Je ne parle pas de motorisation automobile. En fait, je viens de retomber sur l'excellentissime travail de Frank Hoffman, Conflict in the 21st Century: The Rise of Hybrid Wars, paru en décembre 07, qui a une influence certaine sur l'actuelle réflexion de l'USMC.
De quoi, sans doute, nous faire sortir des limites conceptuelles de la "guerre asymétrique" (cf. mon article dans les Cahiers du RMES) et de la dévalorisation des opérations COIN qu'elle porterait. De quoi, aussi, montrer la convergence des réflexions des deux côtés de l'Atlantique (Cf. les travaux de V. Desportes et du Col. Goya).
samedi 23 février 2008
Une réponse à Philippe Monfils : non, le char n'est pas inutile
La dernière intervention du sénateur et ancien président de la commission de la défense, Philippe Monfils (1) sur ce qu’il considère comme l’inutilité des chars de bataille pose question à bien des égards. Tentons donc de déconstruire ses arguments et de les opposer à la complexité et à l’immense diversité des contributions issues de professionnels de la défense.
Le char est-il un has been de la défense ?
Le sénateur avance que le char n’a été utilisé qu’une fois par les Belges sur la toute la durée de leur carrière. Mais c’est oublier que le char est un élément de dissuasion tactique. Idéalement, il est là pour ne pas être utilisé et, de ce point de vue, si les Belges n’ont pas utilisés leurs Leopards au Kosovo, ils ont parfaitement rempli leur rôle, aussi paradoxal que cela puisse paraître. On arguera ensuite que les chars sont utilisés mais lorsque le politique décide de les employer : les Leopard 1 danois ont tiré contre des chars serbes en 95, en protection des forces des Nations Unies, qui n’ont ensuite plus été menacées dans le secteur où elles opéraient. Les Leclerc français sont considérés comme les pièces maîtresses de la sécurité de la FINUL II au Liban et, au Kosovo, ils ont souvent évité la dégénérescence de faces-à-faces entre Serbes du Kosovo et kosovars. Le char protège, par sa simple présence, troupes et populations civiles.
P. Monfils arguera également que les chars belges au Kosovo étaient statiques, afin de ne pas bouleverser les champs des agriculteurs locaux. Mais c’est oublier qu’en en cas de problème, les chars naturellement mobiles alors que, par ailleurs, lesdits champs seraient bien plus labourés par un véhicule 8x8 de 22 tonnes – simplement parce qu’ils exercent une pression au sol inférieure à un char de plus de 50 tonnes dont la masse est répartie sur la surface des chenilles. Aussi, s’il est vrai que le Sénateur a raison sur la question de la consommation des engins, que vaut-elle comparativement à la vie de nos soldats, alors que les menaces potentielles – même durant les opérations de maintien de la paix – sont de plus en plus perfectionnées et perceront des blindages que l’AIV ne pourra plus porter ? AIV qui, au demeurant et dans leur version de transport de troupes, ne pourront pas, face à l’évolution des menaces – la vieille lutte du glaive contre le bouclier – se surblinder. Aussi, lorsque Philippe Monfils indique que les conflits auraient changé de nature, il ne se trompe qu’à moitié.
Si, techniquement, la nature des conflits est invariable depuis Assurbanipal (il s’agit toujours d’imposer à son adversaire des vues qu’il combat), son caractère est effectivement changeant. Mais pas dans le bon sens. C’est ce que disent les meilleurs stratèges du monde, de Vincent Desportes à Rupert Smith en passant par Antulio Echevarria, Hervé Coutau-Bégarie ou encore Colin Gray. Tous – et de nombreux militaires belges que nous devrions apprendre à écouter – s’accordent à dire que nous allons connaître des conflits plus longs où les phases de stabilisation (auxquelles la Belgique entend participer) et de combat sont de plus en plus imbriquées. Nous allons aussi vers des conflits plus durs, comme le dit le chef d’état-major des armées françaises, où les adversaires – qu’ils soient ou non des Etats – disposeront de munitions perfectionnées ou à fort pouvoir antiblindés, que la Russie et la Chine n’hésitent en aucun cas à vendre.
