Je viens de tomber sur un texte d'Umberto Eco écrit en septembre 06 et paru dans le Nouvel Observateur, que vous pouvez lire ici, particulièrement intéressant de part le rôle dévolu à la culture - et notamment à l'ethnologie comme instrument de compréhension des acteurs d'un conflit.
Il l'est également du point de vue du rapport que l'auteur entretient à la guerre mais pas pour les mêmes raisons. Détrônant Clausewitz, Eco indique qu'"on a compris l'impossibilité et l'inutilité de la guerre traditionnelle, théorisée par Clausewitz. Au cours des siècles, pour qu'il y ait une guerre, il fallait deux camps en conflit, bien identifiables".
Eco, ici, se trompe quelque peu de cible : Clausewitz théorisait la relation entre guerre et politique. Cette relation, cette "formule", ne peut en aucun cas être une réduction/fusion abusive entre politique et Etat. Clausewitz a beau être confondu fréquemment avec l'époque des guerres totales - certes révolue - et comme le thuriféraire de la projection militaire du réalisme (au sens des Relations Internationales), l'auteur est plus complexe.
Notre cher vieux Carl est sans doute trop cité en étant trop peu lu. Comme s'il n'avait jamais donné de cours ou écrit sur la petite guerre (S. Picaud avait publié une démonstration très éclairante de cet intérêt dans DSI n°16) et alors même qu'il jugeait De la guerre complètement inachevé.
A ces égards, Clausewitz est très loin d'être mort : il n'a peut-être jamais été aussi vivant, ce qu'avec mes compères du RMES nous avions qualifié de néo-clausewitzianisme dans Au risque du chaos. Et je ne parle même pas là encore des brillants travaux qu'a notamment effectué Beyerchen sur le rapport de Clausewitz à la non-linéarité. Précisément celle qui est au coeur des dynamiques de la guerre réseaucentrée.
Pour en revenir à Eco, les "camps" sont toujours bien établis. Mais ils ne se mesurent plus à l'aune des frontières mais bien des choix politiques des individus, amalgamés en groupes sociopolitiques à la dynamique complexe. Donna Harraway, avec son bagou provoquant et incisif le résumait ainsi : à l'ère postmoderne (là, j'ai toujours un problème de définition avec elle mais ça n'enlève rien à ce qui va suivre), l'individu est une question de défense stratégique. Et elle n'a pas attendu le 11 septembre pour le dire.
Lorsque je l'avais cité sur un plateau télé après les attentats d'Istanbul (fin 2003) et que j'avais ajouté que l'éducation est une question de défense stratégique, aucun responsable politique sur le plateau n'avait cillé. Retour donc à la question de la culture. Umberto, j'ai donc fini de vous embêter !
Excellent votre article : "La pensée contre la force : pourquoi l'éducation
RépondreSupprimerest une question de défense stratégique". Vérité Antique bonne à rappeler.