Ceux qui n'éait plus passés par ici depuis deux ans l'auront remarqué, ce blog n'est plus guère tenu à jour. La raison en incombe à une charge de travail importante - passablement accrue depuis sa naissance en jun 2007 - mais aussi à un recentrage de mes activités. Aussi, sans doute est-il temps de tourner la page définitivement.
Cependant, Athéna aura rempli sa fonction à merveille : avant sa naissance, il n'existait pas vraiment de blog de défense en France, juste une plateforme d'agrégation de news comme Theatrum Belli. En fait, l'exemple est venu de Suisse, avec le blog du LCL Monnerat.
Depuis lors, les blogs (de chercheurs, de militaires, de journalistes ou de simples citoyens) se sont largement multipliés et tant mieux ; un des buts du jeu était de nourrir la dynamique en matière de réflexion stratégique et de la rendre accessible.
Pour autant, je ne cesse évidemment pas d'écrire. Les 99% de ce que j'ai écrit durant ces quatre dernières années l'ont été dans des revues ou des ouvrages. Aussi, je vous invite vivement à jeter un oeil sur www.dsi-presse.com où je tâche, de temps à autre, de mettre un grain de sel dans le débat.
Rendez-vous là-bas, donc !
jeudi 17 novembre 2011
lundi 11 juillet 2011
AB(N)L ?
J'étais passé outre, pression du temps faisant, mais Davdberg posait cette questiondans un commentaire :
"pas de commentaires sur l'idée d'une armée Benelux (N-VA, prof Luc De Vos et Manu Jacob)"
Et bien mon commentaire sera court :
- premièrement, ça ne peux pas politiquement passer : tout cela s'intègre dans une vision des "Lage Landen" qui fera bouillir autant les Luxembourgeois que les Francophones belges ;
- deuxièmement, militairement, deux hommes malades n'ont jamais fait un homme en bonne santé...
In fine, je suis donc sceptique...
"pas de commentaires sur l'idée d'une armée Benelux (N-VA, prof Luc De Vos et Manu Jacob)"
Et bien mon commentaire sera court :
- premièrement, ça ne peux pas politiquement passer : tout cela s'intègre dans une vision des "Lage Landen" qui fera bouillir autant les Luxembourgeois que les Francophones belges ;
- deuxièmement, militairement, deux hommes malades n'ont jamais fait un homme en bonne santé...
In fine, je suis donc sceptique...
Intervention en Libye : mon point de vue
Cette interview a été publiée dans "Le Soir", le 31 mai 2011.
Libye Les opérations militaires couvertes par les Nations unies seraient achevées
Vers une autre guerre, « absolue »
ENTRETIEN
Bien que la résolution 1973 des Nations unies autorise une intervention militaire en Libye pour protéger les civils et non pour obtenir un renversement du régime en place, le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen a réclamé ce lundi rien moins que le départ du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi : « Le règne de la terreur de Kadhafi touche à sa fin. Il est de plus en plus isolé chez lui et à l'étranger (…). Il est temps pour Kadhafi de s'en aller. » Ces propos situent clairement la campagne libyenne dans un cadre qui, en Belgique en tout cas, n'a pas été approuvé par le Parlement national. L'analyse de l'expert militaire Joseph Henrotin.
Lorsque le Premier britannique Cameron dit qu'on « entre dans une nouvelle phase », lorsque le président français Sarkozy plaide pour une « intensification » des opérations, on est en train de changer de guerre, non ?
Pour moi, les opérations de la résolution 1973 sont terminées depuis plusieurs jours déjà : la population civile est protégée, à l'exception de quelques zones.
Protéger la population – une opération militaire à but limité – était une bonne idée : on ne s'engageait pas dans un conflit à objectif absolu, ce qui aurait été une erreur. Or cette erreur-là, nous sommes en train de la commettre depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Si on continue aujourd'hui, de facto, à protéger la population en mettant Kadhafi sous pression, on n'en change pas moins fondamentalement d'objectif.
Il a été dit vendredi au QG de l'Otan que la mission était taillée pour trois mois et que, dans la dernière moitié de juin, il faudrait réévaluer l'opération. Puisque les objectifs de la résolution 1973 sont déjà atteints, est-ce qu'une évaluation fin juin n'est pas trop tardive ?
Si nous avons un objectif absolu comme « dégager Kadhafi » (un objectif qui a été affirmé très tôt mais qui n'a pas été officialisé), trois mois représentent les « cent jours », cette espèce de barrière enseignée dans les académies militaires et qui permet de savoir si une opération est efficace ou non. Néanmoins, moi je pense qu'à partir du moment où un objectif n'est pas clairement fixé, on ne peut pas l'atteindre et on ne peut être efficace. Car on ne se donne pas les moyens d'être efficaces.
Admettons que le politique se décide à être clair, et se dise : « OK, on fait tomber Kadhafi », qu'est-ce que cela signifie militairement ? Des troupes au sol ?
Non, pas nécessairement. Ce qu'il faut c'est davantage d'encadrement des insurgés, qui sont des sous-doués militaires.
Il a toujours été dit qu'il n'y aurait pas d'hommes au sol, et le militaire ne l'a jamais conseillé, que ce soit à Paris ou à Bruxelles. Le seul problème est que la capacité des insurgés à prendre le pouvoir à Tripoli a toujours été surestimée par le niveau politique, pas par les militaires. C'est une des grandes leçons de cette guerre : à être trop poli vis-à-vis du politique, le militaire finit par se laisser embobiner dans des opérations sur lesquelles il a lui-même des doutes.
Ce qu'il faut, c'est davantage de sorties d'avions. Et là le politique est un peu pris à son propre piège : il a accru la pression sur les armées en termes d'engagements extérieurs, mais dans le même temps les moyens nécessaires n'ont jamais été donnés aux armées. Donc maintenant, plusieurs forces aériennes engagées sur le théâtre raclent les fonds de tiroir pour obtenir un avion en plus, pour faire en sorte que la moyenne hebdomadaire des sorties s'accroisse, etc.
Je ne comprends pas : si le nouvel objectif est d'atteindre Kadhafi, pourquoi multiplier les sorties d'avion ? Ce n'est pas avec des avions à 33.000 pieds qu'on va avoir Kadhafi, lequel se cache à Tripoli dans les hôpitaux civils.
Si. Le seul problème est de le localiser précisément, avec du renseignement. Or pour ce renseignement, nous devons compter sur les Américains. Beaucoup de gens disent que des agents de renseignement soit français, soit britanniques, soit italiens sont déjà sur place, ce qui ne m'étonnerait pas outre mesure.
Mais une nouvelle fois, il faut savoir ce qu'on veut faire : est-ce que l'objectif est de dégager Kadhafi ? Ou est-ce qu'on reste dans cette ambiguïté du discours ? C'est un jeu extrêmement dangereux : le jour où on perdra un pilote, l'opinion publique – essentiellement les médias – s'interrogera sur la raison de savoir pourquoi on l'a perdu.
A l'école de guerre à Paris, j'ouvre et ferme mon cours par cela : si vous n'avez pas d'objectif, vous n'êtes pas prêt à l'atteindre…
Donc, première leçon : il faudrait reconnaître publiquement que l'objectif 1973 a déjà été atteint…
Oui. Clairement oui.
Libye Les opérations militaires couvertes par les Nations unies seraient achevées
Vers une autre guerre, « absolue »
ENTRETIEN
Bien que la résolution 1973 des Nations unies autorise une intervention militaire en Libye pour protéger les civils et non pour obtenir un renversement du régime en place, le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen a réclamé ce lundi rien moins que le départ du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi : « Le règne de la terreur de Kadhafi touche à sa fin. Il est de plus en plus isolé chez lui et à l'étranger (…). Il est temps pour Kadhafi de s'en aller. » Ces propos situent clairement la campagne libyenne dans un cadre qui, en Belgique en tout cas, n'a pas été approuvé par le Parlement national. L'analyse de l'expert militaire Joseph Henrotin.
Lorsque le Premier britannique Cameron dit qu'on « entre dans une nouvelle phase », lorsque le président français Sarkozy plaide pour une « intensification » des opérations, on est en train de changer de guerre, non ?
Pour moi, les opérations de la résolution 1973 sont terminées depuis plusieurs jours déjà : la population civile est protégée, à l'exception de quelques zones.
