vendredi 5 février 2010

Comment 20 ans de désinvestissements ont abouti au pire échec de l'armée belge depuis 1940

En 1940, les Belges se sont, grosso modo, vaillament battus. Une compagnie de réserve des chasseurs ardennais a bloqué plusieurs heures quelques divisions allemandes. On s'est fait avoir, mais avec une certaine fierté, tout de même - si ce n'est une suite d'erreurs stratégiques qui me rappellent pourquoi j'ai décidé de consacrer ma carrière aux questions de défense et en particulier à leur versant doctrinal.

Mais la petite dernière vaut tout les anéantissements du monde : une équipe de "bomspotters" antinucléaires a réussi à pénétrer l'enceinte de la base de Kleine Brogel, diffusant des images prises à l'intérieur de hangarettes (vides, en l'occurrence). Au sein de la base, ils semblent s'être approchés des WS3, les bunkers où sont stockés les armes nucléaires US sous régime de double clé.

En bref, les activistes se sont promenés en plein milieu de la première base aérienne du pays pendant une heure, d'après les journaux télévisés. La réponse du ministère de la défense est aussi étonnante que lapidaire : en substance, "la base a un périmètre de 16 km et il n'est pas possible de tout surveiller".

Comme il doit y avoir un ange gardien pour les idiots, on avait ici affaire à des activistes, non-violents par définition - à l'exception peut être de l'un ou l'autre FOD laissé sur les taxiways - et non à des gens autrement plus mal intentionnés. Heureusement : le soldat allant à la rencontre des activistes n'avait pas son arme chargée.

Ne nous voilons pas la face : malgré les démentis du Mindef, c'est un échec particulièrement grave pour la Défense, la pire claque, sans doute, depuis 1940. Le Rwanda et ses 10 paras sont attribuables au politique, ici, nous avons affaire à autre chose. Pour deux trois incidents de moindre ampleur, le secrétaire à l'Air force américaine a volé à la porte.

Mais, derrière ma sourde colère (qui doit être partagée : je connais bon nombre de gars dans les forces qui ont dû tomber de leur chaise), quelle est la part de la défense dans cette affaire ? Il faut ici recontextualiser : à force de casser les budgets, de tout réduire, de ne pas protester, le politique n'a-t-il pas une part de responsabilité ? A force de se désintéresser de ce qui fait la moëlle de sa fonction - la base du contrat social, c'est précisément la sécurité - était-ce vraiment inévitable ?

L'adaptation "aux bouts de ficelle" des forces à ses limites... Pas la responsabilité du politique.

4 commentaires:

  1. Et la "démolition" qui est sur la table ne ce moment ne va rien résoudre au problème ! Bien au contraire, puisque cette réduction drastique des effectifs n'est qu'un one-shot et qu'elle sera immanquablement suivie d'une énième restructuration dans 2 ou 3 ans, jusqu'à ce que les effectifs soient inférieurs à 25.000 militaires. Comment voulez-vous que dans de telles conditions la Défense puisse assumer ses ambitions ?

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  2. bomspotters : Merci pour le cours d'anglais je ne connaissais pas l'expression.

    JH, n'oubliez pas que la défense d'une langue est aussi un combat, et plus encore, un objectif hautement stratégique.

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  3. N'y a t'il pas aussi une force de MP de l'USAF pour surveiller ces dépots de munitions nucléaire ?

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  4. @Marko : bomspotters relève du néerlandais. Ceci dit, si la langue constitue un facteur d'imprécision lorsque les choses sont nommées, je passe outre une modalité de défense trop statique envisageant de s'accrocher à des terminologies inadaptées.

    Et je puis pourtant vous assurer de mon amour du français, ça ne m'empêche nullement d'être quadrilingue ;o)

    @ Frederic : oui, il y en a. Mais manifestement, les spotters se sont approchés des WS3, sans y pénétrer. Encore heureux ! ;o)

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