Ceux qui n'éait plus passés par ici depuis deux ans l'auront remarqué, ce blog n'est plus guère tenu à jour. La raison en incombe à une charge de travail importante - passablement accrue depuis sa naissance en jun 2007 - mais aussi à un recentrage de mes activités. Aussi, sans doute est-il temps de tourner la page définitivement.
Cependant, Athéna aura rempli sa fonction à merveille : avant sa naissance, il n'existait pas vraiment de blog de défense en France, juste une plateforme d'agrégation de news comme Theatrum Belli. En fait, l'exemple est venu de Suisse, avec le blog du LCL Monnerat.
Depuis lors, les blogs (de chercheurs, de militaires, de journalistes ou de simples citoyens) se sont largement multipliés et tant mieux ; un des buts du jeu était de nourrir la dynamique en matière de réflexion stratégique et de la rendre accessible.
Pour autant, je ne cesse évidemment pas d'écrire. Les 99% de ce que j'ai écrit durant ces quatre dernières années l'ont été dans des revues ou des ouvrages. Aussi, je vous invite vivement à jeter un oeil sur www.dsi-presse.com où je tâche, de temps à autre, de mettre un grain de sel dans le débat.
Rendez-vous là-bas, donc !
jeudi 17 novembre 2011
lundi 11 juillet 2011
AB(N)L ?
J'étais passé outre, pression du temps faisant, mais Davdberg posait cette questiondans un commentaire :
"pas de commentaires sur l'idée d'une armée Benelux (N-VA, prof Luc De Vos et Manu Jacob)"
Et bien mon commentaire sera court :
- premièrement, ça ne peux pas politiquement passer : tout cela s'intègre dans une vision des "Lage Landen" qui fera bouillir autant les Luxembourgeois que les Francophones belges ;
- deuxièmement, militairement, deux hommes malades n'ont jamais fait un homme en bonne santé...
In fine, je suis donc sceptique...
"pas de commentaires sur l'idée d'une armée Benelux (N-VA, prof Luc De Vos et Manu Jacob)"
Et bien mon commentaire sera court :
- premièrement, ça ne peux pas politiquement passer : tout cela s'intègre dans une vision des "Lage Landen" qui fera bouillir autant les Luxembourgeois que les Francophones belges ;
- deuxièmement, militairement, deux hommes malades n'ont jamais fait un homme en bonne santé...
In fine, je suis donc sceptique...
Intervention en Libye : mon point de vue
Cette interview a été publiée dans "Le Soir", le 31 mai 2011.
Libye Les opérations militaires couvertes par les Nations unies seraient achevées
Vers une autre guerre, « absolue »
ENTRETIEN
Bien que la résolution 1973 des Nations unies autorise une intervention militaire en Libye pour protéger les civils et non pour obtenir un renversement du régime en place, le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen a réclamé ce lundi rien moins que le départ du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi : « Le règne de la terreur de Kadhafi touche à sa fin. Il est de plus en plus isolé chez lui et à l'étranger (…). Il est temps pour Kadhafi de s'en aller. » Ces propos situent clairement la campagne libyenne dans un cadre qui, en Belgique en tout cas, n'a pas été approuvé par le Parlement national. L'analyse de l'expert militaire Joseph Henrotin.
Lorsque le Premier britannique Cameron dit qu'on « entre dans une nouvelle phase », lorsque le président français Sarkozy plaide pour une « intensification » des opérations, on est en train de changer de guerre, non ?
Pour moi, les opérations de la résolution 1973 sont terminées depuis plusieurs jours déjà : la population civile est protégée, à l'exception de quelques zones.
Protéger la population – une opération militaire à but limité – était une bonne idée : on ne s'engageait pas dans un conflit à objectif absolu, ce qui aurait été une erreur. Or cette erreur-là, nous sommes en train de la commettre depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Si on continue aujourd'hui, de facto, à protéger la population en mettant Kadhafi sous pression, on n'en change pas moins fondamentalement d'objectif.
Il a été dit vendredi au QG de l'Otan que la mission était taillée pour trois mois et que, dans la dernière moitié de juin, il faudrait réévaluer l'opération. Puisque les objectifs de la résolution 1973 sont déjà atteints, est-ce qu'une évaluation fin juin n'est pas trop tardive ?
