J'ai l'honneur d'être invité au séminaire EHESS "Révolutions et mutations militaires" du 20 novembre, à un débat à propos de deux ouvrages récemment parus chez Economica : non seulement La Technologie militaire en question – le cas américain, mais aussi Irak – les armées du chaos, du lieutenant-colonel Michel Goya, de l’état-major des Armées (École des Hautes Études en Sciences Sociales, 105 boulevard Raspail, 75006 Paris ; Métro : Rennes, Notre-Dame-des-Champs ou Saint-Placide, Salle 2, 1er étage ; 17 h – 19 h).
Le 24 novembre, la thématique sera "Armée belge, menaces intérieures et résilience", dans le cadre du cycle "Le citoyen et sa défense", Espace Universitaire de Liège, Institut d'anatomie, ULg, Rue des Pitteurs, 20, Liège, 24 novembre 2008, de 14-16h.
Puis, le 2 décembre, c'est une conférence intitulée "Faux espoirs : les dilemmes de la ‘transformation’ durant la première phase de l’opération ‘Iraki Freedom’ (mars-avril 2003)" dans le cadre de la Commission nouvelle histoire bataille du CEHD (salle Costa, au rez-de-chaussée du Pavillon du Roi, au Château de Vincennes, de 17 h à 19 h). Les trois conférences sont ouvertes au public.
samedi 15 novembre 2008
vendredi 14 novembre 2008
Sécurité globale : une leçon australienne
Two Hunter traffic patrol officers from Newcastle LAC were involved in an unusual incident while checking for speeding motorists on the F3 Freeway. One of the officers used a hand-held radar device to check the speed of a vehicle approaching over the crest of a hill, and was surprised when the speed was recorded at over 800Kph.
Their radar suddenly stopped working and the officers were not able to reset it. Just then a deafening roar over the treetops revealed that the radar had in fact latched on to a Williamtown FA-18 fighter jet which was engaged in a low-flying exercise over Wyong, approaching from the ocean.
Back at police headquarters the Local Area Commander fired off a stiff complaint to the RAAF Liaison officer at Williamtown. Back came the reply in true laconic RAAF style:
"Thank you for your message, which allows us to complete the file on this incident. You may be interested to know that the tactical computer in the Hornet had detected the presence of, and subsequently locked onto, your hostile radar equipment and automatically sent a jamming signal back to it. Furthermore, an air-to-ground missile aboard the fully-armed aircraft had also automatically locked onto your equipment. Fortunately the pilot flying the Hornet recognised the situation for what it was, quickly responded to the missile systems alert status, and was able to override the automated defence system before the missile was launched and your hostile radar installation was destroyed. Thank you for your enquiry".
Y'a pas à dire, la guerre police-armée, c'est plus funky que la guerre des polices....
Their radar suddenly stopped working and the officers were not able to reset it. Just then a deafening roar over the treetops revealed that the radar had in fact latched on to a Williamtown FA-18 fighter jet which was engaged in a low-flying exercise over Wyong, approaching from the ocean.
Back at police headquarters the Local Area Commander fired off a stiff complaint to the RAAF Liaison officer at Williamtown. Back came the reply in true laconic RAAF style:
"Thank you for your message, which allows us to complete the file on this incident. You may be interested to know that the tactical computer in the Hornet had detected the presence of, and subsequently locked onto, your hostile radar equipment and automatically sent a jamming signal back to it. Furthermore, an air-to-ground missile aboard the fully-armed aircraft had also automatically locked onto your equipment. Fortunately the pilot flying the Hornet recognised the situation for what it was, quickly responded to the missile systems alert status, and was able to override the automated defence system before the missile was launched and your hostile radar installation was destroyed. Thank you for your enquiry".
Y'a pas à dire, la guerre police-armée, c'est plus funky que la guerre des polices....
jeudi 13 novembre 2008
De la relativité des niveaux d'engagement
F. de St V. revient sur la question du glissement du concept de dissuasion du niveau stratégique au niveau tactique et pose là une des questions cruciales du débat, que je n'avais abordé que périphériquement.