Protéger la population – une opération militaire à but limité – était une bonne idée : on ne s'engageait pas dans un conflit à objectif absolu, ce qui aurait été une erreur. Or cette erreur-là, nous sommes en train de la commettre depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Si on continue aujourd'hui, de facto, à protéger la population en mettant Kadhafi sous pression, on n'en change pas moins fondamentalement d'objectif.
Il a été dit vendredi au QG de l'Otan que la mission était taillée pour trois mois et que, dans la dernière moitié de juin, il faudrait réévaluer l'opération. Puisque les objectifs de la résolution 1973 sont déjà atteints, est-ce qu'une évaluation fin juin n'est pas trop tardive ?
Si nous avons un objectif absolu comme « dégager Kadhafi » (un objectif qui a été affirmé très tôt mais qui n'a pas été officialisé), trois mois représentent les « cent jours », cette espèce de barrière enseignée dans les académies militaires et qui permet de savoir si une opération est efficace ou non. Néanmoins, moi je pense qu'à partir du moment où un objectif n'est pas clairement fixé, on ne peut pas l'atteindre et on ne peut être efficace. Car on ne se donne pas les moyens d'être efficaces.
Admettons que le politique se décide à être clair, et se dise : « OK, on fait tomber Kadhafi », qu'est-ce que cela signifie militairement ? Des troupes au sol ?
Non, pas nécessairement. Ce qu'il faut c'est davantage d'encadrement des insurgés, qui sont des sous-doués militaires.
Il a toujours été dit qu'il n'y aurait pas d'hommes au sol, et le militaire ne l'a jamais conseillé, que ce soit à Paris ou à Bruxelles. Le seul problème est que la capacité des insurgés à prendre le pouvoir à Tripoli a toujours été surestimée par le niveau politique, pas par les militaires. C'est une des grandes leçons de cette guerre : à être trop poli vis-à-vis du politique, le militaire finit par se laisser embobiner dans des opérations sur lesquelles il a lui-même des doutes.
Ce qu'il faut, c'est davantage de sorties d'avions. Et là le politique est un peu pris à son propre piège : il a accru la pression sur les armées en termes d'engagements extérieurs, mais dans le même temps les moyens nécessaires n'ont jamais été donnés aux armées. Donc maintenant, plusieurs forces aériennes engagées sur le théâtre raclent les fonds de tiroir pour obtenir un avion en plus, pour faire en sorte que la moyenne hebdomadaire des sorties s'accroisse, etc.
Je ne comprends pas : si le nouvel objectif est d'atteindre Kadhafi, pourquoi multiplier les sorties d'avion ? Ce n'est pas avec des avions à 33.000 pieds qu'on va avoir Kadhafi, lequel se cache à Tripoli dans les hôpitaux civils.
Si. Le seul problème est de le localiser précisément, avec du renseignement. Or pour ce renseignement, nous devons compter sur les Américains. Beaucoup de gens disent que des agents de renseignement soit français, soit britanniques, soit italiens sont déjà sur place, ce qui ne m'étonnerait pas outre mesure.
Mais une nouvelle fois, il faut savoir ce qu'on veut faire : est-ce que l'objectif est de dégager Kadhafi ? Ou est-ce qu'on reste dans cette ambiguïté du discours ? C'est un jeu extrêmement dangereux : le jour où on perdra un pilote, l'opinion publique – essentiellement les médias – s'interrogera sur la raison de savoir pourquoi on l'a perdu.
A l'école de guerre à Paris, j'ouvre et ferme mon cours par cela : si vous n'avez pas d'objectif, vous n'êtes pas prêt à l'atteindre…
Donc, première leçon : il faudrait reconnaître publiquement que l'objectif 1973 a déjà été atteint…
Oui. Clairement oui.
samedi 26 mars 2011
Libye : alors, ça vient ???!!!!
Bon, allez, Athena et moi reprend un peu de service, juste pour vous livrer deux-trois impressions. Bon, pour le suivi du conflit, vous pourrez compter sur DSI (sur le site duquel j'ai posté un certain nombre de liens vers des interviews effectuées durant la semaine).
Quelques réflexions tout de même sur une problématique émergente et qui touche à l'emploi des forces aériennes - domaine qui, ceux qui me connaissent le savent - me tient à coeur (un nouvel Histoire & Stratégie sur la question est d'ailleurs en route mais je n'en dit pas plus).
En fait, à suivre ce que l'on peut entendre, les opérations en Libye n'avanceraient pas, il n'y a pas de solution politique, la puissance aérienne ne fonctionne pas sans appui terrestre. Ce sont des points de vue relativement communs mais il convient de les relativiser sérieusement.
1) Il y a des forces terrestres, ce sont les insurgés. Le plan qui semblait se dessiner, c'était de les laisser progresser sous couvert de l'appui aérien (coumpounded warfare). Là dessus, ajoutons que les frappes avancent plutôt bien. Seulement, on ne peut guère frapper qu'un véhicule à la fois : pour résumer, ça prend nécessairement du temps et évoquer comme on l'entend la théorie de l'enlisement, c'est faire preuve d'une bien mauvaise connaissance de l'histoire militaire...
2) Sur la cinématique générale des opérations : nous sommes en train de quitter la rationalité de conflit limité (soutien - victoire des insurgés - dégagement de la zone) qui demandait peu et rapportait beaucoup pour entrer dans une vision plus intégrale des choses - qui demande beaucoup et rapporte peu.
3) Le problème n'est pas la stratégie aérienne. Bien employée, elle fonctionne, particulièrement avec les instruments dont nous disposons. N'enterrons donc pas trop vite les stratèges de l'air sans avoir lu ce qu'ils ont écrit.
4) Mais comme toute autre forme de stratégie, elle nécessite du zweck et du ziel. Or, nous avons des objectifs dans la guerre ; mais pas véritablement d'objectif de la guerre. Ou, plutôt, nous avons voulu trop le raffiner pour le faire coller à des rhétoriques politiques... Pratiquement, la 1973 fixe un cadre clair, qui autorise
5) La guerre libyenne n'est pas notre guerre, c'est celle des Libyens. Si nous leur apportons une aide indirecte en éliminant l'armée de Khadafi, pourquoi pas ? Mais engager des troupes au sol ou un processus de reconstruction, c'est s'engager dans des rationalités très éloignées de la guere limitée... et favoriser l'enlisement que l'on craint.
Quelques réflexions tout de même sur une problématique émergente et qui touche à l'emploi des forces aériennes - domaine qui, ceux qui me connaissent le savent - me tient à coeur (un nouvel Histoire & Stratégie sur la question est d'ailleurs en route mais je n'en dit pas plus).
En fait, à suivre ce que l'on peut entendre, les opérations en Libye n'avanceraient pas, il n'y a pas de solution politique, la puissance aérienne ne fonctionne pas sans appui terrestre. Ce sont des points de vue relativement communs mais il convient de les relativiser sérieusement.
1) Il y a des forces terrestres, ce sont les insurgés. Le plan qui semblait se dessiner, c'était de les laisser progresser sous couvert de l'appui aérien (coumpounded warfare). Là dessus, ajoutons que les frappes avancent plutôt bien. Seulement, on ne peut guère frapper qu'un véhicule à la fois : pour résumer, ça prend nécessairement du temps et évoquer comme on l'entend la théorie de l'enlisement, c'est faire preuve d'une bien mauvaise connaissance de l'histoire militaire...
2) Sur la cinématique générale des opérations : nous sommes en train de quitter la rationalité de conflit limité (soutien - victoire des insurgés - dégagement de la zone) qui demandait peu et rapportait beaucoup pour entrer dans une vision plus intégrale des choses - qui demande beaucoup et rapporte peu.
3) Le problème n'est pas la stratégie aérienne. Bien employée, elle fonctionne, particulièrement avec les instruments dont nous disposons. N'enterrons donc pas trop vite les stratèges de l'air sans avoir lu ce qu'ils ont écrit.