Si nous avons un objectif absolu comme « dégager Kadhafi » (un objectif qui a été affirmé très tôt mais qui n'a pas été officialisé), trois mois représentent les « cent jours », cette espèce de barrière enseignée dans les académies militaires et qui permet de savoir si une opération est efficace ou non. Néanmoins, moi je pense qu'à partir du moment où un objectif n'est pas clairement fixé, on ne peut pas l'atteindre et on ne peut être efficace. Car on ne se donne pas les moyens d'être efficaces.
Admettons que le politique se décide à être clair, et se dise : « OK, on fait tomber Kadhafi », qu'est-ce que cela signifie militairement ? Des troupes au sol ?
Non, pas nécessairement. Ce qu'il faut c'est davantage d'encadrement des insurgés, qui sont des sous-doués militaires.
Il a toujours été dit qu'il n'y aurait pas d'hommes au sol, et le militaire ne l'a jamais conseillé, que ce soit à Paris ou à Bruxelles. Le seul problème est que la capacité des insurgés à prendre le pouvoir à Tripoli a toujours été surestimée par le niveau politique, pas par les militaires. C'est une des grandes leçons de cette guerre : à être trop poli vis-à-vis du politique, le militaire finit par se laisser embobiner dans des opérations sur lesquelles il a lui-même des doutes.
Ce qu'il faut, c'est davantage de sorties d'avions. Et là le politique est un peu pris à son propre piège : il a accru la pression sur les armées en termes d'engagements extérieurs, mais dans le même temps les moyens nécessaires n'ont jamais été donnés aux armées. Donc maintenant, plusieurs forces aériennes engagées sur le théâtre raclent les fonds de tiroir pour obtenir un avion en plus, pour faire en sorte que la moyenne hebdomadaire des sorties s'accroisse, etc.
Je ne comprends pas : si le nouvel objectif est d'atteindre Kadhafi, pourquoi multiplier les sorties d'avion ? Ce n'est pas avec des avions à 33.000 pieds qu'on va avoir Kadhafi, lequel se cache à Tripoli dans les hôpitaux civils.
Si. Le seul problème est de le localiser précisément, avec du renseignement. Or pour ce renseignement, nous devons compter sur les Américains. Beaucoup de gens disent que des agents de renseignement soit français, soit britanniques, soit italiens sont déjà sur place, ce qui ne m'étonnerait pas outre mesure.
Mais une nouvelle fois, il faut savoir ce qu'on veut faire : est-ce que l'objectif est de dégager Kadhafi ? Ou est-ce qu'on reste dans cette ambiguïté du discours ? C'est un jeu extrêmement dangereux : le jour où on perdra un pilote, l'opinion publique – essentiellement les médias – s'interrogera sur la raison de savoir pourquoi on l'a perdu.
A l'école de guerre à Paris, j'ouvre et ferme mon cours par cela : si vous n'avez pas d'objectif, vous n'êtes pas prêt à l'atteindre…
Donc, première leçon : il faudrait reconnaître publiquement que l'objectif 1973 a déjà été atteint…
Oui. Clairement oui.
Libye Les opérations militaires couvertes par les Nations unies seraient achevées
Vers une autre guerre, « absolue »
ENTRETIEN
Bien que la résolution 1973 des Nations unies autorise une intervention militaire en Libye pour protéger les civils et non pour obtenir un renversement du régime en place, le secrétaire général de l'Otan Anders Fogh Rasmussen a réclamé ce lundi rien moins que le départ du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi : « Le règne de la terreur de Kadhafi touche à sa fin. Il est de plus en plus isolé chez lui et à l'étranger (…). Il est temps pour Kadhafi de s'en aller. » Ces propos situent clairement la campagne libyenne dans un cadre qui, en Belgique en tout cas, n'a pas été approuvé par le Parlement national. L'analyse de l'expert militaire Joseph Henrotin.
Lorsque le Premier britannique Cameron dit qu'on « entre dans une nouvelle phase », lorsque le président français Sarkozy plaide pour une « intensification » des opérations, on est en train de changer de guerre, non ?
Pour moi, les opérations de la résolution 1973 sont terminées depuis plusieurs jours déjà : la population civile est protégée, à l'exception de quelques zones.
