jeudi 9 avril 2009

Sur la "crise" des études stratégiques : une réponse à X. Raufer

Vous aurez pu remarquer une petite baisse de régime du blog, au point de vue des analyses, ces derniers temps. De fait, entre le bouclage de mes magazines (la journée) et ceux de mon prochain ouvrage (la nuit – ou presque), quelques articles et les réflexions préliminaires pour l’ouvrage suivant, les journées sont comme on les aime : bien chargées.

Pour autant, quelque chose m’a fait tiquer, dernièrement, à la lecture d’un supplément de la lettre TTU. Il s’agissait en l’occurrence d’un billet intitulé « L’envers de la mondialisation. Sécurité globale et face noire de la mondialisation » et signé par Xavier Raufer. Il commence par un sous-titre interpellant, « le malaise des études stratégiques ».

Pour le criminologue, « En Europe, la recherche fondamentale en matière de défense (aussi appelées « études stratégiques » se porte mal. Malgré la lecture faite des textes stratégiques, revues ou autres sources accessibles, l’Europe semble en effet incapable de dire qui est l’ennemi, ce qu’est l’hostilité en 2009 ». Interpellant, donc, à plusieurs égards :

- d’abord, parce que les études stratégiques ne se limitent pas à la recherche fondamentale en matière de défense ;

- ensuite parce que ce n’est pas le rôle de la recherche fondamentale de déterminer l’adversaire (et non l’ennemi, c’est justement un acquis des études stratégiques que de nous faire sortir des logiques totales). Ce serait plutôt le rôle de la recherche appliquée telle qu’elle est exercée dans la plupart des centres de recherche voire… du politique lui-même ;

- enfin, sur la « crise » ou le « malaise » des études stratégiques.

Lorsque je suis entré à DSI, en octobre 2005, la revue avait été mise sur pieds six mois plus tôt. Elle était non seulement viable – sans publicité, ce qui n’est pas rien pour une revue de défense – mais en plus, elle pouvait aborder des thèmes parfois pointus. Et l’affaire marche plutôt bien : chaque mois, 120 000 personnes lisent le magazine et les auteurs qui écrivent dedans. Et rares sont les refus que j’essuie à une invitation d’interview ou de publication d’un article. Ce n'est qu'un exemple parmis d'autres.

Parce que les initiatives se développent partout. Tous les mois, je reçois 4 à 5 ouvrages d’études stratégiques – rien que pour la France -, quel que soit le secteur plus particulier qui est traité par l’auteur. Je ne compte même pas les monographies en ligne, de plus en plus costaudes. Les blogs de défense se sont multipliés. Les conférences, séminaires et colloques aussi (le mois de mai sera chargé, vous l’aurez remarqué !). Les études stratégiques, à mon sens, se portent beaucoup mieux, ne fut-ce que deux ans après le 11 septembre.

Alors, certes, l’Université n’a pas toujours compris la nécessité ni l’intérêt – ne serait-ce que purement académique, sur le plan de l’histoire des idées – des études stratégiques. Certaines revues, comme Stratégique, ont connu un passage à vide avec des parutions irrégulières (heureusement terminé - il y aura quelques bonnes surprises dans les prochains mois). Beaucoup de chercheurs passent toujours plus de temps à remplir de la paperasse qu’à chercher. Bien sûr, donc, la situation n’est pas idéale. Mais elle est loin d’être catastrophique.

Nous sommes peut-être même dans une configuration idéale : poussés par la crise stratégique actuelle – qui n’est certainement pas celle des études stratégiques, ne confondons pas l’objet et son analyse – un certain nombre de chercheurs de talent, militaires comme civils, écrivent avec une certaine liberté. Les initiatives fusent de partout et, si elles ne sont pas gratuites (notes d’analyses en lignes, séminaires et colloques, blogs…) elles sont peu coûteuses, de façon à toucher un public le plus large possible.

Sans doute jamais dans l’histoire européenne de ces 30 dernières années on n’aura autant étudié ni lu ni encore écrit sur les questions stratégiques.