4) Mais comme toute autre forme de stratégie, elle nécessite du zweck et du ziel. Or, nous avons des objectifs dans la guerre ; mais pas véritablement d'objectif de la guerre. Ou, plutôt, nous avons voulu trop le raffiner pour le faire coller à des rhétoriques politiques... Pratiquement, la 1973 fixe un cadre clair, qui autorise
5) La guerre libyenne n'est pas notre guerre, c'est celle des Libyens. Si nous leur apportons une aide indirecte en éliminant l'armée de Khadafi, pourquoi pas ? Mais engager des troupes au sol ou un processus de reconstruction, c'est s'engager dans des rationalités très éloignées de la guere limitée... et favoriser l'enlisement que l'on craint.
mercredi 17 novembre 2010
L'arc et la croix
Juste une réflexion en passant : "l'arc des crises" est un lieu commun, qui part grosso modo du Maghreb pour atterrir quelque part en Asie centrale. Je crois que l'expression est inappropriée, ou plus exactement incomplète.
Il en existe un autre, qui part du Caucase, qui recoupe le premier au niveau du Moyen Orient, qui se poursuit dans la péninsule arabique et qui se termine quelque part du côté du Kénya. Une "croix des crises", en somme...
Il en existe un autre, qui part du Caucase, qui recoupe le premier au niveau du Moyen Orient, qui se poursuit dans la péninsule arabique et qui se termine quelque part du côté du Kénya. Une "croix des crises", en somme...
mardi 16 novembre 2010
Vanité, quand tu nous tiens
Allez, un peu de vanité ne peut pas faire de tort (mais juste un peu, alors) : Olivier m'a fait une petite critique de lecture de La résilience dans l'antiterrorisme, , ce qui, je l'avoue, me fait plaisir.
Au-delà du contentement de l'auteur (soyons honnête), il y a aussi le fait que l'ouvrage, qui était destiné à faire débat en une matière tout de même bien peu explorée malgré la centralité qu'il a gagné dans le dernier LBDSN, a suscité assez peu de réactions. Certes, quelques académiques m'ont indiqué avoir apprécié, voire bien aimé. Mais, par ailleurs, j'ai eu assez peu de retours... Etonnant.
Faut-il y voir une certaine gêne à l'égard d'un concept qui a "fait le buzz" mais sans guère avoir été défriché préalablement (les articles portant dessus se comptent sur les doigts d'une main, en France, ces cinq dernières années) ?
Au-delà du contentement de l'auteur (soyons honnête), il y a aussi le fait que l'ouvrage, qui était destiné à faire débat en une matière tout de même bien peu explorée malgré la centralité qu'il a gagné dans le dernier LBDSN, a suscité assez peu de réactions. Certes, quelques académiques m'ont indiqué avoir apprécié, voire bien aimé. Mais, par ailleurs, j'ai eu assez peu de retours... Etonnant.
Faut-il y voir une certaine gêne à l'égard d'un concept qui a "fait le buzz" mais sans guère avoir été défriché préalablement (les articles portant dessus se comptent sur les doigts d'une main, en France, ces cinq dernières années) ?
jeudi 4 novembre 2010
Le CEMA belge a remis sa démission
Et le ministre l'a refusé. D'où, apparement, les étonnantes déclarations qu'il a ensuite tenu en conférence de presse.
dimanche 31 octobre 2010
Belgique : les étonnantes déclarations du général Delcour
Suite de l'affaire Gennart : le Conseil d'Etat a cassé la décision de muter le colonel. Vous trouverez tout ça dans la presse belge. Cependant, prenant position, le CEMA belge a lancé un (très gros) pavé juridico-politico-éthique. Pour lui, il est deveniu difficile pour l'armée belge de prendre des mesures d'ordre et disciplinaires dans le cadre légal actuel. Aussi, "Notre déontologie militaire et nos normes d'ordre et de discipline semblent devenues incompatibles avec les lois, ou avec les conventions signées par la Belgique".
L'obéissance à l'autorité politique est, avec le respect du droit, la fondation première de nos armées européennes. C'est vrai en opération mais aussi en temps de paix. Mais que fait on si une armée est sciamment - mais discrètement - démantellée, à l'insu même du politique (qui, pour l'essentiel et en Belgique, s'en fiche) ? N'a-t-on pas le droit de refuser un ordre (soit, pour le colonel Gennart, la boucler) illégal ou a tout le moins politiquement problématique ? Le militaire n'est-il pas le serviteur de l'Etat avant même d'être l'opérateur des règlements disciplinaires ?
Dans le même temps, qu'un CEMA voit en des normes légales internationales et nationales un problème, personnellement, ça m'en pose un. En particulier lorsque celui qui prête serment "jure d'observer les lois et la constitution"
L'obéissance à l'autorité politique est, avec le respect du droit, la fondation première de nos armées européennes. C'est vrai en opération mais aussi en temps de paix. Mais que fait on si une armée est sciamment - mais discrètement - démantellée, à l'insu même du politique (qui, pour l'essentiel et en Belgique, s'en fiche) ? N'a-t-on pas le droit de refuser un ordre (soit, pour le colonel Gennart, la boucler) illégal ou a tout le moins politiquement problématique ? Le militaire n'est-il pas le serviteur de l'Etat avant même d'être l'opérateur des règlements disciplinaires ?
Dans le même temps, qu'un CEMA voit en des normes légales internationales et nationales un problème, personnellement, ça m'en pose un. En particulier lorsque celui qui prête serment "jure d'observer les lois et la constitution"
DAMB : perceptions et contre-perceptions
La discussion sur les DAMB avec Olivier se poursuit (voir sa réponse à la mienne ici). Alors, effectivement, je le rejoins - c'est le point de vue du stratégiste - sur le caractère hasardeux de la notion d'ADM, ce que j'avais souligné dans plusieurs de mes articles.
C'est certes une construction méthodologiquement fausse - qui procède d'intérêts bien compris - mais le politologue, cette fois, à également son point de vue. Le problème principal de notre temps est la perception faussée qu'à le politique de la chose stratégique. Je ne m'étendrai pas plus, vous savez toutes et tous de quoi je veux parler. A ce stade et pour en revenir aux DAMB, la question revient à "comment le politique va-t-il réagir" face à une attaque B, C ou R ? Réagir et perceptions : les deux mots sont clés en politique...
Cette question est d'autant plus importante que, là aussi, le balistique n'est pas seul en cause (d'autant plus que "balisticer" ce type d'agents est pour le moins complexe). Menace chimique il y a. Mais, là aussi, les vertus de la dissuasion nucléaire sont nombreuses, en particulier face aux Etats, tout de même sensés (sensés, j'ai bien dit...) adhérer à la CAC et à ses mécanismes de contrôle. Lorsqu'ils ne le font pas, ils sont dans une stratégie de compensation nucléaire, comme dans le cas syrien et iranien pour l'heure : leurs doctrines sont clairement d'ordre dissuasives et ils savent parfaitement à quoi s'attendre s'ils glissent sur des conceptions d'emploi.
La vraie menace chimique me semble nettement plus vivace en matière de "C-IED", des agents chimiques rustiques, tels qu'utilisés en Irak (17 incidents, voir le dossier que j'avais préparé pour DSI-T n°18, l'année passée). Or, ces C-IED sont en dessous du balistique/ABM. On en revient au questionnement d'hier : celui qui se dote de balistique est celui qui accepte les règles du jeu et le mûrit. Celui qui n'accepte pas les règles du jeux développera des stratégies alternatives de contournement. Or, ce n'est pas sur celles-là que nous nous concentrerons.
Je ne suis par contre pas d'accord sur l'air comme seul moyen de fappe à distance : 300 000 conteneurs voguent chaque jour sur les océans, 50 000 entrent quodiennement aux US et un bon paquet (sans doute plus) en Europe. Or, il est impossible de tout contrôler. Même dans les airs et à une échelle bien moindre, l'affaire de l'imprimante yéménite et d'UPS de ces derniers jours montre bien qu'il est possible de passer outre notre supériorité. Surtout, notre supériorité aérienne, face à des frappes de drones ou plus classiques est transitoire : dans 15 ans, les forces aériennes européennes auront beaucoup moins d'appareils qu'aujourd'hui - j'ai fait les comptes pour un chapitre d'ouvrage à paraître. Nos adversaires potentiels jouent la carte de la quantité et il est douteux que nos qualités technologiques puissent, à terme, parvenir à contrer la première. Surtout dès lors que la stratégie aérienne connaît une véritable révolution : traditionnellement offensive, elle passe, de notre point de vue, en défensif (je m'en explique dans le dernier Histoire et Stratégie).
