mardi 24 juillet 2007

La Belgique, premier non-Etat (2)

Mr. Nick m'envoie un mail concernant le post sur la théorie du non-Etat, que je me permet de reproduire ici :

"Le principe est que passé un certain stade de dislocation de l'Etat, la rationalité animant ses (ou une partie de ses) composantes vise la mise en place de statuts qui leur sont propres, l'Etat lui-même devenant l'espace de dérèglement des rapports qu'entretiennent les communautés, dérèglement débouchant inévitablement sur un affrontement visant l'optimisation des différents statuts".

Et de m'expédier un article trouvé par Mr. Yann :

Scission BHV = Elargissement, dit le MR
Martin Buxant Mis en ligne le 20/07/2007 - - - - - - -

- - - - Les élus MR de la périphérie refusent toute scission de l'arrondissement de BHV. Le CDH est sur la même ligne. Si scission il y avait, elle doit être compensée par l'élargissement de Bruxelles aux six communes à facilités. Impensable, hurle le CD & V. Voilà de quoi faire monter la température à Val Duchesse. Dans le bras de fer communautaire engagé dans le cadre des négociations gouvernementales, les représentants MR de la périphérie bruxelloise ont placé, jeudi, une contre-attaque cinglante. Aux partis flamands qui exigent la scission de l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde, les élus libéraux ont opposé un élargissement des limites territoriales de la Région bruxelloise. "Nous refusons la scission de BHV. La seule réponse possible à la scission est l'élargissement de la Région bruxelloise aux six communes à facilités, martèle Damien Thiéry, bourgmestre FDF de Linkebeek. Sinon, on ne touche à rien". La contre-attaque bleue a été menée avec l'assentiment du patron Didier Reynders qui a reçu, il y a plus d'une semaine déjà, copie des exigences assénées jeudi depuis la maison communale de Linkebeek. "On sait bien que Didier Reynders va devoir mettre de l'eau dans son vin quand il négociera la formation du gouvernement, relève un mandataire de la périphérie. Mais Olivier Maingain est là pour s'assurer qu'il n'en mette pas trop..." Quelque 150 000 francophones votent dans la périphérie bruxelloise, "et 50 000 d'entre eux, environ, votent pour le MR : ce serait dommage de s'en priver", relève un observateur libéral. Rappel, l'autre partenaire francophone de la future coalition orange bleue, le CDH, exige lui aussi un élargissement de Bruxelles aux communes à facilités (Linkebeek, Wezembeek, Rhode-Saint-Genèse, Wemmel, Crainhem et Drogenbos) en cas de scission de BHV. "Indiscutable !" Interrogé jeudi, le porte-parole du CD & V, Peter Poulussen, a balayé d'un trait un éventuel élargissement de la Région bruxelloise : "Nous n'en discuterons même jamais ! Les frontières de la Région bruxelloise sont intouchables". Voilà qui laisse peu de marge au formateur Yves Leterme... D'ailleurs, "c'est à Yves Leterme de trouver une astuce pour s'en sortir, réagit Christian Van Eycken, élu FDF au Parlement flamand. Il s'est mis le couteau sous la gorge tout seul en faisant de la scission de BHV la première de ses priorités". Là, sur la méthode, les libéraux préconisent l'organisation d' "une consultation populaire contraignante", qui permettrait aux habitants des six communes d'opter pour un rattachement à Bruxelles. "Un genre de référendum ?, note Peter Paulussen. Pour le CD & V, c'est non : nous n'y sommes absolument pas favorables", tranche le porte-parole du parti de M. Leterme. "Erosion francophone" Reste la piste mise en place dans les Fourons, celle via laquelle les électeurs francophones pourraient s'inscrire à Bruxelles pour y voter, après la scission de l'arrondissement électoral. "C'est un mécanisme que nous rejetons, indique Christian Van Eycken, car il signifierait une érosion du vote francophone dans les communes à facilités". Et puis, poursuit le mandataire de Tervueren, "c'est l'acceptation à terme d'une nouvelle frontière d'Etat à partir de l'arrondissement". Jeudi, via le "Morgen", plusieurs élus CD & V - dont Eric Van Rompuy - ont fait savoir au formateur Yves Leterme qu' "une scission de l'arrondissement de BHV sans compensation pour les francophones était un minimum absolu" dans le cadre de la formation du gouvernement fédéral. "Nous sommes inquiets des attaques flamandes contre les francophones de la périphérie, embraye Arnold d'Oreye de Lantremange, bourgmestre de Crainhem. On nous serine que nous devons nous en tenir à la loyauté au Fédéral. Mais qu'est ce que c'est ? se fâche-t-il. Est-ce demander une procédure urgente pour faire passer la scission de l'arrondissement à la Chambre (comme l'on fait tous les partis flamands la semaine dernière, NdlR) ? Si c'est cela, il n'y a plus de Belgique, c'est ingérable". "C'est maintenant ou jamais !, assène François van Hoobrouck, le bourgmestre de Wezembeek-Oppem. Et que l'on ne vienne pas nous donner comme contrepartie de la scission de BHV, la nomination des quatre bourgmestres qui reste encore suspendue (par le gouvernement flamand, NdlR). Nous n'accepterons jamais cela". Assis à sa gauche, Christian Van Eyken compare les séparatistes de la N-VA au Vlaams Belang. Et Arnold d'Oreye de conclure : "On nous demande de nous comporter comme des Flamands de Flandre et de parler français à la maison. Maintenant, en plus, on nous demande de fermer nos fenêtres quand on parle français".