Le concept même de niveau d'engagement (stratégique/opérationnel/tactique) est non seulement un des élémentaires de la boîte à outil du stratégiste mais c'est aussi un triptyque conceptuel à la fois fuyant conceptuellement et relatif dans le temps. Absolument valable dans son étagement traditionnel durant la guerre froide, il a connu des mutations profondes durant les années 1990.
Le général Carlo Jean montrait ainsi non plus l'étagement linéaire de ces niveaux mais bien leur interpénétration non linéaire, via un schéma que j'ai eu l'occasion de reproduire à plusieurs reprises dans mes bouquins (désolé : dessiner sur un blog, ce n'est pas évident !). En conséquence, des actes tactiques peuvent avoir des conséquences politiques directes. C'est le cas du retrait belge du Rwanda consécutif à la perte de 10 parachutistes ou du retrait US de Somalie suite à la perte de leurs Rangers au Mog. De là découlait la vision d'un Krulak sur le caporal stratégique.
Mais l'inverse est également vrai : des actes politiques peuvent avoir des conséquences tactiques directes. C'est le cas, par exemple, de l'interférence politique de certains Etats européens dans la constitution des plans de frappe d'Allied Force en 1999. On peut également se demander ce que produirait l'injection sur la TV d'un chef d'Etat les images produites par une unité sur le terrain : le cas n'est pas d'école, il s'est produit notamment en Bosnie, aboutissant à la prise en main quasi-directe de l'unité en question par les responsables politiques.
Reste la question de savoir si les concepts "glissent" au long de ces changements d'agencement des niveaux d'engagement. Je dirais "oui". C'est typiquement le cas des forces spéciales : d'emploi stratégique, elles sont basiquement, de par leur taille, tactiques (et conçues comme telles durant la guerre froide, pour l'OTAN du moins). C'est aussi le cas de la Première Guerre mondiale : la manoeuvre d'une division était tactique. Maintenant, elle serait éminement politique.
C'est aussi le cas en stratégie aérienne : le coeur conceptuel de l'approche synergistique que j'avais défendu dans mon second ouvrage est que la conjonction doctrinale/technologique/stratégique allait vers des échelonnements de puissance différenciés. Seule compte, dès lors, la perception de la puissance et la conception des plans d'opérations : un même avion peut frapper un char ou le bureau d'un chef d'Etat.
C'est pareil pour la dissuasion : lors de Vigilant Warrior, en 93, les USA expédient en vitesse des forces terrestres, navales et aériennes vers le Koweït (action stratégique) pour dissuader des mouvements de troupe irakiens sur le sol irakien (à ce moment tactiques). Lorsqu'un SNA français bloque les gorges de Kodor, il entend dissuader une sortie sous-marine serbe (action tactique) qui, si elle se produisait, chasserait les porte-avions de l'OTAN de l'Adriatique (effet opérationnel, voire stratégique). Idem lorsque les Pakistanais sortent le Ghazi de Karachi (tactique) : ils veulent éloigner la menace de l'emploi d'un PA indien contre leur principale base navale. En panne - et méfiant - le bâtiment et son commandant seront ensuite engagés contre le futur Bengladesh (niveau ops).
Au final, il faut se garder d'une conception trop rigide, trop fondée sur les manuels, des concepts inhérents aux études stratégiques : les niveaux d'engagement montrent une réelle "mobilité" qui entraîne avec eux d'autres concepts. Et le concept de dissuasion lui-même, s'il peut être culturellement interprété (cas français) pour remplir une fonction spécifique ne change pas nécessairement dans sa nature.
H. Khan montrait ainsi comment les systèmes de dissuasion peuvent se former : les rapports de force, leur interprétation et la crédibilité comme pierre angulaire de toute dissuasion sont virtuellement immémoriaux. Il basait ainsi sa démonstration sur une situation pré-nucléaire : le non-usage de l'arme chimique par les Allemands contre la Grande-Bretagne (et vice-versa) durant le Blitz.
Le concept même de niveau d'engagement (stratégique/opérationnel/tactique) est non seulement un des élémentaires de la boîte à outil du stratégiste mais c'est aussi un triptyque conceptuel à la fois fuyant conceptuellement et relatif dans le temps. Absolument valable dans son étagement traditionnel durant la guerre froide, il a connu des mutations profondes durant les années 1990.