Alors, évidemment, personne n’a de réponse définitive à la crise stratégique actuelle, pas plus que nos confrères économistes n’ont de solution à la crise économique ou que nos frères sociologues n’ont de solution arrêtée sur la crise des banlieues. Mais personne ne semble avoir décrété leur discipline en crise au prétexte qu’ils ne sont pas en mesure de produire des solutions opérationnelles.

Là réside, sans doute, un malentendu profond et éminemment problématique : au même titre que n’importe quelle autre (sous-)discipline, les études stratégiques peuvent produire des solutions à vocation opératoire. Mais avant, il faut précisément s’attacher à la recherche fondamentale.

La France, de ce point de vue, a de sérieux atouts. Relire du Alain Joxe ou étudier le Traité de stratégie d’H. Coutau-Bégarie n’est pas nécessairement aisé. Mais on ne fait pas de recherche appliquée sans en maîtriser les fondamentaux. Ces mêmes fondamentaux que nos camarades américains, parfois pris en exemple à mauvais escient, nous envient…

Conférence "L’armée rouge en Afghanistan 1979 – 1989" au CDEF

A travers cette conférence, le colonel (R) Oleg KULAKOV, qui a servi au sein de l’armée soviétique en Afghanistan, de 1980 à 1982 puis de 1986 à 1989, fera part de son expérience militaire et des enseignements de l'intervention soviétique en Afghanistan.

Le colonel (R) Oleg KULAKOV est professeur (Docteur) en Histoire à l'Institut d'Etudes Orientales de l'Académie Russe des Sciences et Conférencier à l'Université de Défense de Moscou. Il a effectué deux séjours en Afghanistan comme interprète militaire. Puis il a servi au sein du (Collège de Défense de l'OTAN à Rome en Italie) de septembre 2005 à février 2006.

La conférence sera prononcée en anglais

Lundi 11 mai 2009 de 14h15 à 16h15
Amphithéâtre De BOURCET - Ecole militaire, 1 place Joffre -75007 Paris

Contact : marie-laure.mounoury@cdef.terre.defense.gouv.fr (adresse Internet et intradef), Tel. 0033 1 44 42 52 90.

Colloque international "guerre irrégulière"

Programme du colloque international
Des 12, 13 et 14 Mai 2009 - Ecoles de saint-Cyr Coëtquidan

LA GUERRE IRREGULIERE

Depuis 2007, le pôle d’excellence « Action globale et forces terrestres » des écoles de Saint-Cyr Coëtquidan rassemble chercheurs civils et militaires autour des mutations de la conflictualité et de leurs retombées sur l’engagement des forces terrestres.
En partenariat avec l’Université d’Oxford et l’Institut d’Histoire du Temps Présent (CNRS), ce pôle conduit actuellement un programme de recherche sur la guerre irrégulière dont le point d’orgue est un colloque qui se tiendra à l’occasion des journées internationales de Saint-Cyr Coëtquidan. Cette manifestation marquera également l’ouverture du symposium ISODOMA, réunissant les représentants des académies militaires du monde entier.
Visant à faire progresser la connaissance théorique et la maîtrise opérationnelle d’un phénomène complexe mais caractéristique des opérations militaires contemporaines, le colloque « Guerre irrégulière » concerne l’ensemble des acteurs appelés à jouer un rôle dans les conflits d’aujourd’hui et de demain.

Contact : Cellule accueil journées d’études « la guerre irrégulière » - Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan 56381 Guer cedex
Téléphone : (00 33) 02 97 70 77 83 Fax (00 33) 02 97 70 76 15 Courriel : guerreirreguliere(at)st-cyr.terre.defense.gouv.fr
Mardi 12 mai 2009 – La crise de la guerre régulière

opening speach :
General de division Nicolas de LARDEMELLE, Commandant of French Military Academy Saint-Cyr
Coëtquidan.

general Introduction :
Hew STRACHAN, Chichele Professor of The history of War, All Souls College, University of Oxford.