Sur la R&D/R&T et la DAMB comme moteur : c'est ainsi que la SDI américaine a fonctionné (et c'est d'ailleurs là où elle a été efficace). Mais les budgets US ne sont pas les budgets européens et l'expérience US n'est pas transposable à la France. En faisant ainsi, on pérénise le problème traditionnel du déficit du financement en recherche techno et on le cache sous les oripeaux de la DAMB. Problème n°1 : dans nos systèmes de contrôles parlementaires, ce n'est pas idéal ; n°2 : on ne résoud le problème structurel de la R&D que de manière temporaire (parce que ça ne durera pas 20 ans...) ; n°3 : on induit l'illusion d'un possible ; n°4 : on divertit ces fonds de recherches qui seront utiles à nos soldats et qui offriront de réelles possibilités export à nos industriels.
Bref, un jeu dangereux : en DAMB, nous avons un retard important sur les Américains, des financements inférieurs et des intérêts qui ne sont pas les mêmes. Pourquoi chercher à les imiter ? Le politique est certes souverain mais il faut aussi savoir lui donner toutes les cartes (et pas uniquement une vision particulière) pour qu'il puisse prendre la bonne décision et qu'il ait... une bonne perception.
Et quant à chercher à impressioner le grand frère, je suis d'accord sur l'analyse. Par contre, ce positionnement pourrait bien nous conduire sur le chemin de soumission : ne nous leurrons pas, les budgets de défense n'augmenteront pas d'ici à 2020. Se focaliser sur une DAMB de territoire (car certains jouent de l'ambiguité entre territoire et théâtre) va conduire à nous détourner de nos capacités à effectivement faire la guerre, et bien la faire. Et nous seront d'autant plus dépendants de Washington...
C'est certes une construction méthodologiquement fausse - qui procède d'intérêts bien compris - mais le politologue, cette fois, à également son point de vue. Le problème principal de notre temps est la perception faussée qu'à le politique de la chose stratégique. Je ne m'étendrai pas plus, vous savez toutes et tous de quoi je veux parler. A ce stade et pour en revenir aux DAMB, la question revient à "comment le politique va-t-il réagir" face à une attaque B, C ou R ? Réagir et perceptions : les deux mots sont clés en politique...
Cette question est d'autant plus importante que, là aussi, le balistique n'est pas seul en cause (d'autant plus que "balisticer" ce type d'agents est pour le moins complexe). Menace chimique il y a. Mais, là aussi, les vertus de la dissuasion nucléaire sont nombreuses, en particulier face aux Etats, tout de même sensés (sensés, j'ai bien dit...) adhérer à la CAC et à ses mécanismes de contrôle. Lorsqu'ils ne le font pas, ils sont dans une stratégie de compensation nucléaire, comme dans le cas syrien et iranien pour l'heure : leurs doctrines sont clairement d'ordre dissuasives et ils savent parfaitement à quoi s'attendre s'ils glissent sur des conceptions d'emploi.
La vraie menace chimique me semble nettement plus vivace en matière de "C-IED", des agents chimiques rustiques, tels qu'utilisés en Irak (17 incidents, voir le dossier que j'avais préparé pour DSI-T n°18, l'année passée). Or, ces C-IED sont en dessous du balistique/ABM. On en revient au questionnement d'hier : celui qui se dote de balistique est celui qui accepte les règles du jeu et le mûrit. Celui qui n'accepte pas les règles du jeux développera des stratégies alternatives de contournement. Or, ce n'est pas sur celles-là que nous nous concentrerons.
Je ne suis par contre pas d'accord sur l'air comme seul moyen de fappe à distance : 300 000 conteneurs voguent chaque jour sur les océans, 50 000 entrent quodiennement aux US et un bon paquet (sans doute plus) en Europe. Or, il est impossible de tout contrôler. Même dans les airs et à une échelle bien moindre, l'affaire de l'imprimante yéménite et d'UPS de ces derniers jours montre bien qu'il est possible de passer outre notre supériorité. Surtout, notre supériorité aérienne, face à des frappes de drones ou plus classiques est transitoire : dans 15 ans, les forces aériennes européennes auront beaucoup moins d'appareils qu'aujourd'hui - j'ai fait les comptes pour un chapitre d'ouvrage à paraître. Nos adversaires potentiels jouent la carte de la quantité et il est douteux que nos qualités technologiques puissent, à terme, parvenir à contrer la première. Surtout dès lors que la stratégie aérienne connaît une véritable révolution : traditionnellement offensive, elle passe, de notre point de vue, en défensif (je m'en explique dans le dernier Histoire et Stratégie).
Sur la R&D/R&T et la DAMB comme moteur : c'est ainsi que la SDI américaine a fonctionné (et c'est d'ailleurs là où elle a été efficace). Mais les budgets US ne sont pas les budgets européens et l'expérience US n'est pas transposable à la France. En faisant ainsi, on pérénise le problème traditionnel du déficit du financement en recherche techno et on le cache sous les oripeaux de la DAMB. Problème n°1 : dans nos systèmes de contrôles parlementaires, ce n'est pas idéal ; n°2 : on ne résoud le problème structurel de la R&D que de manière temporaire (parce que ça ne durera pas 20 ans...) ; n°3 : on induit l'illusion d'un possible ; n°4 : on divertit ces fonds de recherches qui seront utiles à nos soldats et qui offriront de réelles possibilités export à nos industriels.
Bref, un jeu dangereux : en DAMB, nous avons un retard important sur les Américains, des financements inférieurs et des intérêts qui ne sont pas les mêmes. Pourquoi chercher à les imiter ? Le politique est certes souverain mais il faut aussi savoir lui donner toutes les cartes (et pas uniquement une vision particulière) pour qu'il puisse prendre la bonne décision et qu'il ait... une bonne perception.
Et quant à chercher à impressioner le grand frère, je suis d'accord sur l'analyse. Par contre, ce positionnement pourrait bien nous conduire sur le chemin de soumission : ne nous leurrons pas, les budgets de défense n'augmenteront pas d'ici à 2020. Se focaliser sur une DAMB de territoire (car certains jouent de l'ambiguité entre territoire et théâtre) va conduire à nous détourner de nos capacités à effectivement faire la guerre, et bien la faire. Et nous seront d'autant plus dépendants de Washington...
samedi 30 octobre 2010
Tragédie grecque, analyse et... résilience
Le point de vue de Paul Virilio sur, en l'occurence ce qui m'apparait comme la question de l'assimilitation/relativisation de la crise, centrale dans les processus de résilience politique et sociétales.
vendredi 29 octobre 2010
DAMB - une petite réponse à Olivier
Bon, allez, un petit débat comme on les aime sur les défenses ABM (DAMB) en réponse à un post d'Olivier "EGEA" Kempf :
La vraie menace, ADM ou autre, n'est pas fondamentalement balistique, certainement pas en fonction des progrès qualitatifs et quantitatifs, réalisés ou réalisables. Elle est de croisière : plusieux dizaines de milliers de Styx traînent dans le monde et ils sont dronisables relativement facilement (et qui son de loin plus facile à mettre en place qu'une flotte balistique, surtout au-delà des 1500 km de portée). Même chose pour la pléthore de Mig-17/19/21 disponibles un peu partout. Rebelotte pour plus de 50 000 missiles antinavires. Si contournement il y à, il passera pas là et notre supériorité aérienne sera cassée par le nombre. Après tout, en Irak, 5 Styx (dont le gros d ela cellule est construit...en bois) sont passés outre les défenses aériennes US pour atterrir non loin du seul port où passait le gros du matériel US...
Ensuite, en défense de territoire, la dissuasion nous couvre, elle est là pour ça. En théâtre ( <1 500 km de portée), on commence à avoir ce qu'il faut. Air & Cosmos aurait d'ailleurs une petite info sur le sujet ; l'Aster aurait fait des merveilles.
Et puis, la DAMB de territoire ne répondra à pas grand chose (sinon à compenser les déficits structurels en R&D sur d'autres secteurs) : arrêter 10 missiles ne sert à rien si l'ennemi en a 15. Elle y répond d'autant moins qu'un Etat qui joue au balistique est un Etat qui accepte les règles du jeu de la dissuasion. Par contre, il faut définitivement dissocier la menace ADM du balistique : elle ne passe pas que par là.