Protéger la population – une opération militaire à but limité – était une bonne idée : on ne s'engageait pas dans un conflit à objectif absolu, ce qui aurait été une erreur. Or cette erreur-là, nous sommes en train de la commettre depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Si on continue aujourd'hui, de facto, à protéger la population en mettant Kadhafi sous pression, on n'en change pas moins fondamentalement d'objectif.
Il a été dit vendredi au QG de l'Otan que la mission était taillée pour trois mois et que, dans la dernière moitié de juin, il faudrait réévaluer l'opération. Puisque les objectifs de la résolution 1973 sont déjà atteints, est-ce qu'une évaluation fin juin n'est pas trop tardive ?
Si nous avons un objectif absolu comme « dégager Kadhafi » (un objectif qui a été affirmé très tôt mais qui n'a pas été officialisé), trois mois représentent les « cent jours », cette espèce de barrière enseignée dans les académies militaires et qui permet de savoir si une opération est efficace ou non. Néanmoins, moi je pense qu'à partir du moment où un objectif n'est pas clairement fixé, on ne peut pas l'atteindre et on ne peut être efficace. Car on ne se donne pas les moyens d'être efficaces.
Admettons que le politique se décide à être clair, et se dise : « OK, on fait tomber Kadhafi », qu'est-ce que cela signifie militairement ? Des troupes au sol ?
Non, pas nécessairement. Ce qu'il faut c'est davantage d'encadrement des insurgés, qui sont des sous-doués militaires.
Il a toujours été dit qu'il n'y aurait pas d'hommes au sol, et le militaire ne l'a jamais conseillé, que ce soit à Paris ou à Bruxelles. Le seul problème est que la capacité des insurgés à prendre le pouvoir à Tripoli a toujours été surestimée par le niveau politique, pas par les militaires. C'est une des grandes leçons de cette guerre : à être trop poli vis-à-vis du politique, le militaire finit par se laisser embobiner dans des opérations sur lesquelles il a lui-même des doutes.
Ce qu'il faut, c'est davantage de sorties d'avions. Et là le politique est un peu pris à son propre piège : il a accru la pression sur les armées en termes d'engagements extérieurs, mais dans le même temps les moyens nécessaires n'ont jamais été donnés aux armées. Donc maintenant, plusieurs forces aériennes engagées sur le théâtre raclent les fonds de tiroir pour obtenir un avion en plus, pour faire en sorte que la moyenne hebdomadaire des sorties s'accroisse, etc.
Je ne comprends pas : si le nouvel objectif est d'atteindre Kadhafi, pourquoi multiplier les sorties d'avion ? Ce n'est pas avec des avions à 33.000 pieds qu'on va avoir Kadhafi, lequel se cache à Tripoli dans les hôpitaux civils.
Si. Le seul problème est de le localiser précisément, avec du renseignement. Or pour ce renseignement, nous devons compter sur les Américains. Beaucoup de gens disent que des agents de renseignement soit français, soit britanniques, soit italiens sont déjà sur place, ce qui ne m'étonnerait pas outre mesure.
Mais une nouvelle fois, il faut savoir ce qu'on veut faire : est-ce que l'objectif est de dégager Kadhafi ? Ou est-ce qu'on reste dans cette ambiguïté du discours ? C'est un jeu extrêmement dangereux : le jour où on perdra un pilote, l'opinion publique – essentiellement les médias – s'interrogera sur la raison de savoir pourquoi on l'a perdu.
A l'école de guerre à Paris, j'ouvre et ferme mon cours par cela : si vous n'avez pas d'objectif, vous n'êtes pas prêt à l'atteindre…
Donc, première leçon : il faudrait reconnaître publiquement que l'objectif 1973 a déjà été atteint…
Oui. Clairement oui.
samedi 26 mars 2011
Libye : alors, ça vient ???!!!!
Bon, allez, Athena et moi reprend un peu de service, juste pour vous livrer deux-trois impressions. Bon, pour le suivi du conflit, vous pourrez compter sur DSI (sur le site duquel j'ai posté un certain nombre de liens vers des interviews effectuées durant la semaine).
Quelques réflexions tout de même sur une problématique émergente et qui touche à l'emploi des forces aériennes - domaine qui, ceux qui me connaissent le savent - me tient à coeur (un nouvel Histoire & Stratégie sur la question est d'ailleurs en route mais je n'en dit pas plus).
