mercredi 1 août 2007

Manipulations Inc. (3)

Lorsqu'un journaliste ou un analyste tente d'éclairer une situation, il a naturellement tendance à présenter son analyse comme une vérité. Or, il ne s'agit bien souvent que d'hypothèse. Bien malin serait celui qui a, alors qu'un événement vient de se produire, toutes les opinions, tous les documents nécessaires à une approche relativement objective de la réalité.

Le Réseau Voltaire vient de nous fournir une belle illustration de cet axiome. Après avoir "démonté" un article du Figaro sur l'allongement et le durcissement du service militaire en Iran (qui est une réalité), le réseau indique :

"Au demeurant, la présentation des faits eux-mêmes par Le Figaro est fallacieuse : les États-Unis n’ont pas décidé d’armer les monarchies du Golfe contre l’Iran et Israël n’a pas décidé de fermer les yeux face à l’ennemi commun. De son côté, de manière tout aussi biaisée, le département d’État parle dans un communiqué plus généralement de « contrer les influences négatives d’Al-Qaïda, du Hezbollah, de la Syrie et de l’Iran ».

En réalité, les États-Unis ont accordé gratuitement 30 milliards de dollars d’armement à Israël sur 10 ans pour prendre sa revanche contre le Liban et la Syrie. Simultanément, ils ont vendu pour 20 milliards de dollars d’armement à 5 États du Golfe à titre de garantie que l’armement livré à Tsahal ne serait pas utilisé contre eux. À quoi devrait s’ajouter le renouvellement d’accords d’assistance militaire avec l’Égypte pour 10 milliards de dollars environ de manière à équilibrer le tout".

Sous-entendu, vous n'avez pas la vérité, elle nous appartient. L'opération "manip" utilise là aussi un vieux truc : comparer des choses non comparables en faisant passer une pillule méthodologique amère avec une dose de sirop idéologique. Les évolutions que connait le service militaire iranien sont une réalité. Les analyses sur les finalités des contrats - y compris les miennes - sont autant d'hypothèses variablement démontrées/étayées.

Pour ce qui concerne le Réseau, l'analyse ne saurait tenir la route : les 30 milliards constituent une augmentation par rapport à ce qui était déjà donné par le passé, ils ne sont en rien un "extra" (sauf pour l'augmentation annuelle de 600 millions, bien entendu). Au demeurant, à supposer que cet argent soit utilisé pour des achats revenchards d'armements, ces derniers ne seront pas disponibles du jour au lendemain. Prétendre le contraire relève au mieux de la mauvaise foi, au pire d'une méconnaissance patente de l'histoire comme des mécanismes de vente d'armes.

On y ajoutera que le problème militaire israélien aujourd'hui n'est pas matériel mais relève du leadership, de la doctrine, de la tactique, de la préparation et du moral. Autant de choses qui ne relèvent que peu du domaine financier et que souligne parfaitement le rapport intermédiaire de la Commission Winograd. Les dernières manoeuvres israéliennes sur le Golan, très médiatisées, ne suffiront en aucun cas à remettre Tsahal d'aplomb à court terme. Ceci dit, c'est également vrai que certains en Israël aimeraient prendre une revanche. Mais confondre cette frange avec l'ensemble du pays, c'est faire une mauvaise rédaction d'élève du secondaire rêvant désepérément d'entrer dans une école de journalisme.

En fait, le rôle de l'Iran en regard du Hezbollah est totalement zappé. Tenir des propos négationnistes et menacer un pays d'anéantissement seraient-ils autant de mesures d'appaisement comparativement à des achats d'armement ? Aucun de ces faits ne devraient être niés dès lors que l'on prétend donner une information la plus objective possible.

Voltaire se présente comme non-alligné. Vraiment sûr ?

Démystifier les guérillas

Les guérillas sont des phénomènes complexes mais pas systématiquement victorieux. A la suite des réflexions de Gérard Chaliand ("Voyage dans 40 ans de guérillas"), c'est est le sens de ce billet de Laurent Henninger chez nos confrères de la Revue Militaire Suisse.

Mais sachant la relative incapacité de nos forces à les contrer ou plus généralement nos difficultés à transformer les victoires militaires en victoires politiques, faut-il attendre de les laisser s'essoufler, tout en effondrant les Etats auxquelles elles s'attaquent ?

Cher, le JSF...