Autre aspect peu discuté : plus on investit dans la DAMB, vu nos enveloppes budgétaires, plus les investissements sur la projection seront réduits - autant d'ailleurs que la protection de la projection. Autrement dit, on replie un peu plus le pays sur lui-même et l'on n'exploite pas l'ouverture préemptive offerte avant (et dans) le LBDSN. Après tout, une DAM ne peut se penser hors nos structures de forces et c'est bien le problème de tout ce débat : nous avons une stratégie génétique mais nous n'avons PAS de stratégie des moyens (sous entendue comme intégrée et visant la cohérence, y compris en organique) ; tout semble déconnecté.
Enfin, quid de la portée de la dissuasion : fait-elle face au chimique ? A suivre l'exercice Pégase (1995) et à posture stratégique constante, oui. Si l'attaque porte sur les intérêts vitaux, il y a également fort à parier que ce sera également le cas. Un hypothétique gazage balistique au VX sur une ville française - voire européenne - amènera forcément à se poser quelques questions graves...
La vraie menace, ADM ou autre, n'est pas fondamentalement balistique, certainement pas en fonction des progrès qualitatifs et quantitatifs, réalisés ou réalisables. Elle est de croisière : plusieux dizaines de milliers de Styx traînent dans le monde et ils sont dronisables relativement facilement (et qui son de loin plus facile à mettre en place qu'une flotte balistique, surtout au-delà des 1500 km de portée). Même chose pour la pléthore de Mig-17/19/21 disponibles un peu partout. Rebelotte pour plus de 50 000 missiles antinavires. Si contournement il y à, il passera pas là et notre supériorité aérienne sera cassée par le nombre. Après tout, en Irak, 5 Styx (dont le gros d ela cellule est construit...en bois) sont passés outre les défenses aériennes US pour atterrir non loin du seul port où passait le gros du matériel US...
Ensuite, en défense de territoire, la dissuasion nous couvre, elle est là pour ça. En théâtre ( <1 500 km de portée), on commence à avoir ce qu'il faut. Air & Cosmos aurait d'ailleurs une petite info sur le sujet ; l'Aster aurait fait des merveilles.
Et puis, la DAMB de territoire ne répondra à pas grand chose (sinon à compenser les déficits structurels en R&D sur d'autres secteurs) : arrêter 10 missiles ne sert à rien si l'ennemi en a 15. Elle y répond d'autant moins qu'un Etat qui joue au balistique est un Etat qui accepte les règles du jeu de la dissuasion. Par contre, il faut définitivement dissocier la menace ADM du balistique : elle ne passe pas que par là.
Autre aspect peu discuté : plus on investit dans la DAMB, vu nos enveloppes budgétaires, plus les investissements sur la projection seront réduits - autant d'ailleurs que la protection de la projection. Autrement dit, on replie un peu plus le pays sur lui-même et l'on n'exploite pas l'ouverture préemptive offerte avant (et dans) le LBDSN. Après tout, une DAM ne peut se penser hors nos structures de forces et c'est bien le problème de tout ce débat : nous avons une stratégie génétique mais nous n'avons PAS de stratégie des moyens (sous entendue comme intégrée et visant la cohérence, y compris en organique) ; tout semble déconnecté.
Enfin, quid de la portée de la dissuasion : fait-elle face au chimique ? A suivre l'exercice Pégase (1995) et à posture stratégique constante, oui. Si l'attaque porte sur les intérêts vitaux, il y a également fort à parier que ce sera également le cas. Un hypothétique gazage balistique au VX sur une ville française - voire européenne - amènera forcément à se poser quelques questions graves...
mercredi 27 octobre 2010
Euronaval 2010
Après les Dailies de l'Euronaval 2008, l'équipe est à nouveau sur le pont. Pour ceux que cela tente, les nouveaux Dailies et des brèves d'infos sont disponibles sur www.dsi-presse.com.
jeudi 21 octobre 2010
"Bla, Bla, Bla", l'"affaire Gennart" ?
Il y a quelques jours, le colonel Luc Gennart, commandant la base belge de Florennes, a fait une sortie très inhabituelle dans les médias, extrêmement rares étant les officiers qui, ces 10 dernières années, se sont exprimés dans les débats politiques belges. Il y argue d'un processus de flamandisation des postes de responsabilité de l'armée mais aussi de projets visant à la fermeture de la base de Florennes. Le lecteur peut trouver les rétroactes et autres déclarations liées à l'affaire.
Le ministre y voit du "bla-bla-bla", ce qui n'est tout de même guère brillant comme réponse. Alors, qu'en penser ? Juste quelques éléments :
- Florennes est effectivement menacé - et sérieusement. La base accueille une escadre de F-16 et, vers 2020, ces appareils quitteront peu à peu le service. Il n'y a aucun consensus politique sur le seul remplacement de la capacité "appareils de combat" dans le paysage politique belge. Ne resteraient sur place que les drones B-Hunter. Mais maintenir Florennes pour une douzaine de drones relève de l'hérésie économique ;
- Et les NH ? Les nouveaux hélicoptères seront basés à Beauvechain, plus près de la frontière linguistique mais... plus loin de leur zone d'entraînement. En fait, juste au sud de Florennes se trouve l'une des plus importantes zones d'entraînement d'Europe... et où sont situés, à peu près au milieu, les Chasseurs ardennais de Marche en Famenne. Soit les utilisateurs potentiels desdits NH. Sois dit en passant, ceux qui ont gentiment poussé en avant l'option du positionnement à Florennes des hélicoptères ont pu avoir quelques problèmes dans leurs promotions ;
Plus largement, y-a-t'il "flamandisation" ? Je ne peux pas m'exprimer sur les tests linguistiques, les taux de réussites des francophones ou les décisions prises en matière de tableau d'avancement : je ne les connais pas. Ceci dit, juste deux remarques.
Premièrement, s'il y a beaucoup d'officiers généraux flamands dans les forces actuellement et que certains francophones peuvent se considérer comme défavorisés, il faut constater que, passé un certain cap dans les grades, l'armée est politisée. Pour le dire autrement, chaque ministre (et P. De Crem est loin d'être le premier) place "ses" hommes aux postes-clés - ce qui contribue au demeurant à les rendre plus prudents et à réduire leur potentiel d'innovation.
Deuxièmement il y a une géopolitique intra-belge du positionnement des forces - tous les partis politiques le savent et ces choses se négocient. Elle répond à des considérations économiques (une base est un gisement d'emplois et les élus locaux y sont évidemment sensibles) mais aussi communautaires et politiques, en particulier depuis les années 1990 : une base de F-16 en Flandre et une en Wallonie ; le transport en Flandre juste à côté de Bruxelles ; et l'entraînement en Wallonie, juste à côté de la Flandre, ce n'est pas tout à fait un hasard. Or, cet équilibre est remis en question par les coupes budgétaires à répétition imposées par le politique lui-même.
Qu'en disent les militaires ? L'armée belge est la dernière institution réellement unitaire du pays : pour être officier, vous devez être bilingue. La culture de l'institution est elle-même unitaire. Nombre de gars, francophones ou néerlandophones, vous diront qu'ils ne comprennent pas ces conflits communautaires et que les armées n'y sont pas sensibles. Même si n'est pas tout à fait vrai - des tensions peuvent parfois se ressentir - force est aussi de constater que la question de la "rupture des équilibres" est une question importée dans les armées par le politique, le tout dans un contexte ou, pour des raisons historiques, la Flandre a un positionnement pacifiste et peu enclin à soutenir l'armée.
Le ministre y voit du "bla-bla-bla", ce qui n'est tout de même guère brillant comme réponse. Alors, qu'en penser ? Juste quelques éléments :
- Florennes est effectivement menacé - et sérieusement. La base accueille une escadre de F-16 et, vers 2020, ces appareils quitteront peu à peu le service. Il n'y a aucun consensus politique sur le seul remplacement de la capacité "appareils de combat" dans le paysage politique belge. Ne resteraient sur place que les drones B-Hunter. Mais maintenir Florennes pour une douzaine de drones relève de l'hérésie économique ;
- Et les NH ? Les nouveaux hélicoptères seront basés à Beauvechain, plus près de la frontière linguistique mais... plus loin de leur zone d'entraînement. En fait, juste au sud de Florennes se trouve l'une des plus importantes zones d'entraînement d'Europe... et où sont situés, à peu près au milieu, les Chasseurs ardennais de Marche en Famenne. Soit les utilisateurs potentiels desdits NH. Sois dit en passant, ceux qui ont gentiment poussé en avant l'option du positionnement à Florennes des hélicoptères ont pu avoir quelques problèmes dans leurs promotions ;
Plus largement, y-a-t'il "flamandisation" ? Je ne peux pas m'exprimer sur les tests linguistiques, les taux de réussites des francophones ou les décisions prises en matière de tableau d'avancement : je ne les connais pas. Ceci dit, juste deux remarques.