Le général Carlo Jean montrait ainsi non plus l'étagement linéaire de ces niveaux mais bien leur interpénétration non linéaire, via un schéma que j'ai eu l'occasion de reproduire à plusieurs reprises dans mes bouquins (désolé : dessiner sur un blog, ce n'est pas évident !). En conséquence, des actes tactiques peuvent avoir des conséquences politiques directes. C'est le cas du retrait belge du Rwanda consécutif à la perte de 10 parachutistes ou du retrait US de Somalie suite à la perte de leurs Rangers au Mog. De là découlait la vision d'un Krulak sur le caporal stratégique.
Mais l'inverse est également vrai : des actes politiques peuvent avoir des conséquences tactiques directes. C'est le cas, par exemple, de l'interférence politique de certains Etats européens dans la constitution des plans de frappe d'Allied Force en 1999. On peut également se demander ce que produirait l'injection sur la TV d'un chef d'Etat les images produites par une unité sur le terrain : le cas n'est pas d'école, il s'est produit notamment en Bosnie, aboutissant à la prise en main quasi-directe de l'unité en question par les responsables politiques.
Reste la question de savoir si les concepts "glissent" au long de ces changements d'agencement des niveaux d'engagement. Je dirais "oui". C'est typiquement le cas des forces spéciales : d'emploi stratégique, elles sont basiquement, de par leur taille, tactiques (et conçues comme telles durant la guerre froide, pour l'OTAN du moins). C'est aussi le cas de la Première Guerre mondiale : la manoeuvre d'une division était tactique. Maintenant, elle serait éminement politique.
C'est aussi le cas en stratégie aérienne : le coeur conceptuel de l'approche synergistique que j'avais défendu dans mon second ouvrage est que la conjonction doctrinale/technologique/stratégique allait vers des échelonnements de puissance différenciés. Seule compte, dès lors, la perception de la puissance et la conception des plans d'opérations : un même avion peut frapper un char ou le bureau d'un chef d'Etat.
C'est pareil pour la dissuasion : lors de Vigilant Warrior, en 93, les USA expédient en vitesse des forces terrestres, navales et aériennes vers le Koweït (action stratégique) pour dissuader des mouvements de troupe irakiens sur le sol irakien (à ce moment tactiques). Lorsqu'un SNA français bloque les gorges de Kodor, il entend dissuader une sortie sous-marine serbe (action tactique) qui, si elle se produisait, chasserait les porte-avions de l'OTAN de l'Adriatique (effet opérationnel, voire stratégique). Idem lorsque les Pakistanais sortent le Ghazi de Karachi (tactique) : ils veulent éloigner la menace de l'emploi d'un PA indien contre leur principale base navale. En panne - et méfiant - le bâtiment et son commandant seront ensuite engagés contre le futur Bengladesh (niveau ops).
Au final, il faut se garder d'une conception trop rigide, trop fondée sur les manuels, des concepts inhérents aux études stratégiques : les niveaux d'engagement montrent une réelle "mobilité" qui entraîne avec eux d'autres concepts. Et le concept de dissuasion lui-même, s'il peut être culturellement interprété (cas français) pour remplir une fonction spécifique ne change pas nécessairement dans sa nature.
H. Khan montrait ainsi comment les systèmes de dissuasion peuvent se former : les rapports de force, leur interprétation et la crédibilité comme pierre angulaire de toute dissuasion sont virtuellement immémoriaux. Il basait ainsi sa démonstration sur une situation pré-nucléaire : le non-usage de l'arme chimique par les Allemands contre la Grande-Bretagne (et vice-versa) durant le Blitz.
mercredi 12 novembre 2008
Si, si, il y a bien une dissuasion tactique !
Olivier, à la lecture du dernier DSI, pose la question de la dissuasion tactique (en regard de l'utilisation des sous-marins) : cette terminologie est-elle bien raisonnable ? L'occasion d'un petit débat "comme on les aime" ;o)
Sur la terminologie, je persiste, en particulier dans le contexte de la stratégie navale. La "fixation", très terrienne, s'accomode mal de la logique du milieu marin, isotrope et "plat", sans guère d'ancrages topographique.
Plus largement, la relecture des travaux des années 1980 sur les conceptions de dissuasion conventionnelle (Ikenberry et consort), montre que le terme irrigue largement le niveau de la pensée stratégique - mais pas nécessairement celui de la doctrine (outre, bien évidemment, la question de la dissuasion nucléaire).
