vendredi 24 juillet 2009

Antiterrorisme en Belgique : bonnes questions, mauvaise réponse

Le Soir d'hier a fait paraître des extraits du rapport du Comité R (de suivi et de contrôle des services de renseignement) à propos de l’alerte antiterroriste de décembre 2007-janvier 2008. Deux grandes catégories de critiques sont adressées aux services :

Le manque de coordination entre les services et le fait que l’OCAM (Organe de Coordination et d’Analyse de la Menace) et le Procureur fédéral n’aient pas joué leur rôle. Résultat, selon le rapport, des « différences parfois inexplicables en ce qui concerne les destinataires des évaluations de l'OCAM ». Pire encore : la police, le SGRS (renseignement militaire), le ministre de l’Intérieur et le centre de crise n’ont pas été informés correctement. La Sûreté de l’Etat n’aurait quant à elle pas transmit toutes ses informations. Côté coordination, on a fait mieux.

Conséquence annexe dudit cafouillage, la communication vers la population a été d’un brouillon extrême : les niveaux d’alerte n’étaient pas commentés ni argumentés, la menace elle-même est restée vague – en somme, de quoi faire perdre leur crédibilité aux institutions en charge de la sécurité. Allez ensuite faire comprendre pourquoi vous annulez feu d’artifices et nocturnes des marchés de noël

Je n’ai pas encore lu le rapport mais il me semble poser là de bien bonnes questions. Ce n’est pas la première fois que le rôle de l’OCAM est remis en question, malgré un renforcement de ses moyens : manifestement, le problème est méthodologique.

Mais la réponse aux questions pourrait bien être encore pire : le président de la commission sénatoriale du suivi du Comité R, Armand De Decker a précisé que « le projet déjà voté au Sénat afin de permettre à la Sûreté d'organiser elle aussi des écoutes téléphoniques va rééquilibrer les choses » (La Libre d'aujourd'hui) et dès lors « éviter ce que l'on a appelé des cafouillages entre le monde judiciaire et les services de renseignement qui dépendent eux du gouvernement ».

La méthode interpelle : on crée des hiérarchies parallèles au lieu de mettre à plat le système (ce que devait faire la création de l’OCAM). Surtout, si ces écoutes sont attendues depuis longtemps, elles ne répondent pas au problème de la communication : nouveau capteur ou pas, rien n’indique que les informations recueillies aboutiront effectivement dans les bonnes mains – soit le cœur du problème.

On ne répond pas, également, à la question de la communication de crise (toutefois abordée il y a peu de temps par le ministre de l'Intérieur avec un peu plus de pertinence que ça n'a pu être le cas). Décidément, nous sommes bien incapables d'apprendre des leçons...

2 commentaires:

Madame L a dit…

cela me rappelle un débat de l'émission Controverse du 6 janvier 2008 sur la menace terroriste. Le problème de la communication y avait été clairement souligné. Un certain JH avait prôné la mise en place d'une vraie stratégie de gestion des menaces. Où en est-on? Apparemment nulle part... Il faut continuer à enfoncer le clou !!

Thomas Renard a dit…

Tout à fait d'accord Joseph...et puis surtout, j'entends encore Dewael dire "vous verrez, d'ici peu, on vous montrera les preuves que l'alerte était bien réelle"...on attend toujours!

Le risque terroriste en Belgique est bien réel (comme ailleurs) mais la communication tant interne (entre services) qu'externes (relations publiques) est extrêmement mauvaise et largement inférieure à ce que font la plupart de nos voisins (notamment hollandais)!