Premièrement, s'il y a beaucoup d'officiers généraux flamands dans les forces actuellement et que certains francophones peuvent se considérer comme défavorisés, il faut constater que, passé un certain cap dans les grades, l'armée est politisée. Pour le dire autrement, chaque ministre (et P. De Crem est loin d'être le premier) place "ses" hommes aux postes-clés - ce qui contribue au demeurant à les rendre plus prudents et à réduire leur potentiel d'innovation.
Deuxièmement il y a une géopolitique intra-belge du positionnement des forces - tous les partis politiques le savent et ces choses se négocient. Elle répond à des considérations économiques (une base est un gisement d'emplois et les élus locaux y sont évidemment sensibles) mais aussi communautaires et politiques, en particulier depuis les années 1990 : une base de F-16 en Flandre et une en Wallonie ; le transport en Flandre juste à côté de Bruxelles ; et l'entraînement en Wallonie, juste à côté de la Flandre, ce n'est pas tout à fait un hasard. Or, cet équilibre est remis en question par les coupes budgétaires à répétition imposées par le politique lui-même.
Qu'en disent les militaires ? L'armée belge est la dernière institution réellement unitaire du pays : pour être officier, vous devez être bilingue. La culture de l'institution est elle-même unitaire. Nombre de gars, francophones ou néerlandophones, vous diront qu'ils ne comprennent pas ces conflits communautaires et que les armées n'y sont pas sensibles. Même si n'est pas tout à fait vrai - des tensions peuvent parfois se ressentir - force est aussi de constater que la question de la "rupture des équilibres" est une question importée dans les armées par le politique, le tout dans un contexte ou, pour des raisons historiques, la Flandre a un positionnement pacifiste et peu enclin à soutenir l'armée.
mercredi 20 octobre 2010
SDR britannique : un espoir et deux craintes
La parution, hier, de la nouvelle SDR a causé un réel effet de choc : en renversant les rapports de force classiques sur l’échiquier de l’Europe de la défense et en faisant de la France – en théorie et par défaut – la première puissance militaire européenne, le document laisse aussi poindre un espoir et deux craintes :
* l’espoir : la possibilité d’embarquer des appareils de combat français sur le porte-avions britannique (et vice-versa) est clairement affichée comme un objectif. La coopération dans le domaine aéronaval serait donc physiquement possible, comme la permanence à la mer d’un groupe aéronaval. Reste que, sans aéronavale pendant 10 ans, la Grande-Bretagne devra tout réapprendre : l’aéronavale européenne va devoir attendre une décennie pour se concrétiser. D’autres pistes de coopération sont évoquées, la France revenant systématiquement dans la position du « key allied ».
* la première crainte : coopérer dans le domaine de la défense, c’est fondamentalement facile. Le vrai problème est d’ordre politique et nombre de Britanniques considèrent toujours l’Europe de la défense comme un « object without subjetc ». Tout dépendra donc de leur perception de la façon d’accroître les coopérations. En tout état de cause, il semble bien que les partisans de la Coopération Structurée Permanente la plus ouverte possible perdent des points ; la meilleure option en PESD reste sans doute de travailler en petit comité ;
* la deuxième crainte touche à la façon dont sera perçue la SDR ailleurs en Europe et au rôle d’alibi qu’elle pourrait jouer dans la légitimation de réductions un peu plus drastiques un peu partout ailleurs. Les membres de l’Union européenne et tous les membres européens de l’OTAN, à l’exception de la Norvège, ont tous réduits leurs budgets militaires. Or, il est clair qu’aujourd’hui, rares sont les élites politiques, en Europe, ne considérant pas la défense comme autre chose qu’une variable d’ajustement budgétaire – comprendre un gisement financier dans un contexte où le pilier central des Etats européens n’est plus nécessairement la capacité à assurer la sécurité des citoyens mais bien les services sociaux associés à cette même citoyenneté.
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* l’espoir : la possibilité d’embarquer des appareils de combat français sur le porte-avions britannique (et vice-versa) est clairement affichée comme un objectif. La coopération dans le domaine aéronaval serait donc physiquement possible, comme la permanence à la mer d’un groupe aéronaval. Reste que, sans aéronavale pendant 10 ans, la Grande-Bretagne devra tout réapprendre : l’aéronavale européenne va devoir attendre une décennie pour se concrétiser. D’autres pistes de coopération sont évoquées, la France revenant systématiquement dans la position du « key allied ».
* la première crainte : coopérer dans le domaine de la défense, c’est fondamentalement facile. Le vrai problème est d’ordre politique et nombre de Britanniques considèrent toujours l’Europe de la défense comme un « object without subjetc ». Tout dépendra donc de leur perception de la façon d’accroître les coopérations. En tout état de cause, il semble bien que les partisans de la Coopération Structurée Permanente la plus ouverte possible perdent des points ; la meilleure option en PESD reste sans doute de travailler en petit comité ;
* la deuxième crainte touche à la façon dont sera perçue la SDR ailleurs en Europe et au rôle d’alibi qu’elle pourrait jouer dans la légitimation de réductions un peu plus drastiques un peu partout ailleurs. Les membres de l’Union européenne et tous les membres européens de l’OTAN, à l’exception de la Norvège, ont tous réduits leurs budgets militaires. Or, il est clair qu’aujourd’hui, rares sont les élites politiques, en Europe, ne considérant pas la défense comme autre chose qu’une variable d’ajustement budgétaire – comprendre un gisement financier dans un contexte où le pilier central des Etats européens n’est plus nécessairement la capacité à assurer la sécurité des citoyens mais bien les services sociaux associés à cette même citoyenneté.
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Publications
Ce blog était resté quelque peu en friche ces derniers mois mais il y avait une raison : pas mal de publications étaient sur le métier (en plus des DSI, évidemment), lesquelles sont, si pas parues, sur le point de l'être.
Seapower. Les fondements de la guerre navale au 21ème siècle, d'abord. Je reviendrai dessus mais, en attendant, vous pouvez le commander.
La puissance aérienne. Histoire, concepts et opérations est une évolution de l'Airpower au 21ème siècle qui revient notamment sur les développements observés en contre-insurrection aérienne.
J'ai également envoyé plusieurs contributions à des ouvrages collectifs, dont le petit dernier de Daniel Ventre (Cyberguerre et guerre de l'information. Règles, stratégies, enjeux) et une chronique stratégique de l'année 2009 dans Enjeux diplomatiques et stratégiques 2010 (sous la direction de Pascal Chaigneau). La Revue Française de Polémologie, qui renaît sous les auspices de l'ISC va également accueillir une contribution sur la polémologie en Belgique (ou l'histoire d'un exil politique).
Et puis, comme on ne se refait pas, un autre ouvrage et quelques autres chapitres et articles sont toujours en cours de route. Je reviendrai dessus en temps opportun : parler, c'est bien, publier, c'est mieux !
Et puis, pour ceux qui manqueraient de lecture, Les Cahiers du RMES sont à nouveau disponibles. Le relooking du site du RMES avait nécessité de les laisser, un temps, de côté.
Seapower. Les fondements de la guerre navale au 21ème siècle, d'abord. Je reviendrai dessus mais, en attendant, vous pouvez le commander.
La puissance aérienne. Histoire, concepts et opérations est une évolution de l'Airpower au 21ème siècle qui revient notamment sur les développements observés en contre-insurrection aérienne.
J'ai également envoyé plusieurs contributions à des ouvrages collectifs, dont le petit dernier de Daniel Ventre (Cyberguerre et guerre de l'information. Règles, stratégies, enjeux) et une chronique stratégique de l'année 2009 dans Enjeux diplomatiques et stratégiques 2010 (sous la direction de Pascal Chaigneau). La Revue Française de Polémologie, qui renaît sous les auspices de l'ISC va également accueillir une contribution sur la polémologie en Belgique (ou l'histoire d'un exil politique).
Et puis, comme on ne se refait pas, un autre ouvrage et quelques autres chapitres et articles sont toujours en cours de route. Je reviendrai dessus en temps opportun : parler, c'est bien, publier, c'est mieux !
