mercredi 16 décembre 2009

Défense belge : quo vadis ?

Mes journées sont ainsi faites que, parfois, je tombe avec beaucoup de retard sur mes messages téléphoniques. Un de ces messages provenait d'un ami très proche me demandant ce que je pensais des différentes annonces faites autour de la réforme de la défense belge et s'étonnant de ne pas m'avoir vu sortir dans la presse locale à ce sujet.

Et bien, disons qu'outre le fait que mes journées soient particulièrement chargées ces derniers temps, j'attend de voir comment les choses se déroulent : est-ce vraiment aussi terrible que je le pressent ? Les seules sorties des hommes politiques ne se font-elles que dans l'optique de la protection de "leurs" casernes (et, surtout, des avantages économiques qui en découlent) ? Au mieux, l'aspect le plus politique de la chose ne toucherait-il que des questions d'ordre communautaires (ce qui reste de l'artillerie serait "flamandisé") ?

Verra-t-on des questions d'ordre véritablement stratégique émerger ? Des questions telles que "la suppression d'une brigade est-elle compatible avec nos engagement OTAN" ? Ou encore, "une brigade médiane comme composante la plus lourde des forces terrestres, est-ce compatible avec le caractère contemporain de la guerre" ? Ou encore "quels sont les paramètres stratégiques (donc, au-delà des questions économiques) de cette réforme" ? Bref, les questions réellement intéressantes lorsque l'on parle de défense ?

Pour reprendre le cas de l'artillerie, le fait qu'elle ait été euthanasiée par le précédent ministre - pour ne lui laisser que quelques canons de 105 mm - n'a suscité aucune question. Alors pourtant que son utilité en COIN n'est pas mince et qu'employer du 105 vous gardera bien d'utiliser des munitions de précision, calibrées pour l'essentiel en 155. Au final, de quoi ne plus jamais l'utiliser tout en faisant semblant d'encore disposer d'une artillerie.

En fait, pour dire le vrai, les différentes sorties que nous avons vu m'incitent à attendre et observer. Fondamentalement, le "plan De Crem" est un énième plan visant à compresser les coûts - car c'est de celà dont il s'agit et de rien d'autre - et de raboter un instrument de défense qui ne demande qu'une vraie réforme. Mais pas d'abrasions successives qui ne seraient fondées que sur la vision d'un plan stratégique datant de 1999 - bien avant le 11 septembre - et qui serait uniquement conduite sur base de considérations économiques.

Regardons les choses en face : pour le ministre, la "réforme" a été l'occasion de se refaire une réputation politique au sein du gouvernement. Vu le contexte économique, aucun partenaire gouvernemental n'est incité à poser les questions qui dérangent. Celles, par exemple, qui portent sur la protection des infrastructures critiques, sur la capacité des forces à contrer les effets d'une catastrophe naturelle, celles qui portent sur le contre-terrorisme, sur la capacité à intégrer une coaliation et à y jouer le même type de rôle que des Etats comparables, comme le Danemark ou la Suède. Et in fine, celles qui portent sur le coeur du contrat social liant les Belges à leur Etat : la sécurité.

D'un autre côté, face aux pressions gouvernementales et au cumul du manque de projet stratégique de ces 20 dernières années, y avait-il une autre solution ? Les tares sont connues. Espérer dégager quelques marges pour des équipements qui nous ont pris au piège des contrats passés demandait un séisme. La défense belge est prise au piège des presque-décisions passées : sans doute, de ce point de vue, avons nous dépassé le stade au-delà duquel toute amélioration de l'état de santé du patient est subordonnée à quelques amputations. Là encore, sans que les médecins ne puissent définir une véritable stratégie.

Aujourd'hui, nous sommes, à 65 ans de décalage, au premier jour du lancement de la bataille des Ardennes. Pour avoir fait mes classes à Libramont, j'ai été pour le moins sensibilisé à la question (1). Si, en 1940, la réflexion stratégique avait suivi nos investissements, beaucoup de choses auraient pu changer. Aujourd'hui, nous n'avons plus ni la réflexion, ni les investissements. Et mis à part quelques camarades qui se reconnaîtront, tout le monde s'en fiche.

L'edit de fin de soirée : sur la question, socialement et politiquement sensible, des déplacements de casernements et les déménagements de familles qui y sont liés. Ma première réaction sera bête et méchante : si les hommes politiques qui critiquent ce plan avaient mis autant d'énergie à soutenir les demandes budgétaires de la défense, je n'y aurait pas vu de problème. Ma deuxième réaction sera plus nuancée : on ne peut pas en vouloir à un gars de râler parce qu'il doit se retrouver dans l'autre partie du pays, à devoir parler quotidiennement une langue qui n'est pas nécessairement la sienne. Mais là aussi, le politique a-t-il fait son devoir ? Dans l'explication des contraintes du métier et dans sa communication vers les candidats ? Dans le fait de faire en sorte qu'un Belge du sud se sente chez lui au nord et vice-versa ?

(1) Petite anecdote, ma promo avait été mobilisée pour le banquet des 50 ans de la bataille. D'où mon premier contact avec la politique internationale : servir du potage à Madeleine Albright, alors ambassadrice US à l'ONU, c'est arrivé à peu de chercheurs ;o) Avoir failli heurter le président de la Chambre de l'époque avec 5 litres de potage parce qu'il était incapable de faire preuve de la moindre politesse lorsqu'il avait envie de traverser une pièce, aussi !

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