Lockheed Martin Corp., Lockheed Martin Aeronautics Co., Fort Worth, Texas, is being awarded an estimated $2,440,000,000 advance acquisition contract for long lead components, parts, and materials associated with the Lot 2 Low Rate Initial Production (LRIP II) of six F-35 Joint Strike Fighter Conventional Take-Off and Landing (CTOL) for the U.S. Air Force and six Short Take-off and Vertical Landing Air Systems for the U.S. Marine Corp. In addition, the contract provides for associated ancillary mission equipment, sustainment support, special tooling/special test equipment and technical/financial data.

Le GAO estime le coût fly away d'un appareil de production à plus de 92 millions de dollars. Très, très cher comparativement aux options européennes...

mardi 31 juillet 2007

20 milliards d'armements pour l'Arabie saoudite (2)

Juste quelques observations sur ladite vente qui remplit des fonctions complexes dans la politique internationale US :

- On se sait toujours pas quels sont les armements concernés. Le LCS pourrait l'être - malgré ses déboires - Ryad ayant été intéressée par le concept.

- Fondamentalement, il s'agit de rassurer Ryad face à l'Iran dans le contexte de la conclusion d'un accord sur le nucléaire civil avec 6 autres Etats dont l'Algérie, les Emirats et l'Egypte (je pense que ses détails sont explicités dans le DSI n°21 ou 22, de même que les conceptions saoudiennes en matière de dissuasion). Ryad renforcerait ainsi sa dissuasion classique mais la littérature fait aussi état de l'incapacité de l'Arabie à utiliser correctement son matériel. Un article faisait ainsi état de ce que l'armée de terre saoudienne était incapable de manoeuvrer au niveau brigade.

- Ensuite, il s'agit de faire pression sur Ryad en regard de son rôle dans les affaires irakienne et de Nahr el-Bared (Cf. les différentes éditions de DSI) en l'invitant à "calmer" son jeu. Ryad reste obsédée par la montée en puissance iranienne et a effectué ces mouvements afin de contrer la stratégie d’influence de Téhéran.

- Il s'agit aussi de s'appuyer plus que par le passé sur l'Arabie saoudite : Ryad et le Pakistan entretiennent des relations solides. Or, le Pakistan est le centre de gravité géographique des opérations talibanes en Afghanistan. La situation sur place est également extrêmement préoccupante. Il s'agit aussi de favoriser un règlement rapide de la situation irakienne en y associant un peu plus Ryad mais cette fois d'un point de vue politique.

- Sur un plan plus hypothétique, la manoeuvre d'armement de l'Arabie saoudite pourrait également correspondre à une volonté de contrer/dissuader l'Iran dans une optique où une attaque israélienne sur les centres nucléaires iraniens – qui reste non seulement une possibilité et est faisable (Cf. l’étude du MIT, DSI n°28) – générerait une riposte dure de la part de Téhéran. La possibilité que l’Iran mine une partie du Golfe ou bloque le détroit d’Ormuz est bien réelle.

- Les questions israéliennes et égyptiennes sont annexes. Israël a toujours demandé une augmentation de son aide militaire lorsque l’Arabie en bénéficiait et une augmentation des dons américains de 600 millions de dollars l’an, si elle est significative, est néanmoins anecdotique (elle bénéficiera en outre aux industries US). Pour ce qui concerne l’Egypte, ce rééquilibrage face à Israël est automatique en fonction des accords de Camp David.

- Enfin, la vente permet de conforter les positions des industries US face à leurs concurrentes européennes.

lundi 30 juillet 2007

20 milliards d'armements pour l'Arabie saoudite

Ledit contrat fait du bruit et est le révélateur de la complexité du Moyen Orient. Plus qu'une accélération d'une hypothétique course aux armements dans la zone - d'un point de vue conventionnel, l'Iran est franchement à la traîne, quelles que puissent être ses démonstrations - ce contrat montre surtout que Washington attend beaucoup de Ryad (envers l'Irak, le Liban, l'Iran et le Pakistan) et lui donne des gages à plusieurs égards... qui redeviendrait un pivot dans sa politique moyen-orientale. Mais le pivot n'est guère contrôllable : 40% des "étrangers" opérant en Irak sont saoudiens...

Il fait aussi oublier que la France a elle aussi reçu des commandes - des rumeurs entourent Eurocopter et les 76 Caesar vendus par Nexter - dans la mesure où l'Arabie saoudite a toujours eu une politique de diversification de ses approvisionnements. Il montre surtout l'état de tension dans lequel Ryad est face à Téhéran.

C'est l'hypothèse que j'ai défendue tantôt face au correspondant à Bruxelles de l'AFP et que je défenderai demain à 08.15 sur RMC. Plus de développements sur ladite radio demain !