vendredi 22 août 2008

Le Grand Charles flotte à nouveau

L'étape est symbolique pour les industriels comme pour les marins : le Charles de Gaulle est sorti de son bassin pour rejoindre le quai Vauban, où se dérouleront les prochaines étapes de son IPER. De facto, les étapes les plus délicates - en particulier, le changement de 32 éléments combusibles des réacteurs nucléaires - sont considérées non seulement comme passées mais également comme réussis dans les temps.

C'est fin novembre que le porte-avions sera remis à la Marine nationale pour qu'une campagne de qualification soit menée selon les standards OTAN (comme depuis de longues années), permettant tant d'entraîner l'équipage que de vérifier le bon fonctionnement des systèmes du navire. Le bâtiment sera à nouveau considéré comme disponible "au printemps 2009". Ce qui peut aussi bien s'interpréter, remarquent les opérationnels, comme mars ou... mi-juin. D'ici là, pas question d'un départ "en urgence", dans l'hypothèse d'une crise, par exemple.

De nombreuses modifications ont été opérées. En plus des travaux portant sur les réacteurs - le changement des coeurs nécessitant une expertise différente de celle utilisée pour le déchargement/chargement des sous-marins - le bâtiment aura également été repeint (nécesitant 40 tonnes de peinture) et des modifications apportées aussi bien au système de combat qu'aux soutes à munitions, complètement revues. Les canaux des catapultes ont été ouverts et l'ensemble des systèmes vérifiés, de fond en comble. La liste n'est pas exhaustive : en tout et pour tout, 80 000 tâches sont planifiées pour l'IPER, représentant 2 530 000 heures de travail.

L'ensemble aura été planifié pendant 3 ans. Le bâtiment accueillera ainsi le banc d'essais Mermoz II (soutien du Rafale F3) et des soutes à munitions redessinées et permettant d'emporter l'ASMP-A comme le missile de croisière SCALP-EG. Les transmissions ont été revues de fond en comble : 80 km de câbles ont été installés, de même que de nouvelles baies de télécommunication par satellite, permettant de travailler avec le système Syracuse III. En plus de modiciations logicielles au système de combat, un nouveau centre de renseignement a été installé. Il permettra de pleinement bénéficier des données recueillies par les nacelles Reco NG. Les systèmes radar ont également été entretenus, voire démontés.

La visite du navire montre le vaste chantier ainsi entrepris : câbles et buses souples de ventilation encombrent les coursives. L'équipage dans son ensemble - 1 200 personnes - a été mis à contribution, permettant ainsi d'économiser, selon des responsables, de l'ordre de 50 % du coût de la main d'oeuvre nécessaire à l'IPER. Cette dernière est quant à elle estimée à 300 millions d'euros. A bord, l'ambiance est à la fierté : la tâche est complexe mais elle a été menée à bien dans les temps.
La tactique viendra après : aux questions des enseignements retirés de la frappe du Hezbollah sur le Hanit et des opérations navales pendant la guerre d'Ossétie, les opérationnels nous indiquent qu'il y a un temps pour tout. Mais que la réflexion ne s'arrête jamais. De fait, la marine tient à ses bijoux - on la comprend. Ainsi, la sélection des commandants est particulièrement rigoureuse : un "pool" des candidats les plus sérieux est constitué avant que l'un d'entre eux soit choisi. L'extrême crème de la crème.

C'était aussi pour nous l'occasion de rencontrer de nombreux responsables, de même que le très sympathique commandant du bâtiment. Nous avons notamment discuté futur de l'aéronautique navale, propulsion nucléaire d'un évntuel PA2 et autoprotection. Découvrez leurs interviews dans nos prochains numéros de DSI, DSI-T et nos dailies Euronaval !

jeudi 21 août 2008

Ethique et armes

Un ami me demande ce que signifie encore l'éthique aujourd'hui, dans le milieu militaire. J'ai répondu à sa question mais n'ai pu m'empêcher de terminer par les articles 6 et, peut être plus encore de l'article 7 du code de la Légion étrangère, qui me semblent tellement justes:

- La mission est sacrée, tu l'exécutes jusqu'au bout et si besoin, en opérations, au péril de ta vie.

