mercredi 12 novembre 2008

Si, si, il y a bien une dissuasion tactique !

Olivier, à la lecture du dernier DSI, pose la question de la dissuasion tactique (en regard de l'utilisation des sous-marins) : cette terminologie est-elle bien raisonnable ? L'occasion d'un petit débat "comme on les aime" ;o)

Sur la terminologie, je persiste, en particulier dans le contexte de la stratégie navale. La "fixation", très terrienne, s'accomode mal de la logique du milieu marin, isotrope et "plat", sans guère d'ancrages topographique.

Plus largement, la relecture des travaux des années 1980 sur les conceptions de dissuasion conventionnelle (Ikenberry et consort), montre que le terme irrigue largement le niveau de la pensée stratégique - mais pas nécessairement celui de la doctrine (outre, bien évidemment, la question de la dissuasion nucléaire).

Pour le reste, en Retex terrestre, on observe ce terme assez fréquemment (je pense à l'utilisation des chars à Mitrovica, face à des foules qu'il est difficile de fixer). En fait et à mon sens, fixation et dissuasion renvoient à des formes d'action différentes, en d'autres termes, elles sont différenciées. Je m'explique : là où la fixation est tactique, elle draine avec elle une connotation... statique. Il s'agit de bloquer les mouvements d'un adversaire.

Par contre, la dissuasion, prise au sens large (y compris et au-delà la dissuasion nucléaire), offre en son sein des espaces de manoeuvre. Elle est dynamique. Les Fleets in being de la 1ere GM ne sont pas ainsi et seulement des flottes "fixées" : elles peuvent se permettre des sorties (Dogger Bank, Heligoland et bien sûr Jutland). Dans le domaine naval, plusieurs stratégistes dont Castex ont bien mis en évidence cette aptitude à la manoeuvre dans le cadre d'un équilibrage de rapports de forces crédibles et crédibilisées.

Reste, toujours pour répondre à Olivier, la question de la canalisation : les obstacles feux et/ou manoeuvres cités dans la définition de la canalisation sont problématiques non seulement en milieu marin mais aussi et plus largement par le fait qu'un sous-marin s'appuie... sur sa discrétion. La dissuasion implique peu fréquemment le feu (sauf premier tir) mais joue, par contre et pour le sous-marin, sur la catégorie de l'ambiguité et de l'incertitude : Là ? pas là ? Vraiment là ? Si oui, vraiment décidé à engager ?

Dans un tel cadre, fixation et canalisation sont claires : les intentions comme les capacités du "fixateur" sont affichées. Dans le domaine naval et sous-marin en particulier, c'est autre chose. Même au plan terrestre, dans le cadre d'une manoeuvre de crise, je pense que ce facteur de dissuasion tactique joue également : c'est l'exemple d'une force déployée dans un pays A, afin de peser sur les mouvements d'un pays B à l'égard, par exemple, d'un pays C.

Les forces de B ne sont pas fondamentalement fixées mais leur engagement chez C, au niveau opérationnel par exemple (opérationnel et opératif, autre question, sont utilisés indistinctement dans nombre de très bonnes publications), sera l'objet de moultes réflexions. A ce stade, il ne s'agit plus uniquement de jouer sur les capacités adverses (fixation et canalisation) mais aussi sur les intentions - tactiques comme politiques à l'égard d'une situation tactique* - adverses. Je persiste, donc ;o)

* : passablement contortionnée, cette phrase montre toute la problématique contemporaine des niveaux d'engagement : de plus en plus, le niveau politique gère/s'implique dans des situations tactiques.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le déployement d'AWACS US en Arabie Saoudite durant la guerre Iran Irak peut elle considérer comme une forme de dissuasion face à l'aviation Iranienne qui limité ses intrusions au dessus du golfe persique ?