Nous ferons aussi face à des techno-guérillas, comme au Liban, dans l’actuelle Somalie actuelle ou au Sri Lanka. Elles seront « non-linéaires ». C’est à dire qu’elles connaîtront des phases d’accalmies entrecoupées de brusques poussées de violence, y compris lors des missions de maintien et de rétablissement de la paix dont parle Philippe Monfils. Il ne sera alors pas question, alors, d’évacuer des Belges qui devront « faire le gros dos » et « tenir le choc ». Il s’ensuit que la protection des forces et, donc, le blindage et la faculté d’évolution des véhicules sur de longues périodes, sera déterminante. De ce point de vue, l’assertion selon laquelle « tous nos voisins ont mis leurs chars en vente sur des marchés d’occasion » est curieuse.
En effet, aucun char Leclerc français n’est mis en vente et que s’il est exact que les Allemands et les Hollandais vendent une partie des leurs, c’est parce qu’ils sont trop nombreux. Les Britanniques, quant à eux, modernisent leurs chars, de même que les Américains. Le Canada, le Portugal et l’Australie qui voulaient l’abandonner y sont revenus. En fait, le char prolifère partout dans le monde, y compris dans une Afrique où nous entendons pouvoir continuer à intervenir. Celui qui n’en dispose pas est condamné à se soumettre à la loi du plus fort, contre les principes des Nations unies. Plus largement, la Belgique est le seul pays au monde à vouloir se débarrasser de sa composante « char » alors que sa stratégie est pourtant ambitieuse.
Reste, aussi, la question du transport des chars, également abordée par le Sénateur dans son interview et sachant que notre armée ambitionne de pouvoir être projetée plus facilement. Mais, personne ne transporte les chars par les air. Même les Etats-Unis qui disposent de C-5 Galaxy aux capacités équivalentes aux Antonov dont parle le Sénateur, utilisent leurs navires. La solution est plus simple, plus rapide et moins coûteuse. On ajoutera qu’avec seulement 7 A400M commandés par la Belgique, le transport maritime s’imposera de toute façon.
Quelques considérations politiques
Alors que G. Verhofstadt vient de rencontrer le président français pour notamment s’entretenir de la défense européenne, il est bon de rappeler qu’avec 10 millions d’habitants, la Belgique fait moins pour sa défense que plusieurs Etats plus petits. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à parler de l’exercice de free-riding de Bruxelles, qui bénéficierait d’une sécurité payée par d’autres, France, Allemagne et Pays-Bas en tête. Or, les budgets sont à la baisse partout, ce qui signifie que l’on demandera plus à une Belgique dont les dernières statistiques de l’OTAN montrent qu’elle la dernière de ses membres en matière de part du budget affecté à l’équipement. Or, à plus de 3 millions d’euros pièce, un AIV doté d’un canon de 90 mm sera plus cher qu’un Leopard II d’occasion, quasiment neuf, acheté à nos voisins pour moins d’un million. Le poids politique de cette décision pour le moins économique serait important et la protection de nos soldats serait meilleure. Bien d’autres dossiers en souffrance à la défense pourraient être financés.
Pourquoi, dès lors, ne pas envisager cette option ? Dans le chef de l’ancien ministre de la défense comme du Sénateur, le véhicule à roue, c’était la modernité. A bien y regarder, ça l’a effectivement été. Mais c’était vers 1996, lorsque la vision américaine, promue par le général Shalikashvilli, envisageait des myriades de véhicules à roues (les « brigades Stryker »). Elles auraient été dotés d’un « blindage informationnel », en fait des réseaux de surveillance ultrasophistiqués. Mais cette vision a démontré son échec dans les phases de stabilisation d’un conflit irakien dont les tactiques sont celles des conflits futurs et d’opérations de maintien de la paix… de moins en moins pacifiques. A cet égard, la vision défendue par P. Monfils n’est sans doute pas celle de la guerre froide. Mais cette vision, imaginée à une époque où des technologies impayables pour la Belgique devaient « changer la nature de la guerre », est devenue totalement has been face aux réalités, au point que les Américains eux-mêmes en reviennent. Sommes-nous obligés de faire les mêmes erreurs ?