Session Chairman :
Jean-Paul HANON, Pole Land Forces and Global Action, Saint-Cyr.

1. The Historic Forms of Irregular War :
Hervé COUTAU-BEGARIE, Ecole Pratique des Hautes Etudes.

2. Just War Tradition and the Irregular Warfare :
David RODIN, Center for Ethics, Law and Armed Conflicts, University of Oxford.

3. From the Medieval Outlaw to the 21st Century Militiaman, Anthropologic Views on Irregular
Warfare :
Christian INGRAO, Institut d’Histoire du Temps Présent, CNRS.

Wednesday 13 May 2009 – Who is Irregular ?

Session Chairman :
Carter MALKASIAN, Center for Naval Analysis.

1. New Conflicts, New Fighters, New Rules :
Adam ROBERTS, Center for International Studies, University of Oxford.

2. Privatisation of Western war :
Sarah PERCY, Merton College, University of Oxford.

3. Carl Schmitt and the Iraqi Insurgency : Competing World Orders, the Friend-Enemy distinction and the Partisan World Revolutionary Dichotomy :
Ahmed S. HASHIM, US Naval War College.

4. Irregular Wars and Public-Private Partnerships :
Didier DANET, Pole Land Forces and Global Action, Saint-Cyr.

Managing People

table ronde 1 : Irregular War and People on theaters of War

Session Chairman :
Fabrice d’ALMEIDA, Institut d’Histoire du Temps Présent, CNRS.

1. Winning the Hearts and Minds of Iraqi People ? :
David KILCULLEN, Center for a New American Security.

2. Winning the Hearts and Minds in the Kosovo War : the Case of UCK :
Amaël CATTARUZZA, Pole Land Forces and Global Action, Saint-Cyr.

3. « War Amongst the People » : Solution or Ideology ? :
Général Vincent DESPORTES, directeur du Collège Interarmées de Défense.

table ronde 2 : Irregular War and the general Public

Session Chairman :
Daniel MARSTON, Australian National University.

4. Can we face Long Wars ? :
General (ret.) Jonathan BAILEY, Former Commanding Officer Head Quarter’s Doctrine and
Training.

5. Afghanistan : Local Fighters - Local Population - UK Population :
John McKINLAY, King’s College.

6. Jihad and Just War in the War on Terror :
Alia BRAHIMI, St Antony’s College, University of Oxford.

Thursday 14 May 2009 – Can They Win ?

atelier 1 : Counter-tactics : lessons from History (amphithéâtre napoléon)

Session Chairman :
Hervé COUTAU-BEGARIE, Ecole Pratique des Hautes Etudes.

1. Is the Irregular Fighter Lore Innovative ? Tactical lessons from Iraq, Lebanon, Afghanistan :
Lieutenant-colonel Michel GOYA, Etat-Major de l’Armée de Terre , pôle action globale et forces
terrestres, Saint-Cyr.

2. The Use of Irregular Fighters by Fegular forces : The Case of Indochina :
Lieutenant-colonel Michel DAVID, Pole Land Forces and Global Action, Saint-Cyr.

3. Training for COIN in Algeria :
Colonel Frédéric GUELTON, Service Historique de la Défense.

4. COIN and the Transformation of Regular Forces :
Daniel MARSTON, Australian National University.

atelier 2 : Counter-tactics : today’s theaters of War (amphithéâtre du centre de recherche)

Session Chairman :
Christian MALIS, pôle action globale et forces terrestres, Saint-Cyr.

4. The Use of Airpower in Irregular Wars :
Jérôme de LESPINOIS, centre d’études stratégiques aérospatiales.

5. Irregular Warfare at Sea :
Capitaine de vaisseau Thierry ROUSSEAU, centre de concepts et de doctrines de la marine.

6. Technology and Irregular Warfare :
Pierre-Jean LASSALLE, Thalès.

7. Countering Irregular Warfare, a US View :
Carter MALKASIAN, Center for Naval Analysis.

General conclusion
Professeur Yves BOYER, école Polytechnique.

