vendredi 18 septembre 2009

ABM : fin de partie pour les GBI en Europe

Et voilà, la décision est rendue : Obama a annulé le déploiement de missiles GBI (Ground Based Interceptor) en Pologne, officiellement sur base de considérations stratégiques (l'incapacité iranienne à développer des ICBM). L'occasion pour moi de faire un petit passage sur Radio Orient (je pense qu'ils repassent l'interview vers 18h) entre deux articles.

Fondamentalement, à quoi s'en tenir ? Si le geste américain sera apprécié en Russie, ses raisons profondes sont bien plus complexes :

- Techniquement, les GBI n'étaient pas au point (une question sur laquelle G-H. Bricet des Vallons est revenu à plusieurs reprises dans DSI-Technologies - je ne détaille donc pas) ;

- Financièrement, les GBI et leurs infrastructures n'étaient certes pas un gouffre financier mais imposaient de divertir des budgets alors qu'une série d'investissements ne sont pas encore totalement stabilisés (JSF, LCS, FCS, etc.) et nombre de militaires (comme d'industriels) lorgnaient vers l'opportunité ;

- Fondamentalement, la menace iranienne est plus subtile que le déploiement d'ICBM dont elle ne disposera pas... avant pas mal de temps. Le futur déploiement nucléaire iranien est dit "du seuil" : disposer de l'ensemble des composants mais... "en pièces détachées". Soit prêts à être assemblés rapidement en cas de besoin. D'une pierre deux coups : Téhéran évite ainsi des sanctions internationales tout en s'assurant d'une dissuasion effective. A cet égard, le bouclier ABM reste une demi-mesure. A noter également que, dans leur analyses de la menace, les Américains étaient loin d'être unanimes : pour qui suit le débat stratégique outre-Atlantique, il est bien plus complexe que ce que laissent percevoir la perception que nous en avons en Europe. Paradoxalement, des "faucons" pouvaient être opposés au déploiement européen ;

- Surtout, le programme ABM US est loin de se limiter aux GBI et à leurs radars : ABL, SM-3, investissements dans l'Arrow israélien ou encore THAAD (sans compter l'arrivée des SBIRS de détection avancée) sont poursuivis (le cas de l'ABL étant toutefois particulier - là aussi, se référer à DSI-T permet d'en savoir plus). Il y a là une dynamique technologique qui reste inaltérée ;

- les conséquences sur les relations avec la Russie ont certes été évoquées mais d'autres conséquences ne manqueront pas de se faire sentir, cette fois au niveau français. Depuis 2008, l'inflexion vers le développement de segments de capacités ABM (entendons : autres qu'ATBM) était perceptible dans l'industrie (cf. le hors-série qui avait été consacré à la défense sol-air). Comment l'industrie va-t-elle réagir ?

- sur la dissuasion : comme le montre extrêmement brillament JP Baulon dans son dernier ouvrage, l'intérêt US pour les ABM est cyclique et correspond alors à des périodes de remise en question de la dissuasion "classique". Les décisions d'Obama confirment cette dynamique stratégique américaine... mais posent aussi la question de la date du "retour" des ABM stratégiques...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le bouclier ABM n'est pas remis en cause et d'ailleurs Obama n'est pas le seul décideur (le Congres a son mot à dire).
"l'intérêt US pour les ABM est cyclique et correspond alors à des périodes de remise en question de la dissuasion "classique". "
Plus exactement ces cycles (on est au troisième) sont dus aux opportunités offertes par la technologie, aux volontés stratégiques Américaines (par exemple sur la capacité d'action préemptive et la capacité de sanctuarisation alors nécessaire du territoire américain sur certains objectifs), puis à la réaction des adversaires et l'évaluation des conséquences.
Exemple de l'ABM Spartan/Sprint puis la réaction soviétique conduisant à une instabilité dangereuse, puis la marche arrière des Américains.