Le char est-il un has been de la défense ?
Le sénateur avance que le char n’a été utilisé qu’une fois par les Belges sur la toute la durée de leur carrière. Mais c’est oublier que le char est un élément de dissuasion tactique. Idéalement, il est là pour ne pas être utilisé et, de ce point de vue, si les Belges n’ont pas utilisés leurs Leopards au Kosovo, ils ont parfaitement rempli leur rôle, aussi paradoxal que cela puisse paraître. On arguera ensuite que les chars sont utilisés mais lorsque le politique décide de les employer : les Leopard 1 danois ont tiré contre des chars serbes en 95, en protection des forces des Nations Unies, qui n’ont ensuite plus été menacées dans le secteur où elles opéraient. Les Leclerc français sont considérés comme les pièces maîtresses de la sécurité de la FINUL II au Liban et, au Kosovo, ils ont souvent évité la dégénérescence de faces-à-faces entre Serbes du Kosovo et kosovars. Le char protège, par sa simple présence, troupes et populations civiles.
P. Monfils arguera également que les chars belges au Kosovo étaient statiques, afin de ne pas bouleverser les champs des agriculteurs locaux. Mais c’est oublier qu’en en cas de problème, les chars naturellement mobiles alors que, par ailleurs, lesdits champs seraient bien plus labourés par un véhicule 8x8 de 22 tonnes – simplement parce qu’ils exercent une pression au sol inférieure à un char de plus de 50 tonnes dont la masse est répartie sur la surface des chenilles. Aussi, s’il est vrai que le Sénateur a raison sur la question de la consommation des engins, que vaut-elle comparativement à la vie de nos soldats, alors que les menaces potentielles – même durant les opérations de maintien de la paix – sont de plus en plus perfectionnées et perceront des blindages que l’AIV ne pourra plus porter ? AIV qui, au demeurant et dans leur version de transport de troupes, ne pourront pas, face à l’évolution des menaces – la vieille lutte du glaive contre le bouclier – se surblinder. Aussi, lorsque Philippe Monfils indique que les conflits auraient changé de nature, il ne se trompe qu’à moitié.
Si, techniquement, la nature des conflits est invariable depuis Assurbanipal (il s’agit toujours d’imposer à son adversaire des vues qu’il combat), son caractère est effectivement changeant. Mais pas dans le bon sens. C’est ce que disent les meilleurs stratèges du monde, de Vincent Desportes à Rupert Smith en passant par Antulio Echevarria, Hervé Coutau-Bégarie ou encore Colin Gray. Tous – et de nombreux militaires belges que nous devrions apprendre à écouter – s’accordent à dire que nous allons connaître des conflits plus longs où les phases de stabilisation (auxquelles la Belgique entend participer) et de combat sont de plus en plus imbriquées. Nous allons aussi vers des conflits plus durs, comme le dit le chef d’état-major des armées françaises, où les adversaires – qu’ils soient ou non des Etats – disposeront de munitions perfectionnées ou à fort pouvoir antiblindés, que la Russie et la Chine n’hésitent en aucun cas à vendre.
Nous ferons aussi face à des techno-guérillas, comme au Liban, dans l’actuelle Somalie actuelle ou au Sri Lanka. Elles seront « non-linéaires ». C’est à dire qu’elles connaîtront des phases d’accalmies entrecoupées de brusques poussées de violence, y compris lors des missions de maintien et de rétablissement de la paix dont parle Philippe Monfils. Il ne sera alors pas question, alors, d’évacuer des Belges qui devront « faire le gros dos » et « tenir le choc ». Il s’ensuit que la protection des forces et, donc, le blindage et la faculté d’évolution des véhicules sur de longues périodes, sera déterminante. De ce point de vue, l’assertion selon laquelle « tous nos voisins ont mis leurs chars en vente sur des marchés d’occasion » est curieuse.