J'y rajouterai un questionnement : dans une approche suivant les lignes du non-Etat, la confrontation ne devient-elle pas le seul îlot de politique en tant que refus du technocratisme ? Et encore cette confrontation est-elle techniquement réglée par l'omniprésence de règles précédemment édictées. La dislocation comme dernière expression de la politique... Regis ultima ratio ?

6 commentaires:

Anonyme a dit…

J'avais lu un jour dans un bouquin de Hobshawn (je lis parfois des marxistes) une intéressante description du déclin de l'Empire ottoman comme étant un processus de 'désintégration organisée', le terme peut tout à fait être appliqué à la Belgique. Je ne suis pas sûr que le maintien de notre petit Royaume à tout prix soit nécessairement une bonne chose pour la population du sud du pays, même si elle ne s'en rend pas toujours bien compte. L'exemple du rebond de la Slovaquie après la scission tchécolovaque est intéressant à cet égard. Pas toujours utile de faire de l'acharnement thérapeutique sur une bête malade, la politique du coup de bêche dans la nuque a parfois du bon...

Anonyme a dit…

Je ne sais pas si on peut parler de désintégration "organisée" (je pencherais plutôt pour désintégration inéluctable), mais il semble en effet de plus en plus évident que l'énergie consacrée au maintien en vie de la bête malade pourrait être bien plus utilement utilisée. Reste à faire en sorte que la dislocation finale du Royaume se fasse dans de bonnes conditions pour l'avenir de la (ou des?) future entité francophone.

Anonyme a dit…

Pour rebondire sur les questions posées par Mister Jos, il est bien évident et c'est en partie le problème, que le jeu politique est presqu'entièrement absorbé par la confrontation entre les composantes de l'Etat (les communautés linguistiques) et que l'établissement et la mise en oeuvre d'un programme politique classique deviennent de plus en plus secondaires. Les règles précédemment fixées continuent d'encadrer la confrontation (cf. majorités parlementaires nécessaires aux adoptions, aux révisions,...), mais pour combien de temps encore? Sans doute juste le temps de constater qu'elles ne sont plus adaptées à la situation et qu'elles mènent au blocage de la structure qui en est à l'origine (notre charmant petit pays).
De là à dire que cette confrontation est une réaction au "technocratisme", je ne le pense pas, si tant est que la technocratie ait un jour supplanté le jeu politique en Belgique, ce qui reste à prouver.

Athéna et moi... a dit…

DE fait, une "réaction", je ne pense pas.

Mais il me semble assez net qu'hors affaires "communautaires", le reste n'est qu'une gestion courante, manquant de ce que les Américains qualifieraient de "Vision" et qui, plus simplement, n'est que l'expression d'une politique sublimée. Tiens, Nick, regarde un peu ces "débats" sur nos télés le dimanche : les politiques te débitent, en pleine "démocratie compationnelle" (parce que telle ou telle "crise", vient de se produire) une liste d'amendements, d'arrêtes royaux et autres textes de loi.

C'est là où nous fonçons droit sur une technocratie qui élude toute Vision. Certes, le droit est la mise en oeuvre de la politique... mais encore faut-il qu'elle existe préalablement ! Or, par définition, un système à la proportionnelle favorise des programmes gouvernementaux à géométrie variable.

On en revient à la même conclusion : le système se programme pour favoriser les conditions de sa dissolution (ça pourrait être du Pinhas, ça ;o)

Sur le coup de bêche, je ne sais pas si Le Compas n'y va pas trop fort. Tchèques et Slovaques reconnaissaient leurs desideratas et leurs difficultés, faisaient preuve d'une adaptation institutionnelle souple, rapide et ingénieuse... Autant d'éléments qui manquent à la partie francophone du pays.

Anonyme a dit…

Tout à fait d'accord avec toi ma poulette sur le fait que le débat politique belge manque clairement de "vision", mais de là à dire que les responsables politiques sont supplantés par les techniciens et les fonctionnaires dans le cadre du processus de décision, je n'en suis pas sûr. Je pense plutôt que ce sont les responsables politiques qui déterminent le travail technique en fonction de leur visibilité médiatique.
La proportionnelle ne facilite pas la clareté du débat et des alliances, c'est certain, mais dans le contexte belge, un scrutin majoritaire ne faciliterait pas nécessairement les négociations communautaires.
Enfin, j'ai toujours eu un faible pour les yannesqueries style "coup de bêche".

Athéna et moi... a dit…

Que nenni ma poule, point de techniciens qui prendraient le pas, mais bien un niveau politique qui se technicise. Le fait que les cabinets ministériels (oups, pardon, les cellules stratégiques... bon Dieu, ils seraient incapable de définir ce qu'est la stratégie !) refassent le travail des fonctionnaires plutôt que cogiter, en ce sens, semble assez bien en rendre compte.

Jette aussi un oeil sur le paysage socio-professionnel politique : avec une telle masse de juriste en comparaison d'autres origines socio-pro, on ne peut guère espérer grand-chose en terme de vision politique. Le droit est conservateur (aaahhh... ma 1ere candi !). De même, l'empilement des pouvoirs diminue cordialement la liberté de manoeuvre des inistres en poste.

Se reproduisant comme des lapins dans un clapier institutionnel qui n'a cessé de changer de configuration, ils sont coincés, la patte du collègue d'à côté se trouvant en plein dans ce qui est à la fois leur espace vital et leur domaine d'action.

Autre exemple de technocratie, la "managérialisation" de nos ministères (pardon, Services Public Fédéraux) qui font d'eux des "fournisseurs de services" à des ciotyens (pardon, des "clients" sur la dernière pub que j'ai vue). Autant d'élément nous éloignant d'une rationalité étatique.

Ah, ça, les yannisqueries, c'est quelque chose. Remarque, je revendi haut et fort le verbe "tchétchéniser" ;o)