- Au combat, tu agis sans passion et sans haine, tu respectes les ennemis vaincus, tu n'abandonnes jamais ni tes morts, ni tes blessés, ni tes armes.

Je me souviens de les avoir cité aussi, en 6ème (terminale), à mon professeur de français, et de l'avoir vue songeuse. Elle m'a appris beaucoup (elle avait été l'une de celle, dans un recoin du secrétariat de l'école technique, à m'engager à faire l'Université) et ce jour là, elle m'a appris plus encore : méditer sur les mots, c'est aimer le monde...

Gagner la bataille de la légitimité intérieure

L'un des éléments sans doute les plus prégnants des débats ayant suivi la mort des 10 soldats français réside dans le manque de compréhension de la population à l'égard de la mission qui leur était confiée. De facto, la pauvreté de l'information généraliste en matière stratégique a conduit à une forme de suivisme à l'égard de communiqués de l'OTAN, qui répondaient à un agenda politique propre. A savoir, mettre en avant les missions de reconstruction - mission oh combien consensuelle - pour tenter de rassembler le maximum de troupes d'un maximum d'Etats.

Or, depuis 2001-2002, la situation a considérablement évolué. L'adversaire s'est regroupé, a gagné en légitimité, a connu une montée en puissance en termes d'effectifs comme de puissance de feu et s'est lancé dans des opérations de plus en plus complexes. Rien de bien neuf là-dedans. Mais, alors que le remarquable travail effectué notamment par le CDEF a bien mis en évidence la nécessité de gagner en légitimité par rapport aux populations locales, sans doute n'avons nous pas, au plan politique cette fois, compris la nécessité de gagner également en légitimité auprès de nos populations. C'était, au demeurant, une dimension mise en évidence par Vincent Desportes dans La guerre probable.

De fait, la théorie stratégique enseigne que la vulnérabilité au "zéro mort" est plus importante lorsque les intérêts nationaux sont perçus comme moins importants. Depuis le 11 septembre, les Américains auparavant très vulnérables au moindre mort ne le sont plus guère : l'intérêt national est parfaitement compris. Mais il le reste mal dans le cas européen (j'insiste, tant des débats similaires à ceux actuellement en cours en France le sont aussi ailleurs). La phrase du LBDSN selon laquelle il faut se préparer à subir des pertes, si elle est de bon sens, apparaît donc comme finalement assez vaine, ne montrant guère comment s'y préparer. La résilience est l'une des pistes à mettre en oeuvre (JDM nous le rappelle à bon escient - peut-être a-t-il lu mon article sur le sujet dans le DSI 37) mais son coeur est la politique d'information - libre, sans manipulations d'aucune sorte et assumant les éventuels débats.

Mais l'acception qui est donnée par le LBDSN à la résilience est par trop restrictive. Elle ne prend notamment en compte les aspects liés à l'information ni à la formation (cf. DSI 39). Or, il est ici question de l'incapacité des politiques, des journalistes ou des chercheurs à mettre en évidence la nécessité de s'engager dans ce qui n'est pas une "guerre contre le terrorisme" (ce terme nous aura décidément causé beaucoup de tort) mais bien une opération de stabilisation d'une zone géopolitique sensible pour une foultitude de raisons qu'il conviendrait enfin d'expliquer correctement. De ce point de vue, on est en droit de se demander si nous n'avons pas perdu la bataille de la légitimité intérieure. Autant de points sur lesquels j'aurais l'occasion de revenir cet après-midi sur France-Info.

On the road again

Vous l'aurez constaté, je vous ai donné peu de nouvelles ces derniers temps, charge de travail oblige. Pourtant, l'engagement qui a vu 10 soldats se faire tuer m'a fait assez intensément cogiter hier soir. Derrière le respect pour les morts, la polémique qui qui s'épanouit actuellement me pose problème à plusieurs égards. J'y reviendrai, je pense, dans le courant de la journée. Pour les lecteurs mexicains parmi vous, je suis aujourd'hui, sur cette question, dans le quotidien Reforma.