En effet, aucun char Leclerc français n’est mis en vente et que s’il est exact que les Allemands et les Hollandais vendent une partie des leurs, c’est parce qu’ils sont trop nombreux. Les Britanniques, quant à eux, modernisent leurs chars, de même que les Américains. Le Canada, le Portugal et l’Australie qui voulaient l’abandonner y sont revenus. En fait, le char prolifère partout dans le monde, y compris dans une Afrique où nous entendons pouvoir continuer à intervenir. Celui qui n’en dispose pas est condamné à se soumettre à la loi du plus fort, contre les principes des Nations unies. Plus largement, la Belgique est le seul pays au monde à vouloir se débarrasser de sa composante « char » alors que sa stratégie est pourtant ambitieuse.
Reste, aussi, la question du transport des chars, également abordée par le Sénateur dans son interview et sachant que notre armée ambitionne de pouvoir être projetée plus facilement. Mais, personne ne transporte les chars par les air. Même les Etats-Unis qui disposent de C-5 Galaxy aux capacités équivalentes aux Antonov dont parle le Sénateur, utilisent leurs navires. La solution est plus simple, plus rapide et moins coûteuse. On ajoutera qu’avec seulement 7 A400M commandés par la Belgique, le transport maritime s’imposera de toute façon.
Quelques considérations politiques
Alors que G. Verhofstadt vient de rencontrer le président français pour notamment s’entretenir de la défense européenne, il est bon de rappeler qu’avec 10 millions d’habitants, la Belgique fait moins pour sa défense que plusieurs Etats plus petits. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à parler de l’exercice de free-riding de Bruxelles, qui bénéficierait d’une sécurité payée par d’autres, France, Allemagne et Pays-Bas en tête. Or, les budgets sont à la baisse partout, ce qui signifie que l’on demandera plus à une Belgique dont les dernières statistiques de l’OTAN montrent qu’elle la dernière de ses membres en matière de part du budget affecté à l’équipement. Or, à plus de 3 millions d’euros pièce, un AIV doté d’un canon de 90 mm sera plus cher qu’un Leopard II d’occasion, quasiment neuf, acheté à nos voisins pour moins d’un million. Le poids politique de cette décision pour le moins économique serait important et la protection de nos soldats serait meilleure. Bien d’autres dossiers en souffrance à la défense pourraient être financés.
Pourquoi, dès lors, ne pas envisager cette option ? Dans le chef de l’ancien ministre de la défense comme du Sénateur, le véhicule à roue, c’était la modernité. A bien y regarder, ça l’a effectivement été. Mais c’était vers 1996, lorsque la vision américaine, promue par le général Shalikashvilli, envisageait des myriades de véhicules à roues (les « brigades Stryker »). Elles auraient été dotés d’un « blindage informationnel », en fait des réseaux de surveillance ultrasophistiqués. Mais cette vision a démontré son échec dans les phases de stabilisation d’un conflit irakien dont les tactiques sont celles des conflits futurs et d’opérations de maintien de la paix… de moins en moins pacifiques. A cet égard, la vision défendue par P. Monfils n’est sans doute pas celle de la guerre froide. Mais cette vision, imaginée à une époque où des technologies impayables pour la Belgique devaient « changer la nature de la guerre », est devenue totalement has been face aux réalités, au point que les Américains eux-mêmes en reviennent. Sommes-nous obligés de faire les mêmes erreurs ?
vendredi 22 février 2008
Le Dolgorukiy enfin à l'eau
Le Youri Dolgorukiy, tête de la nouvelle classe de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins russes a finalement été mis à l’eau le 13 février 2008. Au terme de son baptême en avril 2007, le bâtiment était resté en cale sèche.
90 mm : Ducarme contre-attaque
Vous aurez sans doute lu l'interview de P. Monfils, accordée en début de semaine à La Libre et vous aurez sans doute été, comme moi, assez sceptique sur la pertinence et la validité factuelle des arguments avancés. J'ai d'ailleurs préparé une "opinion" que j'enverrai pour proposition de publication au qutodien, tout à l'heure.
Denis Ducarme n'a cependant pas pris autant de temps que moi. Pour preuve, il a réagit hier soir sur son blog. Morceaux choisis : "Philippe Monfils indique que nos voisins ont mis « leurs chars en vente » et « favoriseraient l’usage de véhicule blindés sur roues ». Cette affirmation est évidemment fausse".