Pour le reste, en Retex terrestre, on observe ce terme assez fréquemment (je pense à l'utilisation des chars à Mitrovica, face à des foules qu'il est difficile de fixer). En fait et à mon sens, fixation et dissuasion renvoient à des formes d'action différentes, en d'autres termes, elles sont différenciées. Je m'explique : là où la fixation est tactique, elle draine avec elle une connotation... statique. Il s'agit de bloquer les mouvements d'un adversaire.
Par contre, la dissuasion, prise au sens large (y compris et au-delà la dissuasion nucléaire), offre en son sein des espaces de manoeuvre. Elle est dynamique. Les Fleets in being de la 1ere GM ne sont pas ainsi et seulement des flottes "fixées" : elles peuvent se permettre des sorties (Dogger Bank, Heligoland et bien sûr Jutland). Dans le domaine naval, plusieurs stratégistes dont Castex ont bien mis en évidence cette aptitude à la manoeuvre dans le cadre d'un équilibrage de rapports de forces crédibles et crédibilisées.
Reste, toujours pour répondre à Olivier, la question de la canalisation : les obstacles feux et/ou manoeuvres cités dans la définition de la canalisation sont problématiques non seulement en milieu marin mais aussi et plus largement par le fait qu'un sous-marin s'appuie... sur sa discrétion. La dissuasion implique peu fréquemment le feu (sauf premier tir) mais joue, par contre et pour le sous-marin, sur la catégorie de l'ambiguité et de l'incertitude : Là ? pas là ? Vraiment là ? Si oui, vraiment décidé à engager ?
Dans un tel cadre, fixation et canalisation sont claires : les intentions comme les capacités du "fixateur" sont affichées. Dans le domaine naval et sous-marin en particulier, c'est autre chose. Même au plan terrestre, dans le cadre d'une manoeuvre de crise, je pense que ce facteur de dissuasion tactique joue également : c'est l'exemple d'une force déployée dans un pays A, afin de peser sur les mouvements d'un pays B à l'égard, par exemple, d'un pays C.
Les forces de B ne sont pas fondamentalement fixées mais leur engagement chez C, au niveau opérationnel par exemple (opérationnel et opératif, autre question, sont utilisés indistinctement dans nombre de très bonnes publications), sera l'objet de moultes réflexions. A ce stade, il ne s'agit plus uniquement de jouer sur les capacités adverses (fixation et canalisation) mais aussi sur les intentions - tactiques comme politiques à l'égard d'une situation tactique* - adverses. Je persiste, donc ;o)
* : passablement contortionnée, cette phrase montre toute la problématique contemporaine des niveaux d'engagement : de plus en plus, le niveau politique gère/s'implique dans des situations tactiques.
Sur la terminologie, je persiste, en particulier dans le contexte de la stratégie navale. La "fixation", très terrienne, s'accomode mal de la logique du milieu marin, isotrope et "plat", sans guère d'ancrages topographique.
Plus largement, la relecture des travaux des années 1980 sur les conceptions de dissuasion conventionnelle (Ikenberry et consort), montre que le terme irrigue largement le niveau de la pensée stratégique - mais pas nécessairement celui de la doctrine (outre, bien évidemment, la question de la dissuasion nucléaire).
Pour le reste, en Retex terrestre, on observe ce terme assez fréquemment (je pense à l'utilisation des chars à Mitrovica, face à des foules qu'il est difficile de fixer). En fait et à mon sens, fixation et dissuasion renvoient à des formes d'action différentes, en d'autres termes, elles sont différenciées. Je m'explique : là où la fixation est tactique, elle draine avec elle une connotation... statique. Il s'agit de bloquer les mouvements d'un adversaire.
Par contre, la dissuasion, prise au sens large (y compris et au-delà la dissuasion nucléaire), offre en son sein des espaces de manoeuvre. Elle est dynamique. Les Fleets in being de la 1ere GM ne sont pas ainsi et seulement des flottes "fixées" : elles peuvent se permettre des sorties (Dogger Bank, Heligoland et bien sûr Jutland). Dans le domaine naval, plusieurs stratégistes dont Castex ont bien mis en évidence cette aptitude à la manoeuvre dans le cadre d'un équilibrage de rapports de forces crédibles et crédibilisées.