En attendant, DSI est bien parti chez l'imprimeur - le numéro ne devrait pas vous décevoir - et nous mettons la dernière main au premier DSI-T... qui portera le numéro 13 ! Succédant à T&A, les abonnés à ce dernier le recevront, bien entendu, automatiquement. Je pense, également, qu'il ne devrait pas vous décevoir. Dans l'optique d'Euronaval (où il sera également distribué), il sera forcément un peu plus naval.

A ce sujet, le Charles de Gaulle est remis à l'eau demain, à Toulon. L'occasion pour l'équipe de se lever tôt pour être à 6 heures à la base navale. Photos et reportage dès demain sur ce blog !

mardi 19 août 2008

DSI 40 : petit avant-goût

Les DSI's Angels mettent actuellement la dernière touche au prochain DSI, dans les kiosques début septembre. En attendant, en voici toujours un avant-goût...

Un peu de lecture

Je ne m'en étais pas aperçu mais le dernier Penser les Ailes Françaises publie un de mes articles, assez long, "Israël et l'approche synergistique en stratégie aérienne, de la guerre du Kippour à Paix en Galilée". A lire ici.

Afghanistan : un engagement contre les Talibans aurait fait 10 morts français

Selon Le Point et l'AFP, des combats très durs ayant duré 3 heures ont eu lieu à Saroubi, à 50 km de Kaboul, entre des forces françaises appartenant notamment au 8ème RPIMa et des talibans.

Ils auraient fait 10 morts et 10 blessés graves dans les rangs français, information que ne confirme pas encore le ministère de la défense. Un C-135 en configuration MORPHEE (module hôpital volant) serait sur le point de partir de la base d'Istres.

Quatorze soldats français sont déjà morts en Afghanistan depuis 2001, au combat, au cours d'attentats ou lors d'accidents.

Addendum : le Morphée devrait avoir quitté Istres. Jean Guisnel donne plus de renseignements sur les conditions de l'engagement ici.

"The A" is blogging

Grand admirateur de Depeche Mode et de U2 devant l'éternel Alain "The A" De Neve est aussi et surtout un chercheur (IRSD et doctorant UCL) qui a un solide paquet d'articles et de livres derrière lui.

C'est lui qui avait patiemment contacté ce qui allait devenir la joyeuse bande du RMES à cette époque héroïque de 2003 où travailler sur les études stratégiques vous vallait, au mieux, un regard condescendant (ça ne nous rajeunit pas !).

Et bien, ça y est, il s'est mis à bloguer : ses réflexions (dont celles sur la Géorgie - sachant qu'il a pas mal travaillé sur l'évolution de l'OSCE) sont à lire ici.

lundi 18 août 2008

JTFEX : les chiffres

Le JTFEX (Joint Tactical Force Expeditionary Exercice) qui s'est déroulé du 28 juin au 1er août 2008 en Virginie (Etats-Unis) a vue, pour la première fois, l"intégration de l’aéronautique navale française au sein d’un groupe aérien américain pendant plusieurs jours.

Cet exercice, avait, du coté français, deux principaux objectifs : maintenir les qualifications des pilotes de la Marine nationale pendant la période d’indisponibilité du porte-avions Charles de Gaulle et élever le niveau d’interopérabilité technique des deux marines.

6 Rafale Marine F2 de la flottille 12F de Landivisiau et 2 Hawkeye de la flottille 4F de Lann-Bihoué, ont participé à cet exercice, qui s'est déroulé comme suit :

- période d’entrainement et de qualification à partir de la base aéronavale de Norfolk pendant 2 semaines : vols avec les flottilles américaines, appontages simulés sur piste de jour et de nuit, puis réels à bord.

- embarquement sur le porte-avions américain Theodore Roosevelt de 5 Rafale (du 17 au 23 juillet) : missions de combats aériens, vols tactiques à plusieurs avions sous opposition, contrôle de chasse et de « close air support » (appui aérien de troupes au sol).

Bilan chiffré :

- 150 appontages réalisés, dont un tiers de nuit.
- Une centaine de missions d’assauts, de «sweep» (combat aérien), d’appui aérien
(Rafale), de contrôle tactique, de théâtres ou encore de guidage d’interception
(Hawkeye).
- Rafale : 480 heures de vol. Tous les objectifs d’entrainements tactiques et
d’appontage ont été atteints.
- Hawkeye : 135 heures de vol.