Et d'ajouter qu'"aucun char Leclerc français n’est mis en vente, si les Allemands et les Hollandais vendent une partie des leurs, c’est parce qu’ils sont surnuméraires face à leurs nouvelles structures (les Pays-Bas en gardent 84, les Allemands, plus de 1000). Les Britanniques modernisent leurs chars, les Américains aussi. Le Canada, le Portugal et l’Australie avaient envisagé d’abandonner les chars, ils y reviennent finalement (respectivement, des Léopards II et des M-1 américains).
Au final, "Personne en Europe – sauf la Belgique – n’envisage aujourd’hui d’abandonner sa composante « char » et la majeure partie des forces armées se réoriente vers les véhicules portés sur chenilles". A ma connaissance, plus précisément, personne au monde ne songe à se départir de l'instrument de dissuasion tactique - et donc de protection des forces - que constitue le char de bataille. Et si nous n'en sommes plus aux volumes de la guerre froide, la fonction assumée par le char a également mûté profondément, ce que démontrait brillament Marc Chassillan dans le n°7 de DSI, en septembre 2005.
On ne peut donc mieux dire. D'autant plus que la référence à la soit-disant évolution de la nature de la guerre par Philippe Monfils se traduirait par la nécessité de l'allègement des dispositifs de force. Ce qui, là aussi, a fait tiquer - comme toute personne ayant un peu lu sur le sujet ces dernières années - le vice-président de la commission de la défense : "En matière de nature d’évolution dans la nature des conflits à laquelle Philippe Monfils fait allusion, on doit citer Vincent Desportes du CDEF (Centre de Doctrine de l’emploi de la force) dont le dernier ouvrage « la guerre probable » fait autorité en matière de doctrine d’emploi de la force armée".
Dernier pied de nez du vice-président à l'ex-président : le programme du MR (dont ils sont tous les deux membres) demande l'achat de chars d'occasion. Décidément, oui, la sortie de P. Monfils laissera sceptique...
Denis Ducarme n'a cependant pas pris autant de temps que moi. Pour preuve, il a réagit hier soir sur son blog. Morceaux choisis : "Philippe Monfils indique que nos voisins ont mis « leurs chars en vente » et « favoriseraient l’usage de véhicule blindés sur roues ». Cette affirmation est évidemment fausse".
Et d'ajouter qu'"aucun char Leclerc français n’est mis en vente, si les Allemands et les Hollandais vendent une partie des leurs, c’est parce qu’ils sont surnuméraires face à leurs nouvelles structures (les Pays-Bas en gardent 84, les Allemands, plus de 1000). Les Britanniques modernisent leurs chars, les Américains aussi. Le Canada, le Portugal et l’Australie avaient envisagé d’abandonner les chars, ils y reviennent finalement (respectivement, des Léopards II et des M-1 américains).
Au final, "Personne en Europe – sauf la Belgique – n’envisage aujourd’hui d’abandonner sa composante « char » et la majeure partie des forces armées se réoriente vers les véhicules portés sur chenilles". A ma connaissance, plus précisément, personne au monde ne songe à se départir de l'instrument de dissuasion tactique - et donc de protection des forces - que constitue le char de bataille. Et si nous n'en sommes plus aux volumes de la guerre froide, la fonction assumée par le char a également mûté profondément, ce que démontrait brillament Marc Chassillan dans le n°7 de DSI, en septembre 2005.
On ne peut donc mieux dire. D'autant plus que la référence à la soit-disant évolution de la nature de la guerre par Philippe Monfils se traduirait par la nécessité de l'allègement des dispositifs de force. Ce qui, là aussi, a fait tiquer - comme toute personne ayant un peu lu sur le sujet ces dernières années - le vice-président de la commission de la défense : "En matière de nature d’évolution dans la nature des conflits à laquelle Philippe Monfils fait allusion, on doit citer Vincent Desportes du CDEF (Centre de Doctrine de l’emploi de la force) dont le dernier ouvrage « la guerre probable » fait autorité en matière de doctrine d’emploi de la force armée".