Et puis, pour ceux qui manqueraient de lecture, Les Cahiers du RMES sont à nouveau disponibles. Le relooking du site du RMES avait nécessité de les laisser, un temps, de côté.
mardi 19 octobre 2010
L'effondrement des forces britanniques
C’était aujourd’hui à 15h30 locales que le premier ministre britannique présentait la Strategic Defense Review devant le parlement britannique (le pdf est disponible sur www.dsi-presse.com. Comme on s’y attendait, les coupes sont majeures : au plan humain, l’Army perd 7 000 hommes, la RAF 5 000 et la Royal Navy 5 000, soit 17 000 en tout ; le personnel civil est réduit de 25 000 unités d’ici à 2015 ; le budget est réduit de 8 %.
Suit une litanie de sorties de service, avec toutefois une constation : s'il est difficile de ne pas considérer comme apocalyptique cette SDR, à l’horizon 2020, la Marine nationale aura plus de grands bâtiments de surface que la Royal Navy (24 contre 19, certes en incluant les Floreal). L’armée de Terre surclassera également sa consoeur britannique. Au demeurant, ce sera également le cas de l’armée de l’Air – du moins, en théorie.
Suit une litanie de sorties de service, avec toutefois une constation : s'il est difficile de ne pas considérer comme apocalyptique cette SDR, à l’horizon 2020, la Marine nationale aura plus de grands bâtiments de surface que la Royal Navy (24 contre 19, certes en incluant les Floreal). L’armée de Terre surclassera également sa consoeur britannique. Au demeurant, ce sera également le cas de l’armée de l’Air – du moins, en théorie.
jeudi 8 juillet 2010
Juste une remarque sur "l'affaire Desportes"
Ou plutôt, une et demie. La demie : le simple fait de parler "d'affaire" grossit la chose au-delà du raisonnable. On construit une problématique aigüe de ce qui n'est que le reflet d'une (nécessaire) recomposition du débat stratégique appelée de ses voeux par à peu près tout le monde. L'interview d'Alain Bauer (sur le site de l'IFRI, je pense) ou les propos du CEMA n'en sont que quelques témoignages.
La remarque, ensuite : il y a quelque chose d'indécent à ce que des débats sur des questions qui touchent directement à la vie et à la mort des soldats, à la puissance et au rang de la France ne puissent avoir lieu, là où le monde politique ne cesse d'encourager des débats sur des questions autrement moins aigües, voire aussi passablement futiles que les échecs de l'équipe de France.
Le rôle d'un militaire, quelque soit son grade, est de réfléchir, au prochain mouvement sur le terrain comme à ce qu'il peut apporter par son action ou à la nature d'une coalition. A fortiori, si le militaire en question dirige une Ecole de guerre dont le propre est tout de même de donner une culture aux officiers. On peut, évidemment, ne pas être d'accord, mais il y a une certaine forme de malhonnêteté intellectuelle à sortir les propos de V. Desportes du contexte dans lequel ils ont été tenus.
Car, enfin, la question à laquelle il répondait portait sur McChrystal et force est, tout de même, de constater que la démission forcée du général américain ne s'est pas faite avec l'assentiment de la France ou des autres membres non américains de l'ISAF. Dans un tel cadre, il me paraît totalement légitime de questionner le rang français comme la perception américaine du rôle de la France.
La remarque, ensuite : il y a quelque chose d'indécent à ce que des débats sur des questions qui touchent directement à la vie et à la mort des soldats, à la puissance et au rang de la France ne puissent avoir lieu, là où le monde politique ne cesse d'encourager des débats sur des questions autrement moins aigües, voire aussi passablement futiles que les échecs de l'équipe de France.
Le rôle d'un militaire, quelque soit son grade, est de réfléchir, au prochain mouvement sur le terrain comme à ce qu'il peut apporter par son action ou à la nature d'une coalition. A fortiori, si le militaire en question dirige une Ecole de guerre dont le propre est tout de même de donner une culture aux officiers. On peut, évidemment, ne pas être d'accord, mais il y a une certaine forme de malhonnêteté intellectuelle à sortir les propos de V. Desportes du contexte dans lequel ils ont été tenus.
Car, enfin, la question à laquelle il répondait portait sur McChrystal et force est, tout de même, de constater que la démission forcée du général américain ne s'est pas faite avec l'assentiment de la France ou des autres membres non américains de l'ISAF. Dans un tel cadre, il me paraît totalement légitime de questionner le rang français comme la perception américaine du rôle de la France.
jeudi 1 juillet 2010
PSDC : quelques réflexions sur le séminaire tenu à Salon de Provence
L'évolution de la politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC) a fait l'objet, fin mai, d'un séminaire du Centre de Recherche de l'Ecole de l'Air (CREA) et du GERI (Groupe d'Etudes en Relations Internationales) sur la base de Salon de Provence. C'était, pour les organisateurs, l'occasion d'aborder sous des angles très divers et sans tabous une politique à la fois complexe mais, également, qui continue d'agréger les espoirs.
Avec l'adoption du traité de Lisbonne, la PSDC se voit sortir de l'ornière dans laquelle le référendum irlandais l'avais placé. Reste, pour autant, qu'une impulsion majeure en matière de politique de défense européenne se fait toujours attendre. Après la présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne (CUE), celle de la Belgique, pourtant traditionnellement en point en matière de construction européenne, n'augure pas de véritables avancées. Il s'agit surtout de poursuivre les efforts entamés par d'autres, de continuer à essayer de convaincre les Britanniques de la nécessité d'un véritable quartier-général européen (Londres semble s'orienter vers cette idée mais, nuance de taille, la composante civile y serait particulièrement prégnante). Bruxelles chercherait également à mettre en évidence l'option de "spécialisation" qu'elle a choisi pour ses forces, abandonnant certains pans de ses capacités - une idée qui n'est pas nécessairement partagée par plusieurs états-majors pour des raisons que l'on comprendra.
Il s'agirait également pour la Belgique de mettre en place la méthode de mise en œuvre de la Coopération Structurée Permanente (CSP), qui autorise les Etats qui le désirent à renforcer leur coopération dans l'un ou l'autre domaine. Nouveauté permise par le traité de Lisbonne, la défense peut faire l'objet d'une CSP, ne manquant de poser problème. Deux grandes catégories de positions peuvent, en effet, être schématisées. Soit la CSP est dite inclusive, cherchant à rassembler le maximum d'Etats ; soit elle est exclusive et dresse des critères d'adhésion permettant d'engerber que les Etats le plus soucieux de leur défense. A ce stade, la question est évidemment de savoir quels sont les critères d'adhésion retenus. Or, la part de la défense dans le PIB (domaine où la France est 3ème et la Belgique… 23ème) a d'abord été pressentie comme principal référent méthodologique mais l'impact de la crise est tel que ce critère pourrait ne plus être pertinent. In fine, première crainte, une définition trop rapide des critères de mise en place de la CSP dans un sens trop inclusif dupliquerait la situation actuelle entre Etats "moteurs" et "free-riders" et ne permettrait pas d'accélérer l'Europe de la défense.
Une deuxième crainte ne s'entrevoit qu'en creux, lorsqu'il est question d'aborder la question de la coopération entre l'Union européenne et l'ONU en matière de gestion de crise. Si les expériences passées (à l'instar d'Artémis, au Congo, ou EUFOR-Tchad) ont bien été mises en évidence, comme le principe du "bridging" (selon lequel l'UE lance une opération avant de transmettre sa continuation à une force de l'ONU) l'analyste discerne rapidement une immaturité institutionnelle. La plupart des intervenants ont ainsi pointé du doigt la grande complexité des relations entre les Etats et les institutions mais aussi entre les institutions elles-mêmes - alors même que des instruments mis en place ne sont pas utilisés -, ce qui tend à focaliser l'attention des opérationnels. En retour, ces difficultés tendent à totalement occulter les aspects militaires des opérations mises en place, à commencer par la relation à l'adversaire. Ces dernières semblent comme laissées au militaire, dans une optique de nature tactique, alors que la question est évidemment plus complexe : que faire dans l'hypothèse d'une brusque montée en puissance d'un adversaire, qui débouche sur une bataille en bonne et due forme ? Le manque d'une véritable culture militaire n'apparaît pas comme réellement problématique dès lors que l'Union s'engage sur des zones "tièdes" ou "froides" et qu'aucun incident majeur - comprendre, une bataille - ne s'est encore produite. Cependant, à rester cantonnée dans cette vision, aucune véritable Europe de la défense ne peut émerger.
