Amaï - comme on dit ici - le débat sur la résilience revient ! François Duran se pose la question de la nécessité ou non de l'information dans la résilience et, plus largement si la seule multiplication des coups n'est pas seule nécessaire. Non, François, tu ne te fourvoie pas. L'information reste nécessaire lorsque l'on intègre la résilience dans une stratégie contre-terroriste.
En fait, Olivier part du principe que les coups sont répétitifs, ce qu'ils pouvaient être durant le Blitz sur la Grande-Bretagne, par exemple (l'exemple est par ailleurs biaisé : l'information sur les raids aériens, avant comme pendant la guerre ne manquait pas). Prenons maintenant le cas espagnol de 2004 : l'Espagne est habituée au terrorisme de l'ETA puis fait face à une frappe bien plus forte que ce à quoi elle est habituée. Vu la période électorale et le risque d'amalgame entre l'attentat et la présence espagnole en Irak, le gouvernement tente une manoeuvre informationnelle et ment, faisant portant la responsabilité sur l'ETA .
Or, il apparaît vite qu'il s'agit d'AQ. Réaction immédiate de la population : un vote-sanction qui amènera le PSOE au pouvoir et le retrait d'Irak. Si la population n'a pas "craqué" (résilience sociétale opérationnelle - mais que faire d'autres dans ces cas-là ?) la résilience politique a été déficiente, AQ parvenant à son objectif et modifiant le comportement de son adversaire.
La question, me direz-vous, est de savoir si le gouvernement Aznar aurait pu survivre sans tentative de manipulation. La réponse est : "peut-être". Ou, à tout le moins, "avec plus de probabilité qu'en cas de mensonge". C'est un classique de la théorie des PSYOPS : ne mentez jamais. Que cela se sache - et là, c'était très probable - et votre manoeuvre tombe à l'eau. Si Aznar avait correctement communiqué en donnant du sens à son engagement irakien, il aurait pu sauver les meubles et faire en sorte que les attentats ne parasitent pas les décisions souveraines des Espagnols au moment de voter.
En fait, l'information n'a pas qu'une valeur préparatoire, devant minimiser l'effet de surprise. D'ailleurs, en terrorisme, c'est cet effet qui compte, pas la récurrence et le seul fait d'encaisser à répétition les coups, qui renverraient plutôt à une résilience face à une insurrection. La résilience par la communication fait aussi sens. Elle replace le politique au coeur du message apporté à un engagement.
Que le gouvernement ait mieux communiqué (et ait créé du sens) en regard de l'embuscade d'Uzbin et nous n'aurions sans doute pas eu de très mauvais débats sur la "stratégie" à adopter. La population comme la presse auraient considérés les morts comme une bien triste perte. Mais aussi comme une perte qui aura été "utile", ou, à tout le moins, qui aura eu un sens. Rien n'est pire, lorsque des vies sont en danger - et alors que nos sociétés n'auront jamais été aussi obsédées par l'idée d'échapper à la mort - que d'avoir affaire à des morts qui n'ont pas de sens.
Balle au politique et retour donc - du moins de mon point de vue - à une résilience "maximaliste" où le sens, par l'intermédiaire de la communication, permet la préparation face à des événements, au sens physique, par définition aléatoires...
Je ne crois pas parler de la même chose que toi. La résilience, telle que je la comprends, est la capacité psychologique d'une personne (et par extension, d'une société) à surmonter des coups qui paraissent difficilement "supportables". Le mot clef est celui de "supporter", au sens de supporter une douleur, ou plutôt de supporter une douleur qui, a priori, paraît insupportable (car trop extrême) mais qui, parfois, est surmontée et supportée.
RépondreSupprimerOr, ton discours tombe dans deux biais : 1/ celui d'absence d'expérimentation alternative (ciritque qui est d'ailleurs valable en ce qui concerne la théorie classique de la résilience, car il ne s'agit à chaque fois que de cas particuliers, dont on peut difficlement tirer des "lois" scientifiques ou réfutables -Popper)
2/ Celui du passage à l'info ops, comme si la résilience dans le domaine stratégique se réduisait à la maîtrise de l'information et du sens : c'est peut-être vrai, mais c'est à mon avis indépendant du concept de résilience car il ne s'agit que d'attaquer la volonté de l'ennemi - et on reconnaît là un discours typiquement clausewitzien.
J'espère ne pas être trop confus dans cette réaction à chaud.... Disons qu'il y a incontestablement des parts de vérité, mais que je ne suis pas convaincu par l'agencement théorique que tu en fais.
Amicalement
O Kempf
Holmes dans son livre “Tommy” parle des bombardements aériens sur Londres pendant la première guerre mondiale et illustre la terreur qu’ils inspiraient en donnant l’exemple d’une usine londonienne qui s’était vidée de tous ses ouvriers qui s’étaient égaillés dans la nature quand 3 bombes étaient tombées à proximité. Quelle différence quand, 25 ou 26 ans plus tard, le curé de Whitechapel répondra au journaliste américain qui lui demandait comment était le moral des habitants de l’East End sous les incessants bombardements sensés les briser : « Well, they are beginning to feel a bit bitter towards the Germans… »
RépondreSupprimeralex
Hello Mr Henrotin !-)
RépondreSupprimerEncore et encore un post très pertinent. Ce concept de résilience anti-terroriste, je vous l'avais emprunté dans mon article "Pourquoi certains attentats font mouche", relatant une étude américaine à ce sujet. A lire ici :
http://electrosphere.blogspot.com/2008/03/pourquoi-certains-attentats-font-mouche.html
Amicalement.
Electrosphère
@ O. Kempf : le bon vieux problème agent/structure :o) L'application aux individus n'est jamais identique à celle de l'application dans les sociétés. Et, de ce point, de vue, les expériences historiques ne manquent pas, justemment. Elles peuvent effectivement être catégorisées au sens scientifique du terme, Furedi est très important là dessus.
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