Dernier pied de nez du vice-président à l'ex-président : le programme du MR (dont ils sont tous les deux membres) demande l'achat de chars d'occasion. Décidément, oui, la sortie de P. Monfils laissera sceptique...
jeudi 21 février 2008
Un grand merci !
A toutes celles et ceux qui m'ont par ce blog, par mail ou par téléphone envoyé leurs félicitations et autres encouragements dans le cadre de la thèse. Pour les remercier, elles et eux comme les autres, la table des matières de ma thèse devrait bientôt être en ligne sur le site de l'ULB, je ne manquerai pas de mettre le lien (qui à dit "noooonn, pas ça !!" ?). En attendant, voilà toujours quelques photos des opérations !
Embouteillages dans la journée... et en orbite
La destruction réussie du satellite US a plus de 240 km a causé une légère surcharge de votre serviteur, ce qui sera à lire demain dans Le Temps (Suisse) à et à écouter aujourd'hui sur Medi-1. Entre-temps, je suis revenu avec BFM sur l'évolution du terrorisme au Maroc et en particulier sur les leçons que nous enseignaient dans un DSI le directeur du BKA allemand sur la conjonction d'intérêts entre des groupes terroristes et le grand banditisme.
Bref, moi qui pensais détailler quelque peu les "vertus", si l'on peut s'exprimer ainsi, du tir d'hier soir, me voilà contraint de compacter mon analyse. Soulignons juste que le choix du SM-3 est judicieux : il est bien plus fiable que les intercepteurs basés au sol en Californie et en Alaska (je renvoie au DSI de mai 2007 et à l'article de J.P. Baulon) et que ce choix est également politique à au moins 3 égards :
1) Il a certes une valeur sémiotique vers la Chine mais aussi vers la Russie (que peu de candidats aux présidentielles aiment), qui avait été la première à mettre en oeuvre un engin ASAT (un satellite kamikaze monté sur SS-9), tout en indiquant à Pékin que les Américains n'attendent pas, eux, que les conditions favorables à un tir soit réunies.
La manoeuvre est dissuadante mais elle vise aussi à imposer les Etats-Unis comme les vrais "pros" de l'ASAT : où il veulent (le SM-3, sur croiseur et destroyer, est mobile) et quand il le veulent (le SM-3 est opérationnel et 75 nouveaux exemplaires viennent juste d'être commandés pour plus d'un milliard de dollars). En somme, de quoi faire passer les Chinois pour des amateurs.
2) La manoeuvre de politique interne est brillante : au moment où le budget de l'exécutif a été déposé au Congrès, le tir balaie une bonne partie des critiques selon lesquels les ABM US sont coûteux et inefficaces. Or, le tir prouve qu'ils sont efficaces mais qu'en plus, ils ont une fonction ASAT utile pour des missions d'interdiction d'accès. Nous y ajouterons, sans doute, les ricanements - ici très accessoires - de la Navy à l'égard de l'Air Force.
3) Le tir à une valeur politique à l'égard des alliés à dexu égards. Premièrement, Washington pose que si "vous êtes menacés par un réservoir d'hydrazine ? Peu importe qu'il en tombe une dizaine par ans, nous vous protégeons". Deuxièmement, Washington attend desdits alliés qu'ils donnent un coup de main non seulement aux plans US en Europe mais aussi dans l'architecture ABM US : l'Australie et d'autres seraient ainsi approchés pour un achat de SM-3. Au-delà de la politique, il y a donc un peu de marketing - juste un peu - aussi.
Au final donc, pas de guerre des étoiles : on est très loin des lasers spatiaux - la performance technique est tout de même remarquable. Mais on est bien sur Terre, les pieds dans la politique. Laquelle, d'ailleurs, pourrait en profiter pour dépoussiérer quelque peu l'OST de 67, pour le coup. Histoire de priver définitivement Russes et Chinois d'une capacité ASAT qu'ils ne maîtrisent pas encore (ou plus) et de garder définitivement le leadership en ASAT... sur base d'un engin qui n'est pas conçu pour cela, n'est-ce pas ?