En fait, à suivre ce que l'on peut entendre, les opérations en Libye n'avanceraient pas, il n'y a pas de solution politique, la puissance aérienne ne fonctionne pas sans appui terrestre. Ce sont des points de vue relativement communs mais il convient de les relativiser sérieusement.
1) Il y a des forces terrestres, ce sont les insurgés. Le plan qui semblait se dessiner, c'était de les laisser progresser sous couvert de l'appui aérien (coumpounded warfare). Là dessus, ajoutons que les frappes avancent plutôt bien. Seulement, on ne peut guère frapper qu'un véhicule à la fois : pour résumer, ça prend nécessairement du temps et évoquer comme on l'entend la théorie de l'enlisement, c'est faire preuve d'une bien mauvaise connaissance de l'histoire militaire...
2) Sur la cinématique générale des opérations : nous sommes en train de quitter la rationalité de conflit limité (soutien - victoire des insurgés - dégagement de la zone) qui demandait peu et rapportait beaucoup pour entrer dans une vision plus intégrale des choses - qui demande beaucoup et rapporte peu.
3) Le problème n'est pas la stratégie aérienne. Bien employée, elle fonctionne, particulièrement avec les instruments dont nous disposons. N'enterrons donc pas trop vite les stratèges de l'air sans avoir lu ce qu'ils ont écrit.
4) Mais comme toute autre forme de stratégie, elle nécessite du zweck et du ziel. Or, nous avons des objectifs dans la guerre ; mais pas véritablement d'objectif de la guerre. Ou, plutôt, nous avons voulu trop le raffiner pour le faire coller à des rhétoriques politiques... Pratiquement, la 1973 fixe un cadre clair, qui autorise
5) La guerre libyenne n'est pas notre guerre, c'est celle des Libyens. Si nous leur apportons une aide indirecte en éliminant l'armée de Khadafi, pourquoi pas ? Mais engager des troupes au sol ou un processus de reconstruction, c'est s'engager dans des rationalités très éloignées de la guere limitée... et favoriser l'enlisement que l'on craint.
Quelques réflexions tout de même sur une problématique émergente et qui touche à l'emploi des forces aériennes - domaine qui, ceux qui me connaissent le savent - me tient à coeur (un nouvel Histoire & Stratégie sur la question est d'ailleurs en route mais je n'en dit pas plus).
En fait, à suivre ce que l'on peut entendre, les opérations en Libye n'avanceraient pas, il n'y a pas de solution politique, la puissance aérienne ne fonctionne pas sans appui terrestre. Ce sont des points de vue relativement communs mais il convient de les relativiser sérieusement.
1) Il y a des forces terrestres, ce sont les insurgés. Le plan qui semblait se dessiner, c'était de les laisser progresser sous couvert de l'appui aérien (coumpounded warfare). Là dessus, ajoutons que les frappes avancent plutôt bien. Seulement, on ne peut guère frapper qu'un véhicule à la fois : pour résumer, ça prend nécessairement du temps et évoquer comme on l'entend la théorie de l'enlisement, c'est faire preuve d'une bien mauvaise connaissance de l'histoire militaire...
2) Sur la cinématique générale des opérations : nous sommes en train de quitter la rationalité de conflit limité (soutien - victoire des insurgés - dégagement de la zone) qui demandait peu et rapportait beaucoup pour entrer dans une vision plus intégrale des choses - qui demande beaucoup et rapporte peu.
3) Le problème n'est pas la stratégie aérienne. Bien employée, elle fonctionne, particulièrement avec les instruments dont nous disposons. N'enterrons donc pas trop vite les stratèges de l'air sans avoir lu ce qu'ils ont écrit.
4) Mais comme toute autre forme de stratégie, elle nécessite du zweck et du ziel. Or, nous avons des objectifs dans la guerre ; mais pas véritablement d'objectif de la guerre. Ou, plutôt, nous avons voulu trop le raffiner pour le faire coller à des rhétoriques politiques... Pratiquement, la 1973 fixe un cadre clair, qui autorise
5) La guerre libyenne n'est pas notre guerre, c'est celle des Libyens. Si nous leur apportons une aide indirecte en éliminant l'armée de Khadafi, pourquoi pas ? Mais engager des troupes au sol ou un processus de reconstruction, c'est s'engager dans des rationalités très éloignées de la guere limitée... et favoriser l'enlisement que l'on craint.