Reste, toujours pour répondre à Olivier, la question de la canalisation : les obstacles feux et/ou manoeuvres cités dans la définition de la canalisation sont problématiques non seulement en milieu marin mais aussi et plus largement par le fait qu'un sous-marin s'appuie... sur sa discrétion. La dissuasion implique peu fréquemment le feu (sauf premier tir) mais joue, par contre et pour le sous-marin, sur la catégorie de l'ambiguité et de l'incertitude : Là ? pas là ? Vraiment là ? Si oui, vraiment décidé à engager ?
Dans un tel cadre, fixation et canalisation sont claires : les intentions comme les capacités du "fixateur" sont affichées. Dans le domaine naval et sous-marin en particulier, c'est autre chose. Même au plan terrestre, dans le cadre d'une manoeuvre de crise, je pense que ce facteur de dissuasion tactique joue également : c'est l'exemple d'une force déployée dans un pays A, afin de peser sur les mouvements d'un pays B à l'égard, par exemple, d'un pays C.
Les forces de B ne sont pas fondamentalement fixées mais leur engagement chez C, au niveau opérationnel par exemple (opérationnel et opératif, autre question, sont utilisés indistinctement dans nombre de très bonnes publications), sera l'objet de moultes réflexions. A ce stade, il ne s'agit plus uniquement de jouer sur les capacités adverses (fixation et canalisation) mais aussi sur les intentions - tactiques comme politiques à l'égard d'une situation tactique* - adverses. Je persiste, donc ;o)
* : passablement contortionnée, cette phrase montre toute la problématique contemporaine des niveaux d'engagement : de plus en plus, le niveau politique gère/s'implique dans des situations tactiques.
lundi 10 novembre 2008
Le clash des lignes d'opérations
Avec les suites d'Euronaval, les travaux sur le DSI 43, un cours, des tournages et un saut sur Paris, je n'ai guère eu le temps la semaine passée de revenir sur un événement qui en dit assez long sur le manque de compréhension de la complexité stratégique contemporaine que l'on peut trouver dans certaines sphères du monde politique. En l'occurrence, c'était la réaction du Commissaire européen à la coopération au développement, LouisMichel, sur l'évolution des combat au Kivu (RDC) qui m'avait fait sursauter.
En gros, il estimait qu'il était nécessaire de déployer une force humanitaire dans la zone, apte à faire tampon entre les belligérants, tout en conduisant un sommet... qui a finalement eu lieu sans que les rebelles n'y soient invités. Assez logiquement, ces derniers refuseront les conclusions dudit sommet pour n'y voir qu'une démonstration de l'impuissance des Etats de la région à trouver une solution de paix. Concrètement, ils sont en position de force et Kinshasa n'a guère qu'une seule véritable option pour faire respecter l'intégrité de ses frontières et rétablir la paix : faire intervenir l'Angola, transformant ce qui restait, grosso modo, une guerre civile en conflit interétatique.
Voilà pour les négociations : comme souvent lorsque la décision n'a pas été obtenue sur le terrain (et plus encore lorsqu'elles ne permettent pas de rassembler à une même table tous les belligérants), elles ne cautionnent guère que les bonnes intentions. Or, la proposition de L. Michel de développer une force humanitaire se heurte à un autre obstacle : elle existe déjà. C'est la MONUC, dont l'efficacité est remise en doute par le SG ONU lui-même.
Ne nous attardons pas ici sur le "que faire" (deux options existent, mais elles sont, respectivement, politiquement comme éthiquement inenvisageables : soit l'intervention militaire aux côtés de la RDC et l'abstentionnisme) mais, plutôt sur les ressorts de la position du Commissaire. Belge, il est héritier d'une culture politique profondément marquée par l'affaire rwandaise, lorsque 10 parachutistes avaient été capturés puis massacrés, entraînant le retrait des forces belges et l'effondrement de tout le dispositif de la MINUAR.