Bref, moi qui pensais détailler quelque peu les "vertus", si l'on peut s'exprimer ainsi, du tir d'hier soir, me voilà contraint de compacter mon analyse. Soulignons juste que le choix du SM-3 est judicieux : il est bien plus fiable que les intercepteurs basés au sol en Californie et en Alaska (je renvoie au DSI de mai 2007 et à l'article de J.P. Baulon) et que ce choix est également politique à au moins 3 égards :
1) Il a certes une valeur sémiotique vers la Chine mais aussi vers la Russie (que peu de candidats aux présidentielles aiment), qui avait été la première à mettre en oeuvre un engin ASAT (un satellite kamikaze monté sur SS-9), tout en indiquant à Pékin que les Américains n'attendent pas, eux, que les conditions favorables à un tir soit réunies.
La manoeuvre est dissuadante mais elle vise aussi à imposer les Etats-Unis comme les vrais "pros" de l'ASAT : où il veulent (le SM-3, sur croiseur et destroyer, est mobile) et quand il le veulent (le SM-3 est opérationnel et 75 nouveaux exemplaires viennent juste d'être commandés pour plus d'un milliard de dollars). En somme, de quoi faire passer les Chinois pour des amateurs.
2) La manoeuvre de politique interne est brillante : au moment où le budget de l'exécutif a été déposé au Congrès, le tir balaie une bonne partie des critiques selon lesquels les ABM US sont coûteux et inefficaces. Or, le tir prouve qu'ils sont efficaces mais qu'en plus, ils ont une fonction ASAT utile pour des missions d'interdiction d'accès. Nous y ajouterons, sans doute, les ricanements - ici très accessoires - de la Navy à l'égard de l'Air Force.
3) Le tir à une valeur politique à l'égard des alliés à dexu égards. Premièrement, Washington pose que si "vous êtes menacés par un réservoir d'hydrazine ? Peu importe qu'il en tombe une dizaine par ans, nous vous protégeons". Deuxièmement, Washington attend desdits alliés qu'ils donnent un coup de main non seulement aux plans US en Europe mais aussi dans l'architecture ABM US : l'Australie et d'autres seraient ainsi approchés pour un achat de SM-3. Au-delà de la politique, il y a donc un peu de marketing - juste un peu - aussi.
Au final donc, pas de guerre des étoiles : on est très loin des lasers spatiaux - la performance technique est tout de même remarquable. Mais on est bien sur Terre, les pieds dans la politique. Laquelle, d'ailleurs, pourrait en profiter pour dépoussiérer quelque peu l'OST de 67, pour le coup. Histoire de priver définitivement Russes et Chinois d'une capacité ASAT qu'ils ne maîtrisent pas encore (ou plus) et de garder définitivement le leadership en ASAT... sur base d'un engin qui n'est pas conçu pour cela, n'est-ce pas ?
mercredi 20 février 2008
Interview : démentèlement d'un groupe terroriste au Maroc
Pour ceux qui captent RTL-TVI, la sympathique équipe emmenée par Nadia Bouria vient de m'interviewer sur le démentelement d'une cellule marocaine - apparement plus liée à l'islamisme "soft" qu'à Al Qaïda au Maghreb - qui a directement bénéficié du "casse du siècle", en 2001, sur l'aéroport de Luxembourg et où était mêlé le truand belge M. Habran. Comme quoi, Jacques Baud et sa vision de l'interpénétration du grand banditisme et du terrorisme trouvent un cas d'application tèrs concert et, pour une fois, public.
A voir ce soir au JT de 1900.
A voir ce soir au JT de 1900.
Y'a sondage !
Profitant d'une nouvelle fonctionalité offerte par Blogger, j'ai lancé un petit sondage, juste à la droite de votre écran. Et on ne triche pas, hein !
Back online
Et me voilà de retour après une matinée de cours donnés aux - très motivés et extrêmement sympathiques - stagiaires de 3ème cycle de l'ERM (l'équivalent du CID) sur "RMA et pensée stratégique". Dieu que trois heures de cours passent vite !