Closing speaches :
General Sir Richard DANNAT, Chief of the General Staff (UK) : video
Général d’Armée Elrick IRASTORZA, Chief of the General Staff (F).

mardi 7 avril 2009

Un "plan Gates" pour sauver la Transformation américaine

La réforme est dans l’air du temps : nouvelle stratégie en Afghanistan, poursuite de la Transformation mais inflexion dans un sens plus réaliste et crise économique sont autant de facteurs ayant poussé le nouveau président américain à se lancer dans une revue en profondeur des programmes actuellement en cours au Pentagone, suppressions à la clé.

Robert Gates, dans cette optique, a proposé le 6 avril une série de coupes sombres. Pour la Navy, le plan Gates signifie l’abandon du programme VH-71 d’hélicoptère de transport présidentiel ; l’achat de nouveaux F/A-18 ; le maintien de 3 DDG-1000 (et, au-delà, l’arrêt du programme) ; la construction de nouveaux DDG-51.

Au niveau de l’US Air Force, les commandes de F-22 ne dépasseront pas le niveau actuel (187 unités au total). La construction du deuxième Airborne Laser serait abandonnée, le premier étant conservé pour la recherche & développement. Le Transformational Satellite program serait abandonné mais 2 satellites de communication Extremely High Frequency seraient commandés. Le programme CSAR-X d’hélicoptère de recherche et sauvetage au combat serait abandonné mais celui de futur bombardier est maintenu. Concernant le KC-X de ravitaillement en vol, un nouvel appel d’offres serait lancé durant l’été. En outre, 250 appareils de combat seront retirés des inventaires en 2010.

Au niveau de l’Army, le programme FCS serait tout simplement abandonné, l’armée devant lancer de nouveaux programmes de véhicules de combat. Selon le Secrétaire américain à la défense, les véhicules ont été conçus pour éviter les attaques plutôt que pour les encaisser, ce qui pose problème dans le contexte actuel. Un certain nombre de technologies afférentes au programme de 160 milliards de dollars seraient toutefois maintenues, dans le domaine des capteurs, des drones ou encore des communications individuelles L’Army passerait par ailleurs à un format de 45 brigades et non de 48.

Plus généralement, le Pentagone recommande de réduire la proportion de tâches – très coûteuses – effectuées par des Contractors de 37 % à environ 25 %. Dans le même temps, 30 000 civils seraient engagés pour remplacer le départ des Contractors. Le programme F-35 serait quant à lui accéléré – 513 appareils devant être produits d’ici 2014 – afin de réduire ses coûts. La cible reste de 2 443 appareils pour l’ensemble des services. Le « plan Gates » doit maintenant être validé par le Congrès américain.

lundi 6 avril 2009

L'ASMP-A, bon pour le service



La troisième évaluation technico-opérationnelle du missile ASMP-A (Air-Sol Moyenne Portée – Amélioré) a, selon l’armée de l’Air, été menée à bien dans les délais impartis. L’évaluation impliquait un décollage depuis la base d’Istres, un long vol, plusieurs ravitaillements en vol et le lancement d’un missile vers une position en haute mer.


Lancé en 1997, le programme va permettre de remplacer les missiles ASMP jusqu’ici en service comme système de dissuasion en service aussi bien dans l’armée de l’Air que dans l’aéronavale. Doté d’une propulsion par Ramjet bénéficiant du retour d’expérience de la conception du missile ANS (Anti-Navire Supersonique), l’ASMP-A conserve le design général de l’ASMP mais devrait voir une augmentation de sa portée – certaines sources l’évaluant à 500-600 km.


En photo : L’ASMP-A devrait officiellement entrer en service durant l’automne 2009. Ici en position ventrale, l’ASMP-A utilisé lors du dernier test. L’engin semble plus gros que les ASMP (© Armée de l’Air).