Vous n'avez pas pu y échapper hier, le Président a une nouvelle petite amie. Certes, grand bien lui fasse, on a toujours besoin d'être soutenu lorsque l'on porte de telles responsabilités.
Mais, entre-nous, le bruit médiatique de cette affaire (il s'agit bien de "bruit" et non d'information, par essence utile) ne signe-t'il pas la décadence d'un journalisme obsédé par les tirages, le compassionnel et le sensationnalisme ? Le glissement vers la culture du scoop et, ultimement, de la forme sur le fond n'est-il pas le signe d'une dégénérescence profonde, ontologique, de mes confrères journalistes (j'ai moi aussi, une carte de presse même si je me définis d'abord comme chercheur) ?
Certes, journaux et émissions se poseront la question de savoir si l'on n'en fait pas trop. Ca en est presque obscène tellement la ficelle est grosse. Jusqu'à preuve du contraire, ce sont les rédactions qui définissent quelles thématiques sont abordées. Si elles choisissent de les traiter, qu'elles aillent au bout. Si ça leur pose un problème en terme d'absence de fond, qu'elles mènent leurs débats en interne et qu'elles ne perdent pas de précieuses pages ou un précieux temps d'antenne à nous faire part - assez hypocritement - de leurs états d'âmes sur des thématiques qu'elles ont choisi d'aborder.
Essayez, après ça, de dire que vous vous battez pour la qualité de l'information et posez-vous la question de savoir si une rédaction, de nos jours, passerais encore en première page le "J'accuse" d'un hypothétique nouveau Zola. Que le président se mette en scène ne change rien à la donne : peut-on faire confiance à une presse qui défend des confrères travaillant dans des conditions autrement plus dures, sous la férule d'un pouvoir pas très sympathique, lorsque l'on tombe soi-même dans le panneau des stratégies de communication ?
J'ai donc fini ma journée de travail en regardant Al Jazeera en anglais. C'était sanglant - un reportage extrêmement bien fait sur la Somalie, par un journaliste somalien avec un accent à couper au couteau - et critique. Tout le monde y est passé sans complaisance. Le sujet suivant était consacré à la question palestinienne. Là aussi, tout le monde en a pris pour son grade. C'était blindé de chiffres, de graphiques, de commentaires d'universitaires et de politique.
Vous voulez que je vous dise ? C'était jouissif.
mardi 18 décembre 2007
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7 commentaires:
Bien d'accord avec vous sur ce point Joseph... J'ajouterais que cette culture commence dès la sélection à l'entrée des écoles de journalisme, où les candidats avouant ouvertement leur désintérêt pour les news "pipole" sont a priori suspects et doivent avoir préparé une argumentation infaillible pour justifier leur point de vue (alors que, comme vous, j'estime que l'essence-même du métier de journaliste est de savoir prendre ses distances - loin, très loin - de ce genre d'information) ! Il est vrai que la profession a aujourd'hui atteint un tel niveau de précarité qu'il n'y a guère qu'en donnant dans le journalisme de caniveau que l'on peut décemment gagner sa vie...
Confraternellement,
Mélanie
Les journalistes sont davantage à plaindre qu'à blâmer.
La publication de cette information et de ces images (flashées à courte distance avec l'agrément des intéressés) en première page de certains journaux et hebdomadaires visait à faire passer la communication officielle de l'Elysée, rien de plus.
La véritable information, ici, était bien le manque total d'indépendance des journalistes en France.
Cette grande "tenue" des organes de presse est malheureusement un phénomène qui n'est pas limité à notre beau pays: la guerre contre le terrorisme a porté un coup important à la liberté de la presse dans le monde entier.
Nos politiques, au niveau national en ont tiré profit illégitime pour serrer un peu plus encore la vis aux journalistes, que ce soit Poutine ou Bush en passant par notre petit père à tous.
Ce phénomène de reflux de la liberté de la presse était déjà bien amorcé après 1990 suite à la première guerre du golfe qui marque le début de restrictions apportées à une grande liberté civile.
En fait, plutôt que de parler de décadence, je pense qu’il faut parler de mutation :
Le journalisme moderne est devenu une entreprise à but lucratif, qui s’inscrit dans une démarche consumériste. Son but (celui de l’entreprise de presse) est de gagner de l’argent, de fournir des dividendes. Pas d’informer.
Pour ce faire, il faut que les lecteurs/auditeurs/spectateurs « consomment » de l’information, et la publicité qui va avec.
On en revient au paradigme de la disponibilité des cerveaux (axiome de TF1).
En outre, ce dessein lucratif est à la croisée des chemins du « storytelling » cher aux néo conservateurs : la réalité, les chiffres, l’intelligence, c’est has been : vive le ressenti, le choc par l’image, l’histoire racontée.
Et ça marche !
Bref, plutôt que de parler de décadence des journalistes (ou des politiques), ne faut-il pas plutôt parler de décadence des auditeurs (et donc des citoyens ?)
D'accord avec mon homonyme, sauf que je ne vois pas en quoi les néoconservateurs seraient davantage responsables que d'autres de ce phénomène. D'autre part, la décadence de l'auditeur/du citoyen/du consommateur est certainement vraie, mais cela devrait être nuancé et élargi à la fois. Notamment car je ne crois aucunement aux réponses qui insisteraient uniquement sur les structures extérieures. Celles-ci jouent un rôle -comment le nier?- mais on ne peut exclure les personnes de cette réflexion. Au final, c'est à chacun d'entre nous d'être responsable de ce qu'il écoute, de ce qu'il lit, de ce qu'il écrit... Merci à Joseph
Stéphane TAILLAT
Pas d'accord avec l'analyse faite à 12:11, il suffit de comparer les gros titres des journaux depuis 150 ans qu'il y a des va et vient sur la qualité de ceux ci.
Quand à mainmise d'un état sur l'information, consulter les journaux durant les 2 GM ou la guerre d'Algérie (pour la France), en période de crise cela n'est pas nouveau et je trouve que par rapport à ces périodes, nos journaux sont bien plus critiques que du temps de l'ORTF des années 70.
Il n’empêche que pour une info internationale de qualité, mieux vaut être câblé et parler anglais si on se contente de la télé (mis à part le journal du Monde sur LCI, j’avoue une tendresse particulière pour Vincent Hervouet)…
Les infos ne sont pas stupides parce que les gens les demandent : les gens deviennent stupides parce qu’ils gobent des infos qu’on leur présente comme exactes et exhaustives. De plus, tout un chacun n’a pas forcément ni le temps, ni la curiosité, ni l’envie d’aller voir ailleurs que la soupe qu’on lui sert un grand sourire au bec. C’est regrettable mais nous ne sommes pas tous aussi brillants qu’il le faudrait… Le problème survient précisément lorsque des gens supposés plus brillants que nous se sentent obligés de nous vautrer dans la médiocrité sous prétexte qu’ils nous pensent trop cons pour réagir à des infos utiles.
En même temps, on peut se demander quels étaient les citoyens qui ont été capables en ce temps de lire ce "j'accuse" de Zola dans le texte. Combien de français étaient à l'époque analphabètes, ou presque.
L'info est simplement destinée à la masse, qui est et reste la masse: des gens pas tous bien formés, pas tous intéressés (regardez les score du Ps en wallonie :-))). Mais la proportion de ceux pestant contre ce business de l'info spectacle est-elle réellement plus importante que ceux qui ont pu lire ce "j'accuse" dans le texte? Je ne sais pas.
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