La troisième crainte touche à la question de l'approche globale. Il était symptomatique d'entendre un intervenant parler des Etats-Unis comme d'une superpuissance mais de l'Union européenne comme d'une "puissance globale" - en quelque sorte, rhétoriquement démilitarisée - d'autres revenant sur "l'approche globale" par trop démilitarisante, elle aussi. De facto, sur 24 opérations menées par l'Union européenne, 7 sont véritablement d'ordre militaire. Aussi, que ce soit dans la perception que les Etats-membres ont de l'Union ou que ce soit au niveau de la perception que l'OTAN a de l'Union, une crainte de voir de voir l'UE se transformer en fournisseur de composantes civiles - laissant à l'OTAN les opérations militaires - reste perceptible. On a, ici, affaire à un paradoxe typiquement européen : le gros des forces OTAN sont, de fait, européennes. Certaines prévisions laissent entrevoir, vers 2020-25, la possibilité que les membres de l'Union disposent de plus d'avions de combat et de navires de surface que les Etats-Unis et le budget de défense de ces Etats, une fois combiné, est le deuxième du monde. A ce stade, on sent poindre comme une inquiétude à avoir à mener seuls des opérations militaires de grande envergure en n'étant plus encadré par Washington.
Au-delà, c'est aussi toute la question de la valeur de l'approche globale, telle qu'elle est connotée à l'UE comme à l'OTAN, qui émerge : concept large, sans réelle valeur doctrinale, il chercherait à faire comprendre que les opérations d'aujourd'hui ne sont plus uniquement militaires mais impliquent des composantes civiles, de stabilisation ou encore de reconstruction. Or, c'est bien l'une des grandes valeurs de l'histoire militaire que de démontrer que cette "découverte" n'est en rien une nouveauté. Il suffit pour s'en convaincre de (re)lire cette somme qu'est Stratégies irrégulières pour voir que la compréhension de la nature multidimensionnelle, en mille-feuilles, de la guerre, n'a pas attendu le 21ème siècle. Aussi, derrière l'anachronisme historique que représente l'approche globale se pose une autre question : la PSDC n'a-t-elle pas été laissée trop longtemps aux mains des spécialistes des Security Studies, intellectuellement insuffisament armés, et pas suffisamment à celles des spécialistes des études stratégiques ?
Avec l'adoption du traité de Lisbonne, la PSDC se voit sortir de l'ornière dans laquelle le référendum irlandais l'avais placé. Reste, pour autant, qu'une impulsion majeure en matière de politique de défense européenne se fait toujours attendre. Après la présidence espagnole du Conseil de l'Union européenne (CUE), celle de la Belgique, pourtant traditionnellement en point en matière de construction européenne, n'augure pas de véritables avancées. Il s'agit surtout de poursuivre les efforts entamés par d'autres, de continuer à essayer de convaincre les Britanniques de la nécessité d'un véritable quartier-général européen (Londres semble s'orienter vers cette idée mais, nuance de taille, la composante civile y serait particulièrement prégnante). Bruxelles chercherait également à mettre en évidence l'option de "spécialisation" qu'elle a choisi pour ses forces, abandonnant certains pans de ses capacités - une idée qui n'est pas nécessairement partagée par plusieurs états-majors pour des raisons que l'on comprendra.
Il s'agirait également pour la Belgique de mettre en place la méthode de mise en œuvre de la Coopération Structurée Permanente (CSP), qui autorise les Etats qui le désirent à renforcer leur coopération dans l'un ou l'autre domaine. Nouveauté permise par le traité de Lisbonne, la défense peut faire l'objet d'une CSP, ne manquant de poser problème. Deux grandes catégories de positions peuvent, en effet, être schématisées. Soit la CSP est dite inclusive, cherchant à rassembler le maximum d'Etats ; soit elle est exclusive et dresse des critères d'adhésion permettant d'engerber que les Etats le plus soucieux de leur défense. A ce stade, la question est évidemment de savoir quels sont les critères d'adhésion retenus. Or, la part de la défense dans le PIB (domaine où la France est 3ème et la Belgique… 23ème) a d'abord été pressentie comme principal référent méthodologique mais l'impact de la crise est tel que ce critère pourrait ne plus être pertinent. In fine, première crainte, une définition trop rapide des critères de mise en place de la CSP dans un sens trop inclusif dupliquerait la situation actuelle entre Etats "moteurs" et "free-riders" et ne permettrait pas d'accélérer l'Europe de la défense.
Une deuxième crainte ne s'entrevoit qu'en creux, lorsqu'il est question d'aborder la question de la coopération entre l'Union européenne et l'ONU en matière de gestion de crise. Si les expériences passées (à l'instar d'Artémis, au Congo, ou EUFOR-Tchad) ont bien été mises en évidence, comme le principe du "bridging" (selon lequel l'UE lance une opération avant de transmettre sa continuation à une force de l'ONU) l'analyste discerne rapidement une immaturité institutionnelle. La plupart des intervenants ont ainsi pointé du doigt la grande complexité des relations entre les Etats et les institutions mais aussi entre les institutions elles-mêmes - alors même que des instruments mis en place ne sont pas utilisés -, ce qui tend à focaliser l'attention des opérationnels. En retour, ces difficultés tendent à totalement occulter les aspects militaires des opérations mises en place, à commencer par la relation à l'adversaire. Ces dernières semblent comme laissées au militaire, dans une optique de nature tactique, alors que la question est évidemment plus complexe : que faire dans l'hypothèse d'une brusque montée en puissance d'un adversaire, qui débouche sur une bataille en bonne et due forme ? Le manque d'une véritable culture militaire n'apparaît pas comme réellement problématique dès lors que l'Union s'engage sur des zones "tièdes" ou "froides" et qu'aucun incident majeur - comprendre, une bataille - ne s'est encore produite. Cependant, à rester cantonnée dans cette vision, aucune véritable Europe de la défense ne peut émerger.
La troisième crainte touche à la question de l'approche globale. Il était symptomatique d'entendre un intervenant parler des Etats-Unis comme d'une superpuissance mais de l'Union européenne comme d'une "puissance globale" - en quelque sorte, rhétoriquement démilitarisée - d'autres revenant sur "l'approche globale" par trop démilitarisante, elle aussi. De facto, sur 24 opérations menées par l'Union européenne, 7 sont véritablement d'ordre militaire. Aussi, que ce soit dans la perception que les Etats-membres ont de l'Union ou que ce soit au niveau de la perception que l'OTAN a de l'Union, une crainte de voir de voir l'UE se transformer en fournisseur de composantes civiles - laissant à l'OTAN les opérations militaires - reste perceptible. On a, ici, affaire à un paradoxe typiquement européen : le gros des forces OTAN sont, de fait, européennes. Certaines prévisions laissent entrevoir, vers 2020-25, la possibilité que les membres de l'Union disposent de plus d'avions de combat et de navires de surface que les Etats-Unis et le budget de défense de ces Etats, une fois combiné, est le deuxième du monde. A ce stade, on sent poindre comme une inquiétude à avoir à mener seuls des opérations militaires de grande envergure en n'étant plus encadré par Washington.
Au-delà, c'est aussi toute la question de la valeur de l'approche globale, telle qu'elle est connotée à l'UE comme à l'OTAN, qui émerge : concept large, sans réelle valeur doctrinale, il chercherait à faire comprendre que les opérations d'aujourd'hui ne sont plus uniquement militaires mais impliquent des composantes civiles, de stabilisation ou encore de reconstruction. Or, c'est bien l'une des grandes valeurs de l'histoire militaire que de démontrer que cette "découverte" n'est en rien une nouveauté. Il suffit pour s'en convaincre de (re)lire cette somme qu'est Stratégies irrégulières pour voir que la compréhension de la nature multidimensionnelle, en mille-feuilles, de la guerre, n'a pas attendu le 21ème siècle. Aussi, derrière l'anachronisme historique que représente l'approche globale se pose une autre question : la PSDC n'a-t-elle pas été laissée trop longtemps aux mains des spécialistes des Security Studies, intellectuellement insuffisament armés, et pas suffisamment à celles des spécialistes des études stratégiques ?
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