jeudi 16 août 2007

Un canevas de Livre Blanc ?

En publiant relativement discrètement le document Préparer les engagements de demain 2035 sous l’autorité du directeur chargé des Affaires Stratégiques et du major-général des armées, ces dernières font évoluer assez radicalement le débat, toutefois en droite ligne des conceptions et des positions développées par le Président de la République durant sa campagne électorale. De ce point de vue, l’exercice se déroule dans la perspective directe de la rédaction du prochain Livre Blanc et certains de ses accents pourraient le laisser entendre comme tel.

D’emblée, le document établit également une hiérarchie des intérêts français. Ils sont vitaux et « indissociables de la dissuasion nucléaire » ; stratégiques (« l’accès aux ressources naturelles, le développement du potentiel économique, la maîtrise de la prolifération des armes de destruction massive, la maîtrise des flux migratoires, la maîtrise des réseaux informatiques, la maîtrise d’accès à l’espace et la cohésion sociale française et européenne ») ; et enfin de puissance (« plus particulièrement abordés sous l’angle des relations que la France entretient avec les acteurs majeurs de la sécurité internationale (Onu, UE, États-Unis, Otan) »). Moins lisibles immédiatement que les précédents, ils font l’objet de plusieurs scénarios lucides et réalistes.

Dans un second chapitre, consacré aux « menaces et risques », le lecteur pourra constater que la question des ressource naturelles et, plus loin, l’environnement sont plus particulièrement pris en considération. L’adaptation des armées rejoint ainsi les réflexions menées par les stratégistes depuis de nombreuses années déjà. Menaces asymétriques, sanitaires, technologiques, questions politiques et démographiques sont également abordées. Cette approche transverse précède une approche par régions et croisant les facteurs précités.

Face à une analyse synthétique, c’est toutefois la définition des neufs modes d’engagement, dans un troisième chapitre, qui retiendra l’attention du lecteur. Fondé sur un « socle permanent » comprenant la dissuasion, la prévention et la protection (trois des 5 thèmes des Universités d’été de la Défense), ces engagements sont :

- la participation à des conflits armés, qui comprend deux options majeures : le conflit moyen
impliquant au maximum des moyens à hauteur de ceux définis par l’Union Européenne dans son Headline Goal et le conflit majeur, qui nécessite des moyens supérieurs à la limite du Headline Goal qui, « en tout état de cause, requerrait vraisemblablement un cadre multinational plus large que celui de la seule Union européenne (sur la base du positionnement relatif actuel de l’UE et de l’OTAN). Cette situation serait la plus contraignante pour les forces armées, en particulier dans le domaine du commandement si la France doit assumer le rôle de nation-cadre ».

- la lutte contre la prolifération, au sens large (« de telles opérations auront pour ambition première de sauvegarder nos intérêts nationaux face à la menace du moment ») et suivant les logiques de prévention et de coercition (incluant, c’est une nouveauté à ce niveau, des « frappes préemptives »).

- la lutte contre le terrorisme, sur le territoire ou à l’extérieur, auquel cas les forces pourraient être engagées « préventivement ».

- la participation à la défense des intérêts économiques « de la France et de l’Union Européenne » et ce, « en défendant, ou en rétablissant, la liberté de circulation, voire l’accès aux ressources, dans les domaines terrestre, maritime et aérien. Il convient également d’assurer la liberté d’accès à l’espace ».

- la protection des ressortissants.

- le rétablissement/maintien de la paix « sous résolution des Nations unies dans un cadre d’interposition ou d’observation, ou, si la crise a déjà éclaté, dans un cadre d’imposition de la paix ».

- les missions de service public de circonstance, qu’il s’agisse de catastrophes naturelles ou technologiques, d’actions de maintien de l’ordre, de prises d’otages « massives » ou de lutte contre les pandémies.

- l’assistance civilo-militaire hors-territoire national, destinées à favoriser la consolidation de l’Etat de droit.

- le secours d’urgence hors-territoire national, qui inclut également les opérations humanitaires en plus des missions de secours en cas de catastrophes naturelles et technologiques.

In fine, si la lecture du document montre une réelle prise en compte des réalités européennes dans le discours stratégique français, il montre également un durcissement des positions de Paris à l’égard des questions considérées comme en têtes des agendas stratégiques contemporains : les luttes contre les armes de destruction massive et le terrorisme. Si, à cet égard, certains ne manqueront pas d’invoquer une certaine « américanisation » de la posture française – en particulier dans son rapport aux frappes préemptives – force est néanmoins de constater que l’ensemble est développé dans le cadre, cohérent et défensif, du triptyque « dissuasion – prévention – protection ».

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