vendredi 4 juillet 2008

Libération d'I. Bétancourt : interview

Yannick Hallet, du groupe Sud-Presse m'a interviewé hier sur la question de la libération de Bétancourt - tous mes compliments d'ailleurs au plus Colombien des blogueurs de défense, François Duran - et, plus spécifiquement, sur la question de l'évolution des doctrines de contre-insurrection (si, si, des quotodiens peuvent aussi aborder ces questions - en tous cas, l'on fait ce qu'il faut pour). C'était donc l'occasion de revenir sur l'action intégrale, que nous avions abordé avec l'amiral Bejarano Marin, dans un DSI.

Au-delà du succès de l'opération et des questionnements inhérent au "camouflage humanitaire", force est de constater plusieurs éléments contextuels qui me semblent avoir une grande importance dans la réussite de l'opération :

- les forces colombiennes ont gagné, aux yeux de la population, une grande légitimité : voilà pour le terreau strato-sociologique indissociable de la réussite d'hier. Elle résulte tant d'une doctrine plaçant la population au centre des préoccupations que d'une transition démocratique qui, si elle peut être critiquée par certains (j'avoue l'avoir un temps sous-estimée... mais le commissaire européen au développement, hir soir en TV, le faisait plus encore que moi), est néanmoins en cours ;

- l'appui dont les forces peuvent disposer, en termes de renseignement par exemple, est important et leur niveau d'entraînement est important, source d'une exécution tèrs correcte des plans ;

- elles sont en mesure de planifier des opérations complexes, audacieuses et imaginatives... et faisant sans doute l'objet d'une préparation - psychologique notamment, "formant" cognitivement l'adversaire à devoir céder - de longue haleine.

En fait, la libération de Bétancourt est surtout le reflet d'une contre-insurrection victorieuse, fruit d'une dynamique de succès exponentielle : en la matière, la compréhension des "effets boule de neige" et de l'interdépendance des facteurs est cruciale. Ce qui nous amène à une réflexion que j'avais partagé avec O. Kempf (voir d'ailleurs son avis sur la question ici), lors de l'un de ses passages à Bruxelles :

- un Etat que l'on pouvait considérer comme "effondré" ou "en voie d'effondrement" à la fin des années 1980 (ne revenons pas sur les cartels de la drogue, les FARC, l'ELN et une myriade de milices d'extrême droite) n'est pas nécessairement condamné : il peut se servir de ses difficultés pour recréer une légitimité de l'action et, ultimement, se redresser.

- un tel redressement exige une politique sans faille, faisant éventuellement appel à la force et montrant au passage qu'une guérilla, contrairement à un bon sens populaire qui n'a semble-t-il jamais appris à lire les ouvrages de Chaliand (notamment), peut être vaincue.

Olivier a, de ce point de vue, tout à fait raison de parler de victoire de la stratégie sur la politique émotive. Comme je l'expliquais hier à Y. Hallet, on a tort de croire que "l'emploi d'options militaires" résulte nécessairement en l'emploi de la force, s'entendant comme "brute". Bien au contraire, le but suprême de l'option militaire est l'évitement de la violence.

C'est parce que ce paradoxe fondateur n'est pas compris que l'on disqualifie beaucoup trop rapidement "l'option militaire" au profit d'une "option politique" (le militaire étant pourtant... etc, etc.)... qui n'a pas marché ici. Tout au plus, les interventions françaises et celles de Chavez auront conduit à un meilleure traitement de l'otage. Pas à sa libération.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

On à fait de la pub sur votre article sur ''secret défense'' à l'instant ;)

Anonyme a dit…

Ce qui me frappe le plus, c'est la victoire de la politique du courage.
Vraisemblablement le plan Uribe est en marche depuis longtemps : une telle infiltration nécessitant des délais importants.
Courage d'essuyer les critiques de la famille d'une part, des politiques à courte vue d'autre part et surtout celle de démagos, de la trempe d'Hugo Chavez...
Courage de ne pas plier, courage de prendre des risques : La politique de la tête haute.

Anonyme a dit…

La politique de la tête haute et droit dans ses bottes du Président Uribe a eu du sens parce qu'elle a toujours été appuyé, avalisé et dirigé par son principal partenaire stratégique, politique, financier et militaire, à savoir Washington. Il avait été élu sur un programme et des propositions pour éradiquer les FARC, il s'en est tenu ! la seule ingérence qu'Uribe a accepté, c'est celles de conseils/appuis/logistiques/aides/imageries/écoutes/intelligence service/dotations armements et hélicoptères/prestations de services contractuelles et étatiques...Avec donc cette coopération, Uribe n'avait pas à recevoir d'ordres, d'ingérences, ou de conseils de la part de Caracas ou Paris.

D'autant plus, qu'Uribe fait comme les USA, ils appliquent la non-négociation avec les terroristes.

Au passage, même si la Franco-Colombienne députée Ingrid Bétancourt était la captive la plus médiatique, elle n'était pas la seule à être victime des FARC, on peut que féliciter les lanceros, les agents colombiens infiltrés, les opérateurs, les troupes d'infanteries, les logisticiens, les analystes, les observateurs et tous les protagonistes de cette opération préparée de longue haleine pour aboutir à ce succés opérationnel.

On dénote le sentiment de fierté qu'a Uribe à l'encontre de tous ses hommes de l'ombre ou conventionnel. Il est admiratif et reconnaissant.

Que ce RETEX puisse être mieux disséquer, analyser et rapporter à qui vous savez.