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Sabotage(s) !
Tous les ans à la même époque, c’est la même chose : de jolis formulaires débarquent dans nos boîtes aux lettres pour nous faire larmoyer sur le niveau des impôts. Cette année, en prime, nous sommes gâtés : nous avons un Livre Blanc pour nous permettre de larmoyer encore plus. Selon le mot d’un de mes amis, nous aurions donc inventé, après les frégates furtives, la puissance furtive. On pressent d’ici la longue cohorte des regrets et des déposes de couronnes à nos armées chéries, dépiautées au champ d’honneur de la politique, victimes sans doute d’arbitrages effectués au profit de la chasse au poulet à la dioxine et de l’admiration béate pour un concept de sécurité globale qui l’est tellement qu’elle dissout toute nécessité de défense. Certains y verront un sabotage. Honnêtement, je ne suis pas loin de le penser aussi, en particulier à l’heure où le SIPRI nous (ré-)apprend que les dépenses de défense ont augmenté de 7% en 2007 et qu’en 10 ans, elles ont progressé de 45%. Les armées sont des machines complexes, les grains de sable leur posent autant problème que les réductions budgétaires et les réformes où la stratégie est faite pour répondre aux moyens plutôt que l’inverse. En clair, dans la course à la puissance, il faudra qu’on passe la postcombustion du mode « système D » (qui a dit qu’on a déjà cannibalisé les injecteurs ?).
Mais, Carl vous le dit mes amis, ce premier sabotage en cache un second. Celui des conservateurs. Les mêmes qui vociféraient il y a un an contre toute réflexion envisageant un futur sans « modèle 2015 » alors qu’il était évident que les finances ne le permettraient pas. Et que l’Elysée, préférant décidément les poulets sains aux kakis mûrs (les fruits, c’est pourtant si important), n’avait aucune intention de faire supporter le poids de la Gendarmerie à l’Intérieur. Je pense aussi à ceux qui ont hurlé au loup lorsque certains indiquaient que la technologie finirait par faire s’effondrer la défense française sous le poids de ses propres commandes. Et puis, il faut avouer les choses comme elles sont : la multitude de « guerre des boutons » (entre les armées et en leur sein) a anesthésié la réflexion plus qu’elle ne l’a nourrie. Dans une certaine mesure, ces guerres inutiles ont même limité le peu de liberté d’expression que les militaires avaient. Lorsqu’on a ce qui s’apparente à un bled afghan sous le feu à trois bureaux du sien, ça n’incite pas à dégainer la bonne idée que l’on tenait en réserve.
Pourtant, des bonnes idées, il va nous en falloir. Il est temps de signer la paix des braves boutons, de resserrer les rangs et de faire fumer les cafetières. Il ne nous manquerait plus qu’avoir à subir le plus terrible des sabotages, celui des bras croisés annonçant la débandade et le ravalement définitif de la France à la non-puissance, celui du règne des grincheux que les coups portés auraient échaudés (pauvres petits). Il est temps aussi de remettre en question nos tabous. Il nous faut réapprendre que le Grand Charles, après s’être par deux fois retourné dans sa tombe ces dernier temps, avait lui-même osé faire sauter en son temps une série de tabous… et pas à la clé Allen. Votre vieux Carl, après avoir déjeuné quelque fois avec lui à la cantine de notre cher paradis où les nuages sont de cordite, n’a pas toujours été d’accord avec lui. Mais je crois qu’on peut lui reconnaître les deux premières qualités d’un soldat : il savait autant se mettre en péril devant les idées préconçues que devant l’ennemi. Et ça, mes amis, en ces temps de budgets grignotés (quoiqu’on puisse en dire), ça n’a pas de prix. Carl.
PS : Vive Surcouf !
Carl fait-il partie de Surcouf ?
RépondreSupprimerAllons, Carl von Clausewitz est mort au 19ème siècle... Plus sérieusement, le fait d'apporter son soutien à un groupe n'indique pas qu'on en fait partie. C'est pourtant élémentaire...
RépondreSupprimerJe dois dire que je suis atterré par ce commentaire :
RépondreSupprimerSi bien sûr j’aurais souhaité augmenter le budget de la défense, il est clair que les conditions économiques et politiques et notamment les nécessités de réduire la dépense publique ne le permettent pas. Imagine t on un instant de baisser le budget de l’EN et des autres ministères et d’augmenter la défense ?
Il est déjà très bien que le MINDEF soit le seul budget préservé. De plus nous n’avons pas de menace conventionnelle en Europe et nous n’envisageons pas d’etre contraint par la force par les USA (cause principale de l’augmentation des dépenses mondiales : Chine, Russie, Iran etc..).
