L’affaire avait d’abord fait sourire : constatant un dépassement des dépenses de plus 200 millions d’euros, la ministre du budget belge avait placé le ministère de la défense sous curatelle, une mesure exceptionnelle découlant de l’absence d’un nouveau gouvernement fédéral à même de trancher la question sur le fond. Si ce déficit sera annoncé comme comblé quelques jours après (au détriment du programme d’équipement ?), le ministre contre-attaquera dans la presse néerlandophone : il existerait une « guerre de succession » non seulement à son encontre – en tant que ministre d’un gouvernement en affaires courantes – mais aussi à celle d’August Van Daele, chef d’état-major conjoint.
Les attaques menées l’auraient alors été par des « généraux conservateurs ». En filigranes se poserait la question des options stratégiques choisies : plus orientées « opérations humanitaires » que par le passé, les forces belges perdent, selon nombre d’observateurs, leur « mordant » - une situation que symbolise la perte de l’artillerie de 155 mm ou celle des chars de combat. Cette orientation n’est pas orpheline : le choc provoqué par l’assassinat en mission des 10 casques bleus belges à Kigali, peu avant le génocide rwandais, a conduit les autorités politiques à adopter une posture d’engagement des forces belges dans des missions assez peu risquées. La centaine de Belges présents au Tchad sera ainsi essentiellement affectée à des missions logistiques.
Mais les choix opérés en matière d’engagements, s’ils ne remontent donc pas au ministère d’André Flahaut, font grincer les dents plusieurs officiers – belges, français ou néerlandais – considérant que la Belgique, en ne s’impliquant pas dans les missions les plus dangereuses, effectue un exercice de « free-riding », profitant de la sécurité fournie par ses voisins.
Or, une nouvelle étape a été franchie dans ce que certains officiers belges qualifient en privé « d’entreprise de démantèlement des forces » par la conduite d’une étude visant… à placer la défense belge sous la tutelle du ministère des affaires étrangères. Ce qui signifierait concrètement que son rôle humanitaire serait définitivement consacré et que ses missions de combat pourraient être abandonnées. Si cette étude semble plus exploratoire qu’à visée concrète, il n’en demeure pas mois qu’elle est de nature à déclencher une véritable fronde parmi les militaires belges.
Si les enquêtes montrent qu’ils éprouvent une certaine satisfaction à mener des missions humanitaires, un certain nombre d’entre eux estime aussi non seulement que de telles missions peuvent impliquer des combats mais aussi que le combat en soi doit rester au programme des forces.
Certains membres des forces spéciales indiquaient ainsi lors d’un reportage diffusé à la télévision belge, il y a quelques mois, qu’ils étaient prêts à mener les missions pour lesquelles ils avaient été formés, notamment en Afghanistan… avant que le ministre, interrogé dans le même reportage n’indique qu’aucune demande en ce sens n’avait été effectuée par l’OTAN. Ce qui n’a pas manqué de causer un certain désarroi chez les Special Forces.
Ces manœuvres politico-militaires se produisant sur fond d’une crise gouvernementale qui perdure – et alors que la Flandre est traditionnellement plus encline aux sentiments anti-militaires que les régions majoritairement francophones – certains y voient, manoeuvre après manoeuvre, une entreprise de sape de l’un des derniers départements ministériels symbolisant la Belgique unitaire.
Mode semi-ironique : Protéger un pays sans avoir à combattre, n'est ce pas le meilleur role d'une armée ?
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