Déjà à l'époque, le niveau politique avait été incapable de financer le déploiement comme les forces et d'obtenir des garanties suffisantes de l'ONU en matière de règles d'engagement et de circulation du renseignement... A ce niveau, d'ailleurs, nos politiques avaient été incapables d'écouter les avertissements des SR sur la préparation d'un génocide. Or, ces symptomes du mal stratégique belge n'ont pas changé : plutôt que de la considérer comme une ligne d'opération en soi, la diplomatie reste comprise comme la seule ligne d'opération possible, passant à côté de toute autre option.
Entendons nous bien, je ne dis pas par là qu'il faille intervenir au côté de la RDC. Mais à entendre de telles demandes d'interventions "humanitaires" alors que les forces n'ont cessé d'être appauvries, il faut rester prudent. Si elles avaient une posture plus offensives que la MONUC, elles seraient immanquablement considérées comme hostiles... sauf à reproduire le scénario d'Artemis. Mais Artemis, succès politique de la PESD s'il en est, n'a absolument rien résolu sur le fond : la guerre est toujours présente et les réfugiés ne cessent de marcher.
On peut certes reproduire à l'envi de telles opérations. Mais la question de leur utilité finira immanquablement par se poser. D'où l'impérieuse nécessité d'une conjonction des lignes d'opérations prenant autant en compte les rationalités politiques qu'opérationnelles. Mais c'est là sans doute trop demander...
En gros, il estimait qu'il était nécessaire de déployer une force humanitaire dans la zone, apte à faire tampon entre les belligérants, tout en conduisant un sommet... qui a finalement eu lieu sans que les rebelles n'y soient invités. Assez logiquement, ces derniers refuseront les conclusions dudit sommet pour n'y voir qu'une démonstration de l'impuissance des Etats de la région à trouver une solution de paix. Concrètement, ils sont en position de force et Kinshasa n'a guère qu'une seule véritable option pour faire respecter l'intégrité de ses frontières et rétablir la paix : faire intervenir l'Angola, transformant ce qui restait, grosso modo, une guerre civile en conflit interétatique.
Voilà pour les négociations : comme souvent lorsque la décision n'a pas été obtenue sur le terrain (et plus encore lorsqu'elles ne permettent pas de rassembler à une même table tous les belligérants), elles ne cautionnent guère que les bonnes intentions. Or, la proposition de L. Michel de développer une force humanitaire se heurte à un autre obstacle : elle existe déjà. C'est la MONUC, dont l'efficacité est remise en doute par le SG ONU lui-même.
Ne nous attardons pas ici sur le "que faire" (deux options existent, mais elles sont, respectivement, politiquement comme éthiquement inenvisageables : soit l'intervention militaire aux côtés de la RDC et l'abstentionnisme) mais, plutôt sur les ressorts de la position du Commissaire. Belge, il est héritier d'une culture politique profondément marquée par l'affaire rwandaise, lorsque 10 parachutistes avaient été capturés puis massacrés, entraînant le retrait des forces belges et l'effondrement de tout le dispositif de la MINUAR.
Déjà à l'époque, le niveau politique avait été incapable de financer le déploiement comme les forces et d'obtenir des garanties suffisantes de l'ONU en matière de règles d'engagement et de circulation du renseignement... A ce niveau, d'ailleurs, nos politiques avaient été incapables d'écouter les avertissements des SR sur la préparation d'un génocide. Or, ces symptomes du mal stratégique belge n'ont pas changé : plutôt que de la considérer comme une ligne d'opération en soi, la diplomatie reste comprise comme la seule ligne d'opération possible, passant à côté de toute autre option.
Entendons nous bien, je ne dis pas par là qu'il faille intervenir au côté de la RDC. Mais à entendre de telles demandes d'interventions "humanitaires" alors que les forces n'ont cessé d'être appauvries, il faut rester prudent. Si elles avaient une posture plus offensives que la MONUC, elles seraient immanquablement considérées comme hostiles... sauf à reproduire le scénario d'Artemis. Mais Artemis, succès politique de la PESD s'il en est, n'a absolument rien résolu sur le fond : la guerre est toujours présente et les réfugiés ne cessent de marcher.
On peut certes reproduire à l'envi de telles opérations. Mais la question de leur utilité finira immanquablement par se poser. D'où l'impérieuse nécessité d'une conjonction des lignes d'opérations prenant autant en compte les rationalités politiques qu'opérationnelles. Mais c'est là sans doute trop demander...