A plusieurs reprises, j'ai discuté avec pas mal de gens du concept de résilience et l'une des questions revenant fréquemment tenait à son applications aux armées.
De fait, le concept a surtout émergé dans l'optique de la protection des sociétés civiles, en particulier afec à des vagues de lonewolves. Je viens de retomber sur un petit texte que j'avais gribouillé au fond d'un Thalys sur la question :
Si l'on peut considérer que la résilience s'applique à tout groupe humain et donc aux armées, l'on peut aussi considérer que les armées se doivent d'être, naturellement, résilientes. Pour toute force, l'attrition implique naturellement, lorsqu'elle est subie, de poursuivre le combat tout en encaissant une réduction des effectifs, des munitions et du moral. Et ce, jusqu'à un point signifiant la mise hors de combat.
L'attrition est l'une des composantes naturelles de l'art de la guerre ; elle découle de l'altérité dans le duel et souligne la relation de "partenaire-adversaire" des belligérants. Y affecter une valeur de résilience alors que cette dernière a été conçue pour faire face à l'implication des sociiétés civiles épargnées par les conditions contemporaines de la guerre (et donc, en somme, pour lui faire accepter l'attrition imposée par le terrorisme) est naturellement problématique.
Dans cette optique, parler de résilience dans les armées :
- c'est oublier qu'elles sont naturellement soumises à l'attrition ;
- c'est, pourquoi pas, refuser l'altérité dans le duel.
Ces deux aspects sont liés. Ils impliquent une volonté de sortie de l'art de la guerre occidental du "fracas du monde" - j'y vois même une des conséquences délétères d'une RMA cherchant à "imposer les règles du jeu" à un adversaire, les disqualifiant d'asymétriques s'ils se mettent à tricher (sauf qu'à la guerre, la triche est la règle, quoiqu'en disent nos camarades juristes). Au premier chef, la résilience vise d'abord des sociétés qui ne sont plus soumises aux lois de l'attrition. Le concept même de taux d'échanges et celui de pertes y sont devenus inadmissibles.
On comprend pourtant cette mobilisation de l'attrition : depuis les années 1970, elle est plus imposée par les forces occidentales que subie par elles. Or, les nouvelles conditions de l'art de la guerre nous font redécouvrir des pertes que nous avions rêvé, par la RMA, d'éliminer. La mobilisation du concept de résilience dans le cadre militaire est peut être donc, plus qu'une réponse conceptuelle, le symptôme d'un retour à un aspect de l'attrition qui, par la force des choses, nous était devenu moins familier.
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