Je médite également une interview de Philippe Monfils, parue ce matin dans La Libre à propos de la nécesité des AIV et... de l'inutilité du char. L'élément de dissuasion est complètement ignoré, comme les débats stratégiques voire le simple bon sens. Si, effectivement, un char ne rentre pas dans un C-130, je serais surpris qu'un AIV/90 mm le fasse également, vu les difficultés qu'a un stryker avec une tourelle de faible profil de le faire.
Nos lecteurs seront par ailleurs surpris d'apprendre que "tous nos voisins ont mis leurs chars en vente sur le marché de l'occasion". L'ABC française va connaître un certain nombre d'infarctus et je ne parle pas du KRK allemand ou de BAE Systems, qui modernise les Challenger 2 britanniques...
Ca mérite bien évidemment une réponse mais je vais prendre mon temps pour l'écrire. Après tout, le DSI ne se fait pas tout seul !
Je médite également une interview de Philippe Monfils, parue ce matin dans La Libre à propos de la nécesité des AIV et... de l'inutilité du char. L'élément de dissuasion est complètement ignoré, comme les débats stratégiques voire le simple bon sens. Si, effectivement, un char ne rentre pas dans un C-130, je serais surpris qu'un AIV/90 mm le fasse également, vu les difficultés qu'a un stryker avec une tourelle de faible profil de le faire.
Nos lecteurs seront par ailleurs surpris d'apprendre que "tous nos voisins ont mis leurs chars en vente sur le marché de l'occasion". L'ABC française va connaître un certain nombre d'infarctus et je ne parle pas du KRK allemand ou de BAE Systems, qui modernise les Challenger 2 britanniques...
Ca mérite bien évidemment une réponse mais je vais prendre mon temps pour l'écrire. Après tout, le DSI ne se fait pas tout seul !
mardi 19 février 2008
Suède : vers un adieu à la neutralité ?
Le ministre suédois de la défense a indiqué dans un quotidien que l'adhésion à l'OTAN était une évolution "naturelle" pour la Suède dans le long terme. Si elle participe déjà au PPP et à l'ISAF, elle pourrait également rejoindre la NRF.
Si cette évolution se confirme, le modèle de la neutralité à l'européenne pourrait être sérieusement ébranlé et il ne serait pas étonnant de voir des mouvements similaires se dessiner - toujours dans le long terme - en Autriche ou en Finlande.
Le fait est, également, que la Suède n'a plus les moyens de son autonomie en matière de défense. Le modèle défendait certes un non-alignement strict mais, également, la préservation d'une BITD suffisament puissante que pour alimenter de façon quasi-autarcique le pays. A une certaine époque, un programme nucléaire militaire avait même été lancé.
De ce point de vue, l'annonce du ministre Tolfgors intervient quelques jours après l'annulation du programme SEP. Un signe parmi d'autres que les Transformations imposent par leur densité un travail en commun ?
Si cette évolution se confirme, le modèle de la neutralité à l'européenne pourrait être sérieusement ébranlé et il ne serait pas étonnant de voir des mouvements similaires se dessiner - toujours dans le long terme - en Autriche ou en Finlande.
Le fait est, également, que la Suède n'a plus les moyens de son autonomie en matière de défense. Le modèle défendait certes un non-alignement strict mais, également, la préservation d'une BITD suffisament puissante que pour alimenter de façon quasi-autarcique le pays. A une certaine époque, un programme nucléaire militaire avait même été lancé.
De ce point de vue, l'annonce du ministre Tolfgors intervient quelques jours après l'annulation du programme SEP. Un signe parmi d'autres que les Transformations imposent par leur densité un travail en commun ?
On the road again
Les dernières brumes de sommeil s'étant définitivement levées, je me suis donc réveillé docteur au terme d'une soutenance assez sympathique, avec pas mal de questions et de discussions vraiment intéressantes (le rôle des cultures bureaucratiques dans la technologisation, l'acculturation de la RMA au Japon, en Israël et en Chine ; l'évolution de la fonction protection, etc.) et... le meurtre patenté de deux caisses de champagne. A ma décharge, je n'ai pas tout bu ;o)