité, seul capable de générer, d'articuler et de faire vivre une véritable stratégie intégrale (capable, à défaut de conceptualiser le chaos conceptuel, de l'ordonnancer) étaient parmi les plus attendues.
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5 commentaires:
Belle critique, très intelligente, de la décadence de certaines élites. Et pourtant, j'ai ma carte au PS français...
Je ne sais pas dans quel monde vit le PS. celui de oui-oui ? Parler pour ne rien dire et se contredire d'une phrase à l'autre ... Au fait, finalement on avait un peu oublié ces grandes assertions creuses dont seul le PS français, comme vous dites, a le secret (moins de modialisation, pas de militarisme mais aller régler les conflits...). Faut-il le lire avec l'accent tonique de Ségolène ou celui de Jack L? Française, vivant en Italie, c'est curieux, mais je n'entend pas du tout la même chose vis à vis de la future pr"sidence de la France, plutôt même l'inverse. Je ressens une réelle et sincère attente !Au fait, ces discours commencent à devenir rares, on ne peut que s'en féliciter. Attention à ce qu'ils ne deviennent pas trop 'vintage'...
Tiens, le PS pense ?
Paul Quiles ? Combien de divisions ?
Non mais soyons clairs...Depuis l'aire miterrandienne, le Parti Socialiste Français est en crise. Il se cherche, tournoie...il court après sa queue comme le ferait un chien.
Je suis moi-même "socialiste" au véritable sens du terme, et je suis pourtant obligé d'avouer que le parti socialiste d'aujourd'hui n'est plus socialiste...ressemble t-il à quelque chose encore d'ailleurs? Seul François Hollande a la réponse! (peut-être...)
Ce qu'il y a de sûr, c'est que lorsqu'un parti est victime d'une guerre interne, il ferait mieux de régler celle-là avant de s'occuper de celle des autres ou de la Défense de son pays!
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