« Et que l’Elysée n’avait aucune intention de faire supporter le poids de la Gendarmerie à l’Intérieur »
Ce qui aurait été équivalent a une augmentation. L’Etat regarde l’enveloppe globale des dépenses et peu importe qu’elle soit assurée par le budget de tel ou tel ministère.
La mission défense est 2% du PIB.
« Je pense aussi à ceux qui ont hurlé au loup lorsque certains indiquaient que la technologie finirait par faire s’effondrer la défense française sous le poids de ses propres commandes. »
Le maintien de nos compétences technologiques et donc de notre autonomie et de son futur, est bien sûr prioritaire sur le format des armées. On peut reconstruire en quelque année une armée puissante si la menace existe. Il faut 6 décennies d’effort pour revenir à niveau technologiquement.
Et dans cet intervalle nous ne saurions que les supplétifs de nos fournisseurs.
Il reste à l’armée Française plus de 20 Md’€ sur les 36 quand on a enlevé les 8 Md’€ de pensions (deux fois plus élevées qu’à l’étranger en proportion signe de mauvaise gestion), et les 8 autres consacré à la R&D, au spatial et nucléaire équipement, MCO et hommes.
Si les armées françaises sont incapables de dépenser correctement ces 20 Milliards d’euros (le triple d’Israel) , ce n’est pas pour autant que l’on va sacrifier la R&D, le nucléaire et notre autonomie.
De toute manière une armée de projection est une armée technologique car elle doit vaincre un adversaire plus nombreux avec un nombre d’hommes et un tonnage transporté plus réduit. Son but n’est pas d’occuper des pays mais de vaincre leur leadership et de les mettre a genoux : c’est la définition de la puissance.
Tant qu’il faudra deux hommes d’active dans les armées françaises la ou il en faut un dans les bonnes armées avec le même niveau de qualité, on aura une part médiocre consacré à l’équipement dans ces 20 Md’€.On dépense 4 Md’€ sur l’équipement conventionnel dans ces 20 Md’€ du périmètre conventionnel là ou les USA , la Suède ou autres en dépenseraient 7 vu leur ratios.
Il ne faut pas s’étonner d’être sous équipé quand on est pléthorique sur les effectifs, quand on a 330 000 personnels pour 300 avions de combats en ligne, 1 PA, 4 régiments de chars lourds et 20 d’infanterie.
Tant que les armées ne sauront pas gérer, on en restera là. Ce n’est pas pour autant que l’on sacrifiera le reste.
Il faut comprendre que la stratégie militaire n’est rien sans une stratégie de moyen pour construire et maintenir une armée, et donc rien sans la prise en compte des dimensions technologiques, industrielles et économiques.
Les choix du livre blanc sont dictés par les contraintes économiques de temps de paix, la nécessité de maintenir notre autonomie et de sauver les compétences clefs.
Rien a redire si ce n’est que trop de nos chefs militaires trainent les pieds pour s’adapter et que la réforme ne va pas assez loin.
On en serait pas la si les décisions concernant l’allocation correcte de la ressource sur les capacités conventionnelles avaient été prises il y a 15 ans.
C’est pour cela que la critique de Surcouf est insignifiante sur le fond : ils n’ont toujours pas compris.
Oui, il faut trouver les officiers qui pensent comme cela et osent l'exprimer de manière anonyme en tirant partie de la légitimité de leur grade pour remettre en question la décision politique légitime et la réflexion faite par plus compétents qu'eux, qui remettent en question la chaîne de commandement et portent atteinte à la discipline (on discute avant puis on applique les décisons faites), et les chasser des armées car ils sont la cause de la chute de nos moyens par mépris de la gestion et des priorités afférentes au maintien de notre autonomie.
Et bien, mon ami, si vous faisiez supporter le poids de la R&D industrielle au ministère de la recherche ou à celui de l'économie ? Pas plus qu'elles n'ont vocation à faire de l'aménagement du territoire, les armées ne devraient pas avoir vocation à faire tourner l'économie...
RépondreSupprimerEt puis, qui vous permet de juger de la compétence d'officiers ? Vos raisonnements sont ceux d'un manager, sans plus. Vous ne connaissez ni le feu, ni la stratégie, ni la tactique. On dirait que vous vous contentez d'aligner des chiffres et des ratios calculés comme le prix des tomates chez Carrefour, sans tenir compte de la moindre friction (clausewitzienne - honneur à vous, Carl !)
Et puis, votre appel à la délation et au licenciement... Par respect pour notre hôte, la seule chose que je dirais est que ce n’est guère brillant… Seriez-vous de l’Elysée ?