Il y a des moments dans la vie d'un chercheur où il peut être pris d'une pulsion quasi-incontrôlable le poussant à la rédaction d'un petit quelque chose qui lui semblera malgré tout inachevé. Le phénomène est classique : bien que vous puissiez travailler sur une série de projets, un autre semble poindre à l'horizon d'une façon presque sourde et finit un beau jour par éclater.
Pour ma part, l'un de ces projets "furtifs" a démarré en 1998, il y a plus de 10 ans, lorsque j'ai entamé les recherches préliminaires devant mener à mon mémoire de fin d'études et à une belle brique de 201 p. poétiquement intitulée "Application des doctrines de défense défensive à la Pologne et à la Roumanie, faisabilité et implications".
Même si, rétrospectivement, le travail me semble manquer quelque peu de sel - malgré ses très honorables 172/200 et une invitation à le publier - j'y parlais pas mal de techno-guérilla. Brossolet et Afheldt n'en constituent qu'un des volets. Le SAS, un groupe d'étude allemand des années 80 et comptant de nombreux (et brillants) officiers a sans doute poussé le concept beaucoup plus loin. Bref, je m'étais bien amusé (de même que l'IRSD, qui m'avait donné un solide coup de main en testant sur CAX mes conceptions).
Mais l'occurrence de l'actuel débat "guerre de haute intensité/classique/symétrique/technologique" Vs. "guerre de basse intensité/asymétrique/irrégulière/non-technologique" m'a rappelé (avec deux conférences à l'EHESS et au château de Vincennes) à mes vieux démons de techno-guérillero. En fait, il n'y a pas de solution au débat susmentionné, simplement parce que la question qui le fonde est, si pas mal formulée, en tous cas pas la plus pertinente.
Le caractère de la guerre mute en permanence : c'est un caméléon nous apprend Clausewitz, l'adversaire ne se battra évidemment jamais comme nous entendons qu'il le fasse. Ca ne veut pas dire, évidemment, qu'il se cantonnera à une guerre asymétrique dont j'avais déjà critiqué dans les Cahiers du RMES le caractère parfois dénigrant pour l'adversaire - une source de bien de mauvaises perceptions.
C'est dans ce contexte que je me suis amusé à tester un des points faibles de la théorie de la défense défensive dans son versant "techno-guérilla" millésime "années 1980". En d'autres termes, comment un organisme étatique peut-il se réapproprier la techno-guérilla utilisée avec succès par un groupe non-étatique tel que le Hezbollah ? Est-ce seulement faisable, en particulier dans des conditions navales certes traitées par les auteurs dans les années 1980 mais toutefois de façon nettement moins approfondie qu'ils ne l'avaient fait du domaine terrestre ?
Et bien, je pense que oui. C'est non seulement faisable mais ce sera sans doute un des troisièmes termes à un débat "high/low ends" qui me semble un peu trop simpliste et qui pourrait conduire nos planifications de structures de forces vers la mauvaise direction. Un des résultats de mes cogitations vient d'être mis en ligne ici. C'est un peu long - 45 petites pages - mais, après 10 ans de percolation, il fallait bien se défouler un peu.
Ah, quand même... Effectivement, c'est du lourd version Henrotin Style... Respect !
RépondreSupprimerUn texte brillant. La question de l'instrumentalisation technologique est fascinante...
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